Pudiquement appelée « Imaging Technology » par les Anglais –no sex please, we’re british ! – la technique des « body scanner » interroge la relation pour le moins ambiguë de l’être humain avec son corps, la nudité et la vision de celle-ci par l’autre. Une nudité pourtant décomplexée qui s’affiche généreusement sur la place publique : affiches et clips publicitaires, films et magazines déshabillent allègrement les femmes et les hommes, vantent des formes arrondies et des contours musclés sans le moindre filtre du clair-obscur.
Afin de contourner la finalité d’un vêtement dissimulant une chair vilipendée par le péché originel, l’habit vise désormais à montrer et à mettre en valeur une anatomie dépouillée qui refuse de dire son nom : ensemble moulant ou décolletés avantageux pour les femmes, coutures apparentes de boxer short pour les hommes, autant de « missed calls » physiques qui sollicitent le miroir des yeux d’autrui. Sans parler des tatouages féminins réalisés dans toutes ces zones ludiquement « frontières » situées entre le visible et le caché : lisière du cou, chevilles, intérieur du poignet, bas du dos. Loin d’exhiber, on laisse deviner : la passivité séductrice y trouve confirmation de ses multiples artifices.
Il n’y a donc plus grand-chose à camoufler…sauf ce qui réside dans la psyché. Que serait effectivement le corps sans cet inconscient primitif qui le constitue, cette période infantile de « pervers polymorphe » qui le morcelle et en prend progressivement possession, ce cataclysme pubertaire qui le redessine et le fantasme, cette sexualité génitale qui le projette et lie son désir à celui de l’autre ?
La réaction embarrassée des autorités comme celle des voyageurs met en jeu, sans le dire clairement, la défense de cette intimité psychique : c’est la seule dont nous disposions encore librement si l’on songe aux possibilités offertes par les moyens sophistiqués de surveillance électronique de nos faits et gestes sur La Toile et dans nos activités quotidiennes. L’essentiel ne doit donc pas être confondu avec l’accessoire.
Reste l’énigmatique présence de l’agent sécuritaire qui ordonne le « passage obligé » par le portique : impératif sadien de soumission hiérarchisée dans un rapport de perversion couplant le corps dénudé de l’un et -l’éventuelle- jouissance scopique de l’autre : tout un programme !
Que les mêmes se rassurent…ou se désolent : sur les millions de passagers quotidiens, il est à craindre que la majorité d’entre eux ne laisse pas un souvenir érotisé impérissable.