Rebuffades théâtralisées de l’Iran lors des négociations sur la question de l’enrichissement de l’uranium, tensions diplomatiques avec les autorités israéliennes à propos de l’étape palestinienne à Gaza du Ministre français des affaires étrangères, report de la visite de ce dernier à Damas alors qu’il effectue un déplacement au Liban, difficultés persistantes de Paris à convaincre l’opposition libanaise pro-syrienne d’accepter de former un gouvernement, la diplomatie française donne ces temps-ci l’impression de rencontrer de multiples résistances. L’ensemble de ces « difficultés » pose une question : la politique étrangère de Barack Obama ferait-elle de l’ombre à la diplomatie française ? Les signaux adressés au monde par l’Amérique n’ont-ils pas placé Paris dans une position inconfortable ? Nicolas Sarkozy en a, semble-t-il, déjà tiré les conséquences en se démarquant de Washington dans plusieurs dossiers.
En premier lieu sur l’Iran où, malgré les communiqués rassurants sur des « entretiens téléphoniques » entre les présidents américain et français, le ton adopté par l’Elysée dès les résultats de la présidentielle iranienne a été nettement plus radical, offrant un singulier contraste avec la neutralité, voire la conciliation à tout prix recherchée par la Maison Blanche. En prétextant l’existence d’un contentieux avec Paris sur le nucléaire lequel daterait des premières années de la révolution islamique, l’Iran a d’ailleurs tenté -en vain- une manœuvre purement dilatoire pour exclure la France des discussions de Genève. L’insistance des Iraniens à vouloir, par surcroît, qualifier Moscou de « maître d’œuvre » dans l’éventuelle mise en place d’un accord en dit long sur la volonté de Téhéran de faire payer à Nicolas Sarkozy son engagement verbal -légitime- aux côtés des leaders de la « révolution verte ».
Le report, ensuite, de la visite en Syrie de Bernard Kouchner alors que celui-ci effectue un déplacement au Liban, réussira-t-il à ouvrir les yeux de Paris sur les très mauvaises manières réservées par Bachar El Assad à celui qui est pourtant, depuis son arrivée à l’Elysée, son meilleur atout sur la scène internationale ? L’arrestation récente du dissident et militant des droits de l’homme syrien Haissam Maleh, le refus de Damas de signer, malgré -ou en raison ?- de l’empressement français auprès de la présidence suédoise, l’accord d’association avec l’Union européenne en panne depuis 2004 pour des raisons liées aux manquements de ce pays sur les droits de l’homme et, finalement, les entraves répétées -et savamment dosées- du grand voisin syrien dans le processus de formation du gouvernement libanais, récompensent mal -une litote- les efforts considérables de la France. Celle-ci se prépare d’ailleurs à accueillir le leader alaouite en novembre prochain. La Syrie, on le sait, ne jure que par Washington et ne rechigne jamais à manipuler les autres puissances moyennes pour obtenir en retour toute l’attention américaine. Divergence là encore flagrante entre les Etats-Unis restés prudents -et réalistes- sur ce pays et la France gratifiée du rôle, si l’on ose dire, d’un avocat plaidant la cause d’un multirécidiviste. Une plaidoirie encore plus délicate à la lumière des sanglants attentats de Bagdad dont les autorités accusent la Syrie d’abriter les responsables.
Probablement passagères, les tensions avec Israël n’en sont pas moins énigmatiques : l’abstention française lors du vote sur le rapport Goldstone au Conseil des Droits de l’homme de l’ONU -une institution largement décriée pour sa partialité-, puis la lettre commune avec le premier Ministre britannique, au ton jugé comminatoire par l’Etat hébreu, justifient d’autant moins cette brouille que des sources officielles israéliennes évoquent les aspects « légitimes de la demande de création d’une commission indépendante ». Tout en reprochant à Paris de « faire des choses sans tenir compte du point de vue de l’autre ». Certes, et contrairement à la France, les Etats-Unis rejettent officiellement tout dialogue avec le Hamas et le Hezbollah. Au Liban, l’Ambassadeur américain, explique-t-on sur place, ferait pression sur Saad Hariri pour le convaincre de réduire le nombre et l’importance des portefeuilles ministériels susceptibles d’être proposés à la milice chiite.
Les développements inattendus du dossier iranien pourraient-ils constituer une discrète pomme de discorde entre les deux rives de l’atlantique ? La question pourrait se poser après l’étonnant récit de la réunion du Caire du 29 et 30 septembre sur l’énergie nucléaire : « lorsque la délégation de l’Etat hébreu est entrée dans la salle de réunion, celle de l’Iran est restée », constate-t-on très surpris, coté israélien, avant de préciser : « Ce n’est pas encore un contact direct ». Mais cela y ressemble fort.