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22 novembre 2024

Direction très inspirée de la Philharmonie de Nice par le chef George Pehlivanian : de Beyrouth à la musique du monde.

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Pour terminer ce mois musical consacré au répertoire d’Europe centrale et russe, l’Orchestre philharmonique de Nice avait invité le chef américain George Pehlivanian pour un programme composé de l’Ouverture de « Rousslan et Ludmilla », opéra de Mikhaïl Ivanovitch Glinka, du deuxième Concerto pour Violon et Orchestre op.61 en la mineur du compositeur ukrainien Karol Szymanowki et, en deuxième partie, de la Symphonie n° 4 de Piotr Illitch Tchaïkovski.

Vera Novakova
Vera Novakova
Une ouverture en forme de mise en bouche puisque le dynamisme coloré de cette pièce, plus connue que l’opéra lui-même, a immédiatement montré un chef assuré et confiant dans ses gestes, dirigeant sans partition et en parfaite harmonie avec un orchestre puissamment imprégné de ses inspirations. Le deuxième Concerto de Szymanowski s’est révélé un morceau plus difficile à aborder : Vera Novakova a « joué un violon » Stradivarius aimablement prêté par un mélomane et collectionneur niçois, le docteur Girard, pour une pièce datée de 1934 mais musicalement déconcertante. La violoniste ne s’est heureusement pas contentée de virtuosité pour laquelle le directeur musical Marco Guidarini l’a vivement félicitée après le concert. Par son jeu intimiste, elle a également su donner de la chair et de l’âme dès l’introduction : le violon vacille comme une voix perdue dans une immensité brumeuse avant de tenter quelques aigus, comme s’il désirait s’arracher à cette ambiance pesante. Alternances rythmiques parfois brusques et évolutions tonales témoignent d’une forme de lutte du soliste avec l’orchestre. Lequel revient de manière agressive avec une intervention du cor anglais ou accompagné de quelques notes plus sourdes d’un piano qui, à l’image d’une réminiscence incertaine, demeure lointain et effacé. Muni de la partition, le chef exécute ce morceau avec des gestes précis de la main mais sans volume, le tout dans un espace restreint, voire minimaliste réservé au corps. Il s’en explique après le concert en précisant que pour une œuvre aussi difficile, la direction « courte convient davantage ». Un peu comme on tient bien en main les rennes d’un attelage sur un sentier escarpé. L’orchestre philharmonique s’y sent apparemment à l’aise, montrant une confiance sereine par un jeu à la fois minutieux et plaisant.

Le Maestro George Pehlivanian
Le Maestro George Pehlivanian
Dans la deuxième partie au contraire, George Pehlivanian fait exploser le cadre réducteur de son pupitre, libérant une sorte de fougue corporelle et décuplant une énergie dans les signaux directifs, ouvrant finalement un espace destiné, selon lui, à « donner toute la liberté à l’orchestre » de s’exprimer dans un morceau qui requiert une part essentielle d’éprouvé. On ne s’en plaindra guère tant l’interprétation de cette œuvre connue se trouve enrichie par cette densité humaine. Une ouverture particulièrement majestueuse des cuivres, un basson tourmenté puis dominé par des cordes avant que les contrebasses ne reprennent un thème où s’emmêlent écriture contemporaine et mélodies russes anciennes. A l’image du deuxième mouvement initié par les instruments à vent et ponctué de pizzicati des violoncelles qui en accentuent sa gravité tout en renforçant sa beauté mélodique. A l’unisson, violons, altos, violoncelles et contrebasses sont ensuite sollicités sans archet avant de contribuer au final fracassant qui n’ôte rien à l’harmonie de l’ensemble. Le dernier mouvement où les cuivres s’imposent à nouveau, semble marqué par des arythmies musicales, des silences soudains et des arrêts intempestifs, le compositeur paraissant retenir son souffle comme pour concentrer tout son génie dans les ultimes et haletantes mesures.

A l’issue du concert, où un « mabrouk » lui fut chaleureusement adressé, George Pehlivanian donnait quelques détails sur son origine libanaise, paraissant touché par l’évocation nostalgique de Mar Mikaël, un des quartiers du vieux Beyrouth où il est né. Au point d’émettre le souhait de venir jouer un jour prochain dans son pays natal. Celui du cèdre qu’il n’a pas revu depuis plus de trente ans.

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