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22 novembre 2024

Interprétation rigoureuse de Ligeti, Chostakovitch et Schumann par la Philharmonie de Nice sous une direction parfois austère du chef Günter Neuhold.

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On note d’emblée la minutie dans la préparation de l’Orchestre qui tarde à accorder ses instruments avant l’arrivée du chef : l’opération s’éternise. On pressent le travail des répétitions dont la rigueur a dû laisser quelques traces et l’on enregistre chez les instrumentistes aux visages inhabituellement tendus, une forme d’inquiétude.

Le Maestro Günter Neuhold
Le Maestro Günter Neuhold
On en saisit l’origine dès les premières mesures du « Lontano », une œuvre d’une dizaine de minutes écrite en 1967 par le compositeur hongrois György Ligeti : les gestes du chef autrichien se révèlent à la fois souples et semblent évoluer presque au ralenti. Même lorsqu’il tourne la page de sa partition, il donne le sentiment d’être mû par un souci d’économie, de préservation d’une énergie toute intérieure. Mais son regard impassible et son corps plutôt raide témoignent d’une implacable rigueur. L’œuvre est certes complexe. Elle débute par une note tenue, étirée à l’infini des possibilités instrumentales et qui semble s’épaissir pour gagner en volumes successifs que Günter Neuhold déplace à sa guise, en toute fluidité. La direction conserve pourtant une extrême modération au point que les notes, comme par crainte de s’exprimer ouvertement, paraissent adopter des tonalités pastel, enfermées dans un registre en demi-teinte. La tension s’avère perceptible dans toute la salle qui comprend et partage cette exigence d’un morceau digne d’un chiffrage crypté même si Ligeti prend avec cette musique ses distances avec ses inspirateurs les plus directs. Il appert plus proche dans cette pièce de Pierre Boulez que d’Edgar Varèse ou que de Karlheinz Stockhausen dans le refus de l’immixtion électronique, du bruitage tout en restant fidèle à l’atonalité. Dans la dernière mesure où la note tenue décroît subtilement, les doigts de la main directrice de Günter Neuhold se rejoignent dans une gestuelle d’une infinie lenteur au point de déstabiliser le public qui finit par s’interroger sur le fait de savoir si cette dernière est encore jouée. Moment d’exception où la salle tétanisée demeure silencieuse, le chef et son orchestre immobiles.

Sonia Wieder Atherton
Sonia Wieder Atherton
Le concerto pour Violoncelle et Orchestre n° 2 en sol mineur op. 126 du compositeur russe Dimitri Chostakovitch nous fait découvrir la très talentueuse soliste Sonia Wieder-Atherton. Composée en 1966, dédiée au regretté Mstislav Rostropovitch qui en assura la création à Moscou la même année, cette pièce paye en quelque sorte les conséquences de ses origines tortueuses : trois mouvements, un largo initial qui devait servir pour une autre création, un final dont la partition originale a été détruite et complètement réécrite. Elle illustre en cela la personnalité particulièrement souffrante du compositeur russe. La partition donne surtout du fil à retordre à la violoncelliste qui en sort complètement épuisée après un exercice quasi olympique de virtuosité. On pourra regretter que ce Concerto, un dialogue supposé entre un instrumentiste et un orchestre, manque une part de son interlocution : Sonia Wieder-Atherton a beau nous stupéfier par les passages quasi extatiques de son interprétation, la direction la conforte dans un jeu, certes d’une qualité exceptionnelle, mais qui restreint son échange avec le reste de la formation philharmonique. Des jeux légèrement décalés s’installent et on peut se demander si le chef, plus soucieux de méticulosité que d’harmonie d’ensemble, n’en vient pas à museler son orchestre. Peut-être convient-il aussi d’y reconnaître l’essence de cette œuvre si personnelle de Dimitri Chostakovitch où le compositeur, perdu dans son anonymat, veut justement traduire cette incapacité à communiquer avec le monde qui l’entoure.

L’argument devient nettement moins recevable pour la deuxième partie de la soirée où cette communication entre le chef et sa formation orchestrale tarde également à venir dans la quatrième Symphonie en ré mineur op. 120 de Robert Schumann. Quatre mouvements qui doivent être interprétés d’un seul tenant. Après le premier d’entre eux où la direction insiste plus sur les « tempi » que sur les phrasés mélodiques, l’inspiration romantique du deuxième, celui nettement plus onctueux de la « Romanze », parvient à dérider le chef qui sourit -enfin !- et réussit avec ce morceau à construire une relation plus étroite avec l’orchestre dont on ressent presque visuellement l’évolution vers l’aisance du jeu et l’engagement interprétatif : Günter Neuhold s’est, semble-t-il, laissé séduire et le charme agit également sur les musiciens. A l’image de ce jeune contrebassiste en provenance de Monaco -pour un remplacement- et qui tout sourire et tout à sa partition, semblait durant le concert sur une « autre planète ».

A noter : le prochain concert exceptionnel aura lieu le samedi 28 février 2009 à l’Opéra. Le Maestro Marco Guidarini dirigera l’Orchestre philharmonique en compagnie du pianiste Eric Le Sage dans un programme Mozart (Symphonie n° 38 en ré majeur dite « Prague »), Poulenc (concerto pour piano) et Haydn (symphonie 104 en ré majeur dite « Londres »).

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