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22 novembre 2024

Monseigneur Sankalé, Evêque de Nice réagit à la décision de Benoît XVI et à la polémique « Williamson »: « Ecoeurement, honte et détermination ».

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jpg_05-le-grand-jas.jpgIl a hésité un moment avant de répondre positivement à la demande d’entretien. Une forme d’embarras qui ne s’origine certainement pas dans le déni de la nature ou des effets de la décision papale. S’il ne souhaitait pas « ajouter son coup de gueule », expression dont il reconnaît qu’elle ne sied pas forcément à un représentant de l’Eglise, c’est plutôt en raison d’un sentiment de profonde et d’inébranlable conviction intérieure : « Quel sens cela aurait-il de dire que le soleil se lève la matin ? » lance-t-il avant de préciser pour être certain d’être bien compris : « Faut-il vraiment expliquer que les propos de Williamson » -il refuse de lui accorder le titre de Monseigneur- « relèvent de la pathologie ? ». Le ton est donné. Sans jamais se départir d’un flegme non dénué d’ironie dont la réputation désormais le précède, Monseigneur Sankalé se propose de fournir une explication à la fois théologique, pleine d’humanité…et quelque peu engagée.

Il observe ainsi que la décision du Saint Père de lever l’excommunication aboutit à une « aberration canonique » : « Canoniquement, c’est un évêque sans diocèse, en attendant une régularisation annoncée », peut-être en vue, selon lui, d’une « prélature personnelle » de Benoît XVI. Soucieux de reprendre cette affaire depuis le début, il avoue avoir été « choqué par quatre choses ». En premier lieu, indique-t-il, le fait que cette « levée » concerne « quatre blancs, pur jus ». « Cela indique quelque chose » ajoute-t-il presque à la cantonade. Il rappelle ensuite et avec force détails, une histoire sur Monseigneur Lefebvre, en fonction au tout début des années soixante dans un « Sénégal fraîchement indépendant » et où le prélat avait déjà été mêlé à une polémique dans des circonstances identiques : « il s’était rendu, raconte Monseigneur Sankalé, au Canada pour sa congrégation missionnaire » et avait lâché à un journaliste qui l’interviewait quelques « formules inacceptables sur l’indépendance africaine », notamment le fait que « l’Afrique n’avait pas d’élites capables de la conduire » ». Ce qui lui avait valu à l’époque une « expulsion par le président Léopold Sédar Senghor et son affectation à Tulle ». « Je n’ai pas lu l’intégralité de l’interview de Williamson », continue par ailleurs l’évêque de Nice, se demandant ce qu’il aurait pu répondre « si on l’avait l’interrogé sur la traite négrière ». Avant d’enchaîner sur le ton de la colère contenue : « Comment donc a-t-il entendu les actes de repentance de Jean-paul II sur la Shoah ? ». « La quatrième chose qui m’a choqué, c’est le communiqué de Monseigneur Fellay voulant prendre ses distances…mollement », précise Louis Sankalé pour lequel « le supérieur de la Fraternité Saint Pie X aggrave son cas en ayant expliqué qu’il regrettait que le journaliste ait abordé un sujet « contesté » ».

« Je ne crois pas, au sens d’un Credo tient à préciser l’Evêque, que l’on puisse être catholique et révisionniste et antisémite en même temps…ni même quoi que ce soit d’autre qui vise l’humain ». « Le catholique ne peut pas être anti quelque chose, ou alors il doit être anti tout ce qui blesse et humilie l’humain ».

Il apporte son éclairage personnel sur la décision du Pape : « Je pense qu’il ne savait pas ». « Je ne peux pas imaginer que Benoît XVI le savait et l’ai fait quand même » tout en remarquant « qu’en même temps, on ne pouvait pas ignorer au sein du Vatican que l’environnement lefebvriste plongeait ses racines dans des familles politiques de triste mémoire ». Et de rappeler que « Monseigneur Lefebvre avait participé à tous les travaux du Concile Vatican II où il s’était systématiquement opposé à toutes les décisions prises ».

L’évêque de Nice tente une approche psychologique du geste de Benoît XVI : « C’est un homme qui n’est plus tout jeune et qui reste obsédé par une réconciliation qu’il souhaite achever avant sa mort ». « En ce sens, il ne se préoccupe pas d’opportunité politique ». Il est « formaté Ratzinger » et « se sent investi d’une mission avant de quitter le siège de Pierre ». Il a souvent expliqué, rapporte Louis Sankalé, que les « schismes qui blessent l’unité de l’église n’étaient au départ que de petites failles et que si elles avaient été résolues à la source, on n’en serait pas là ». Lorsqu’on l’interroge sur l’infaillibilité pontificale et le fait que la décision de Benoît XVI remet en cause une décision a priori elle-même infaillible de son prédécesseur Jean-Paul II, il répond immédiatement : « l’infaillibilité pontificale concerne la foi et les mœurs ». « Elle n’empêche pas le Pape de se tromper de marche lorsqu’il va de l’un de ses appartements à un autre au Vatican » !

« Regarder Jésus Christ » dit-il soudain comme s’il se parlait à lui-même. « La foi consiste à appeler l’homme à se relever lorsqu’il tombe », phrase à prendre comme une respiration intérieure. Un ton miséricordieux après des propos susceptibles de ressembler à une sentence voilée. Dans tous les cas, un temps de répit avant de continuer l’entretien.

« Cette réconciliation, reprend-il, est un travail auquel Benoît XVI accorde une attention particulière ». Et de mentionner l’existence d’un « groupe de travail de prêtres parisiens en liaison avec Rome sur l’excommunication qui a frappé Luther ». « Une excommunication qui a l’époque visait des thèses qui n’étaient pas aussi anticatholiques qu’on a cru sur le moment ». « A quand d’ailleurs, s’interroge aussi le prélat de Nice, un diocèse pour Monseigneur Gaillot ? ». Mais même un diocèse pour cette évêque de Partenia ne règlerait pas, selon lui, le « problème Williamson ». « Rien en fait ne saurait y faire contrepoids ». En ce sens, précise-t-il, « l’opinion est tellement mobilisée sur cette question que les dernières réflexions des Evêques de France sur la bioéthique risquent de passer inaperçues ». « De même que la prochaine Encyclique sociale en préparation au Vatican » laquelle pourrait dans ce climat « devenir difficilement recevable ».

Monseigneur Sankalé reconnaît avoir reçu plusieurs courriers de paroissiens indignés par la décision du Souverain pontife. Courriers auxquels il a répondu en exprimant son sentiment « d’écoeurement, de honte et de détermination ». Une détermination qu’il entend illustrer en faisant preuve « d’une grande vigilance à l’égard de la Communauté de prêtres et de séminaristes en formation dans son diocèse ». Derrière la sérénité de ton, l’homme de conviction refait in fine surface : quels que soient les périls en cours et à même de menacer la cohésion de la « maison du Père », la sienne semble apparemment sous bonne garde.

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