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22 novembre 2024

L’Edito du Psy – Une Charte des droits et des devoirs signée à la majorité ?

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jpg_bobine2008-73.jpgLors d’un débat sur l’identité nationale à Marseille, le Ministre de l’immigration Eric Besson a proposé que chaque Français atteignant l’âge de la majorité puisse signer une « Charte des droits et des devoirs », « quelque chose qui l’attache à la république », « un symbole qui peut toucher », selon des propos du Ministre rapportés par Le Monde.

L’idée est noble. En apparence, on ne peut qu’y souscrire. En creux, elle révèle l’erreur française par excellence : une loi là où il faudrait du désir, une signature là où il faudrait de l’affect. Elle témoigne aussi de ce décalage décidément insurmontable, à droite comme à gauche de l’échiquier politique national, entre l’élu et le citoyen : loin de chercher à comprendre un phénomène, le premier trouve refuge dans l’omnipotence législative. En quête d’humanisme, sinon de bonheur, le second décline l’offre, voire résiste. Souhaitée ardemment par les deux, la rencontre est toutefois peu probable. Accompagnons ce désolant constat de quelques réflexions de bon sens.

Faut-il, en premier lieu, attendre l’âge de la « majorité légale » pour s’inquiéter de « l’attachement » de l’individu à la nation ? On peut -croyons le naïvement- être un « éternel apprenti » des valeurs républicaines. Mais il est à craindre que la démarche proposée par le Ministre ne soulève en l’espèce plus de questions qu’elle n’en résolve : pense-t-on pouvoir, aussi tardivement, redresser une éducation aussi simplement qu’une barre tordue ?

La signature formalisée d’une charte ne risque-t-elle pas, par surcroît, de contredire la puissance symbolique des idéaux implicites qu’elle sous-tend ? Aveu solennel d’impuissance, elle viendrait sanctionner comme un diplôme à rebours leur défaillance. Prétendant s’y substituer, le cadre proposé ne ferait que révéler le vide qu’il enserre: un fragile contenant en lieu et place d’un solide contenu.

Proposer la signature de cette charte à dix-huit ans constitue par ailleurs un redoutable pari : on sait aujourd’hui -les symptômes en témoignent de même que le débat sur la responsabilité pénale des mineurs- que la majorité légale et son corollaire psychique ne correspondent plus vraiment. Les repères socio-professionnels sont brouillés. L’adolescence, période particulièrement turbulente de redéfinition tous azimuts des enjeux essentiels d’un être humain, moratoire où elle ouvre un immense champ des possibles, peut invariablement favoriser comme rejeter toute intégration de la norme. A ce titre, l’adolescence est un facteur aggravant d’inégalité devant la loi.

Et puisque le Ministre parle « symbole », rappelons en finalement l’énigmatique dimension signifiante : le rituel initiatique de passage, celui qui consiste à arracher le petit d’homme à l’attraction exercée par la toute puissance maternelle pour le faire définitivement entrer dans le monde des adultes, commence dès le plus jeune âge. Mais même dans « Le Livre de la Jungle », c’est la puissance, soudaine et imprévue, du désir qui guide Moogly vers le village. C’est cette attraction « librement » ressentie et son prolongement inconscient -une adhésion à tout ce que celle-ci véhicule en termes d’éducation et de culture- qui lui feront sans doute accepter, par le refoulement de la violence fondamentale, les pénibles contraintes de la vie en société.

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