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22 novembre 2024

David contre Goliath pour la Cathédrale Saint-Nicolas à Nice

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Cathédrale Saint-Nicolas à Nice
Cathédrale Saint-Nicolas à Nice
Dans sa ligne de mire, la Cathédrale Russe (Saint-Nicolas) gérée depuis 1923, par l’Association Culturelle Orthodoxe Russe qui assure sa gestion (comme celle de l’Eglise de la rue Longchamp et du cimetière russe de Caucade qui ne figurent pas dans le contentieux).

S’opposer à un Etat et de surcroît à un Etat de « poids » n’est jamais aisé et les membres de l’association Culturelle Orthodoxe -80 personnes qui se sentent les gardiens de ce patrimoine artistique et religieux- peuvent en témoigner par leur expérience directe.

La décision du Tribunal de Grande Instance de Nice, rendue le 20 janvier dernier, leur a été défavorable mais les « petits » niçois (par ailleurs supportés par le Patriarcat de Costantinople), n’ont pas baissé les bras et ont fait appel auprès de la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui tranchera probablement courant 2011. Dans cette attente, les parties campent sur leurs positions respectives et puisque la compréhension de l’historique est assez difficile (nous n’avons qu’un seul son de cloche), nous laisserons de côté ce « Jus publicum ».

Nice Premium a rencontré le Vice-Président de l’Association, Alexis Obolensky, qui nous aide à comprendre la raison de tant d’obstination :

Nice Premium : Pourquoi vouloir garder une telle prérogative ?

Alexis Obolensky : Nous en faisons une question de principe parce que nous ne comprenons pas pourquoi, après des décennies de silence, l’Etat Russe se place en héritier de la famille impériale qui fut à l’origine de la construction de la Cathédrale de Saint-Nicolas. Je suis d’origine russe et ma famille quitta notre Pays dans les années 1920 quand il fut évident que l’après-tsarisme ne serait qu’une autre dictature sous les bolcheviques. Je connais bien l’histoire tourmentée de la Russie devenue Union Soviétique puis, à nouveau, la Russie mais en tant que République et non plus Empire. Mais, notre association a en charge « notre » Eglise depuis 1923 et notre gestion est sans faute. Pourquoi donc être expulsés de cette maison de culte pour laisser place à d’autres qui n’ont rien fait pour le mériter ? Dire que l’Etat Russe est le légitime héritier de l’Empire des Tsars me paraît une hérésie si l’on veut bien se rappeler que la famille impériale fut exécutée par les bolcheviques […]. La totalité de ses membres [sont décédés] afin d’éviter qu’il puisse y avoir des héritiers !

N-P : Il y a probablement un vide juridique qui fait que votre Association et l’Etat Russe peuvent revendiquer le même titre de propriété. Toutefois, dans le cas où l’Etat Russe aurait la gestion, il continuerait d’assurer la pratique religieuse comme vous le faîtes actuellement. Le caractère religieux des lieux sera donc préservé. Cela n’est-il pas, finalement, l’objectif premier d’une église ? pouvoir pratiquer son culte ?

A.O : Vous savez il y a aussi une question de légitimité dans la question des affaires religieuses à l’intérieur de l’Eglise Orthodoxe. Notre Eglise et son Recteur, qui en est le Président, se réfère au Patriarcat de Constantinople et non à celui de Moscou dont les intérêts économiques sont étroitement liés à ceux de l’Etat Russe. Nous sommes les petits poucets face à l’ogre, mais nous allons nous battre jusqu’au bout pour la défense de nos droits.

N-P : J’imagine qu’il existe d’autres cas comparables au votre ?

A.O : Bien entendu, le Patriarcat de Moscou, via l’action politique et juridique de l’Etat Russe, est en train de récupérer toutes les églises qu’il considère lui appartenir. Mais la situation est confuse et elle dépend aussi de l’attitude des différentes communautés et de ses Recteurs. Je peux vous dire que l’Eglise de Biarritz, voire de Menton affichent le statu quo. Seule l’Eglise de Cannes, dans des circonstances assez sulfureuses a basculé vers le Patriarcat de Moscou. Je finirai par vous dire que notre cas est le plus important : la Cathédrale de San Nicolas est la plus grande église hors de Russie. Elle fut bâtie directement par la décision des membres de la famille impériale. Elle a donc également valeur de symbole.

N-P : Vous n’ignorez certainement pas qu’en Italie, à Bari, la Municipalité locale qui en détenait la gestion depuis 1936 a librement décidé de « rendre » à l’Etat Russe, la Chiesa Ortodossa Russa di San Nicola. La cérémonie, qui s’est tenue le 1er mars 2009 en présence des Présidents Giorgio Napolitano pour l’Italie et Dmitri Medvedev pour la Russie, a vu le déplacement sur les lieux du Patriarche de Moscou Kirill, nouvellement élu. Le Pape Benoit XVI l’a même encouragé en envoyant un Cardinal-légat. Cet acte politique ne peut pas être considéré comme un dangereux précédent ?

A.O : Oui, peut-être, mais chaque cas est différent des autres. Nous savons que le contexte général est contre nous et on est obligés de constater qu’il y a beaucoup de comportements « neutres » assez suspects même en France. Entre une association et un Etat…vous comprendrez, le choix est assez facile ! Nous avons l’exemple dans les rapports avec les autorités locales : nous ne sommes pas du tout aidés…bien au contraire. Comme on dit, il y des silences qui valent bien plus que mille paroles.

Alexis Obolensky combat sportif et religieux dans les gènes ?

Alexis Obolensky est calme et réfléchi. Lui qui est, de toute évidence, une personne plus diplomate que combative. Mais quelle motivation le rend si obstiné dans sa démarche ? Une anecdote que nous lui rappelons n’a pas manqué de le surprendre…

Un autre membre de sa famille, Alexandre Obolensky, qui fut joueur de rugby, avec le maillot de l’équipe d’Angleterre s’illustra en marquant deux essais dans la superbe victoire (13-0) du XV de la Rose contre les All Blacks en 1936. Dans la même semaine, ’Obo’ réédita son exploit en ajoutant un nouvel essai à son record personnel contre les mêmes All Blacks durant le match Oxford University. Malheureusement le jeune « prince » russe, né à Saint-Pétersbourg mais de nationalité anglaise, se tua en 1940 en tant que pilote de la Royal Air Force pendant la Seconde Guerre mondiale. Alexis Obolensky n’a jamais connu ce cousin parce que cette famille princière dispersa ses branches cadettes en France et en Angleterre.

Peut-être l’opiniâtreté est-il un trait de caractère de la famille Obolensky. Ainsi, comme le jeune ’Obo’ qui réalisa un exploit sportif aujourd’hui encore cité dans les livres d’histoire du jeu ovale, il paraît évident qu’Alexis voudrait lui aussi réaliser son exploit : vaincre cette bataille juridique au nom d’un principe qu’il tient à souligner avec conviction : « Ne pas renoncer à ses droits devant la force ».

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