Un marchandage inacceptable. Le document provisoire rédigé par le Comité préparatoire en vue de la Conférence de l’ONU « Durban II » contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, n’honore pas les pays qui ont accepté d’y prendre part. Et ce, malgré leur prétexte d’en négocier une « version adoucie ».
Présidés par la Libye, pays assisté pour la vice-présidence par l’Iran, les travaux de ce Comité ont abouti à un texte remanié dont les principales orientations s’opposent encore radicalement à nombre de valeurs occidentales essentielles. Au point d’amener les Etats-Unis, le Canada, Israël et l’Italie à boycotter cette réunion prévue du 20 au 24 avril prochain à Genève. L’Union Européenne maintient quant à elle sa participation dans la perspective de la session finale du Comité préparatoire, annoncée pour la semaine du 15 avril.
Dans cette attente, faut-il véritablement se féliciter du fait que les discussions aient contribué à faire disparaître la référence à la « diffamation » des religions, notion remplacée après d’âpres négociations selon les Européens, par celle qui pénalise « seulement » « l’incitation à la haine religieuse » ? En détournant ainsi le principe fondamental de la liberté de croire, le texte initial cherchait à officialiser un délit de blasphème en contradiction totale avec la liberté de conscience contenue dans la Déclaration universelle des droits de l’homme dont on vient pourtant de célébrer le soixantième anniversaire. Mais la nouvelle formule ne vaut guère mieux et laisse la porte ouverte à toutes sortes d’interprétations liberticides. Comment concevoir et accepter ensuite, l’idée même qu’il ait fallu « batailler ferme », toujours selon les diplomates occidentaux, afin d’obtenir la suppression de plusieurs paragraphes qui stigmatisaient systématiquement Israël et institutionnalisaient de facto l’antisémitisme sous couvert d’un examen critique de sa politique étrangère ? Comment justifier finalement la concession occidentale d’abandonner la mention « discrimination liée à l’orientation sexuelle » voire certains « droits des femmes » contre la garantie d’obtenir l’assentiment de pays qui rejettent l’universalité des droits de l’homme au profit d’un communautarisme exacerbé et ce, au nom de « spécificités culturelles » leur permettant de mieux discriminer entre les catégories de citoyens ?
En ces temps de crise qui agitent légitimement la sensibilité humaine sur les valeurs éthiques -on le voit quotidiennement à propos de la question des bonus et des stock-options- le respect intangible et la promotion sans relâche de ces dernières devraient au contraire servir, sinon, accompagner l’avènement d’une nouvelle société internationale prôné par les dirigeants de la planète. Malheureusement, les droits de l’homme, bastion symbolique de l’ONU et repère inaliénable pour le citoyen, risquent de devenir un instrument aux mains d’Etats imprégnés d’un anticolonialisme dépassé et manipulé à des fins de contrôle politique des frustrations populaires. C’est ainsi que le président de l’Assemblée générale des Nations Unies, le prêtre sandiniste et ancien ministre des affaires étrangères du Nicaragua, a tout à la fois accusé de « racisme » la Cour pénale internationale qui réclame l’arrestation du président soudanais et pris la défense du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad dont il a mis en doute les idées négationnistes et la véracité de ses paroles sur sa volonté de « rayer Israël de la carte ». Les représentants occidentaux misent sur la nomination du successeur de Miguel d’Escoto, lequel sera probablement libyen. Pas de quoi rassurer.
Et puisqu’il faut toujours balayer devant sa porte: la « contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère d’un Etat, même en France » énoncée récemment par un ministre français des affaires étrangères lequel a, par surcroît, reconnu « l’erreur » que constituait la nomination d’un Secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, ne représente pas un message porteur d’espoir en la matière.