1933 : Dès leur arrivée au pouvoir les nazis entreprennent d’interdire
toute expression musicale non conforme à leur idéologie et
d’éradiquer ce qu’ils appellent la «musique dégénérée», selon le
titre d’une exposition organisée en 1938 à Düsseldorf sur le modèle de
celle consacrée à «l’art dégénéré» qui s’était tenue à Munich l’année
précédente.
Sont tout particulièrement visés la «musique nègre», autrement dit le
jazz, et les compositeurs juifs, dont certains, comme Schoenberg,
sont les représentants d’une avant-garde pour laquelle les
nazis n’ont que haine et mépris.
Ainsi, la musique atonale – dont un critique de l’époque considère
qu’elle détruit «cet élément très évidemment allemand qu’est
l’accord parfait» – est pour les nazis le produit par excellence de
«l’esprit juif». Les nazis lui opposent Wagner, auteur en son temps d’un
pamphlet antisémite, Le judaïsme en musique, il incarne, aux yeux
des idéologues du régime, une musique censée régénérer l’âme allemande, sur laquelle les Juifs sont accusés d’avoir exercé leur influence néfaste.
Interdits de concert, chassés des orchestres et des conservatoires, privés de toute possibilité de gagner leur vie au pays de Bach et de Beethoven, nombreux sont les compositeurs et interprètes, juifs ou non, qui choisissent de s’exiler, notamment aux Etats-Unis mais beaucoup sont tombés dans l’oubli. Ils commencent à peine d’en sortir.
2009 : La chorégraphe et directrice artistique Julia Tumorticchi avec Les
Ballets des Alpes-Maritimes nous livre pour cette nouvelle création, un épisode peu connu de l’Histoire durant la période sombre du nazisme.
Ilse Weber, Pavel Haas, Hans Krasa, Walter Braunfels… autant de
compositeurs méconnus comme des voix oubliées, que les jeunes danseurs feront renaître.
Des chorégraphies aux lignes épurées, où se mélangent contemporanéité et néoclassicisme, au travers de musiques composées pour leur quasi totalité en camps de concentration. Une évocation corporelle sur les accords de ces musiques étouffées, mis en exergue par des décors en lumières minimalistes du scénographe Jean-luc Tourné et du light designer Yann Le Meignen, qui nous livrera au travers de la danse un vibrant hommage allégorique, intemporel et puissant.
La nouvelle création des Ballets des Alpes-Maritimes, s’inscrit dans les
obligations que nous avons tous envers l’Histoire et qui sont la transmission, la préservation, la perpétuation de la mémoire collective.
Cette création, pour que vienne le jour où ces compositeurs, joués,
enregistrés et écoutés trouveront enfin le public qui leur a été volé.