Nice-Premium : A deux jours du scrutin, que propose votre liste pour ces élections ?
Vincent Peillon : Le Parti Socialiste Européen (PSE) est le seul à proposer un véritable programme commun aux partis des 27 Etats qui le composent : le Manifesto, qui rassemble 71 propositions très concrètes pour changer l’Europe.
Pour sortir l’Europe de la crise actuelle, nous proposons tout d’abord un grand plan de relance européen de 100 milliards d’euros, en faveur d’une croissance juste, innovante et durable. Axé sur de grands travaux d’infrastructures, ce plan permettra de mettre l’Europe sur la voie d’une croissance « verte » et de créer dix millions d’emplois en dix ans. Nous voulons aussi mettre en place au niveau européen les indispensables régulations économiques qui nous manquent, car la droite s’y est toujours opposée au nom de son dogme libéral. Nous continuerons donc à lutter en faveur d’une harmonisation fiscale européenne ou contre les paradis fiscaux.
Nous proposons ensuite de jeter les bases d’une véritable Europe sociale. Nous voulons ainsi voter un Pacte européen du progrès social, qui comprendrait en particulier un Smic européen garantissant un salaire minimum égal à 60 % du salaire médian dans tous les pays de l’Union, et une clause de sauvegarde sociale pour protéger les acquis sociaux. Nous voulons ainsi tirer tous les pays d’Europe vers le haut.
Enfin, nous souhaitons faire de l’Europe le leader en matière de lutte contre le changement climatique en faisant adopter un accord mondial sur le climat et en dotant l’Union d’une politique énergétique commune, à la hauteur des enjeux.
N-P : A quelle Europe aspirez-vous?
V-P : L’Europe à laquelle j’aspire, c’est au contraire une Europe-puissance, forte, qui dispose de pouvoirs renforcés pour mener des politiques européennes ambitieuses et promouvoir une véritable harmonisation sociale et fiscale entre les Etats membres. Pour ceci, l’Europe doit disposer de vrais leviers budgétaires : c’est pourquoi nous, socialistes, plaidons en faveur d’une augmentation du budget européen et de la souscription d’un grand emprunt européen, ce à quoi la droite s’oppose obstinément.
N-P : Les élections Européennes sont très souvent victimes d’un fort taux d’abstention, comment l’expliquez-vous ?
V-P : L’Europe parait souvent lointaine et technocratique, alors que d’innombrables décisions politiques prises à Bruxelles ont des impacts très concrets sur la vie des gens.
Le meilleur remède contre l’abstention, c’est de politiser les élections européennes, montrer que la droite et la gauche portent deux visions, deux projets différents pour l’Europe. Ceci n’est pas facile car la droite, dans cette campagne, a constamment cherché à éviter le débat. Elle nous cache son bilan et elle nous ment sur son projet.
Le bilan de la droite, c’est, rappelons-le, cinq ans de dérégulation, de déréglementation et de libéralisme effréné, qui nous ont conduits à la crise actuelle.
N-P : Que comptez-vous faire pour que les citoyens aient une meilleure vision de l’Europe ?
V-P : Il faut justement expliquer et montrer que l’Europe n’est pas impersonnelle et apolitique, mais qu’elle est à l’image des femmes et des hommes politiques et des partis qui la dirigent. La droite et la gauche, en France comme en Europe, ce n’est pas la même chose. C’est en insistant sur ce point que nous montrerons aux Français qu’une alternance au Parlement européen permettrait de changer l’Europe.
N-P : Que pensez-vous du traité de Lisbonne ?
V-P : A 27 pays, les institutions européennes ne fonctionnent pas bien. Le traité de Lisbonne nous permet de nous adapter aux exigences de cette nouvelle donne. En donnant plus de pouvoirs au Parlement européen, il rendra l’Europe plus démocratique. Et plus de démocratie, cela veut dire plus de progrès social.
Cependant ce traité ne met pas un terme au débat institutionnel, car il recèle de nombreuses et importantes insuffisances. Il n’est donc pas en mesure de répondre réellement aux défis auxquels l’Europe doit faire face. J’aurais souhaité qu’il aille beaucoup plus loin sur la voie de l’intégration politique et économique.
J’aurais par ailleurs préféré qu’il soit soumis au référendum. Cela aurait évité bien des malentendus. Je reste toutefois vivement partisan d’un projet ambitieux d’assemblée constituante des peuples européens, pour enfin doter l’Europe d’une véritable constitution démocratique.
N-P : Les sondages annoncent un relatif retard au niveau des intentions de vote du PS par rapport à celles de l’UMP (4 points). Cela vous inquiète-t-il ?
V-P : Un sondage n’a jamais été un vote ! Je ne suis pas inquiet car la fin de campagne me donne plein d’espoir, et tout reste encore possible. D’autant plus que la proportion d’indécis est encore très élevée. Dans ce scrutin, nos premiers ennemis sont l’abstention et la dispersion des voix. Le nombre de gens qui ne savent pas s’ils vont se rendre aux urnes est encore colossal.
N-P : Vous déclarez que cette nomination dans le Sud-Est est « un crève coeur », comment comptez-vous mobiliser les électeurs ?
V-P : Je suis quelqu’un de sincère. Au moment où j’ai appris que j’allais devoir quitter ma région, la Somme, j’ai en effet exprimé mon regret de quitter les gens avec qui j’avais travaillé, pensé, lutté pendant quinze ans. Après tant d’années passées ensemble, on s’attache forcément ! Mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas très heureux de m’investir dans la plus belle région de France, le Sud-Est ! D’ailleurs, tout au long de cette campagne, j’ai reçu un accueil très chaleureux et des retours très positifs de la part des habitants. Je leur en suis très reconnaissant et je tiens d’ailleurs aujourd’hui à les remercier du fond du cœur.