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22 novembre 2024

Eric Borghini, Président du District 06 de la Fédération Française de Football : « Il faut avoir le courage de changer et imaginer une nouvelle gouvernance de la FFF »

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jpg_borghini-logo.jpg La démission du Président Jean-Pierre Escalettes intervenue dans la foulée va obliger le Comité Directeur de la FFF à élire un Président par intérim qui convoquera les instances électorales à l’automne prochain pour le renouvellement des organismes directeurs.

Nous avons rencontré Eric Borghini à quelques jours de la date de cette réunion fédérale qui aura lieu le 23 juillet prochain.

Eric Borghini : Maintenant que la page de l’encadrement technique de l’équipe de France a été tournée avec la nomination de Laurent Blanc et de son staff, il faut aborder un autre chantier du renouveau du football français. Il faut le faire de manière à ce que certaines erreurs ne se reproduisent plus et que, dans ces cas-là, on ait les anticorps nécessaires pour les combattre efficacement. Ce qui s’est passé en Afrique du Sud est tout à fait exceptionnel et franchement impensable : de mémoire je ne me rappelle pas une situation semblable au niveau international. L’épisode de Knysna ressemble à une insubordination pure et simple et je dirais même que ça été un épisode qui dépasse le cadre de la discipline du football. Je demande que des sanctions exemplaires soient prises quand la Commission d’Enquête nommée aura établi la nature des faits et des responsabilités de chacun. Mais la gravité a été surtout l’incapacité de management (prévoir, comprendre, intervenir, sanctionner…), le ’bus’ de l’équipe de France a donné l’impression d’être un bateau à la dérive avec un équipage qui ne savait même pas ce qu’il faisait et où il voulait aller. Et personne n’a eu l’autorité d’intervenir et de dire : Stop, ça suffit !

Nice Premium : Domenech est parti, le président Escalettes a démissionné, la page est tournée. Comment imaginer le futur du football français ?

E.B : Domenech est parti et c’est une bonne chose parce que sa reconduction après le Championnat d’Europe de 2008 a été une très grave erreur et je crois que cette décision a été à l’origine de beaucoup de problèmes. Depuis l’équipe de France a commencé une gestion entropique qui l’a conduite à se détacher des autres composantes du football et parmi lesquelles j’inscris la presse et le public. Dites-moi ce que la gestion Domenech a fait pour créer un climat de sympathie autour de son équipe. A se positionner seul contre tous on finit par s’isoler et dans ce cas seuls les résultats peuvent te sauver. Malheureusement, la qualification pour la phase finale de la Coupe du Monde fut difficilement acquise et dans les conditions bien connues (but frauduleux contre l’Irlande dans le match de barrage) et la défaite contre le Mexique, après un difficile match nul contre l’Uruguay, en Afrique du Sud fut la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà bien plein, épisode Anelka a l’appui. Et Domenech en tout cela ? Incapable de peser dans les relations avec les joueurs et renfermé dans son orgueil personnel au point de refuser de serrer la main de l’entraîneur de l’Afrique du Sud après le dernier match. Je suis certain qu’avec Laurent Blanc et surtout avec deux membres du staff experts comme Luigi Faccioli et Henri Emile cela ne serait jamais arrivé.

Pourquoi le président Escalettes a démissionné ?’ ’Je connais très bien Jean-Pierre, c’est un vrai gentilhomme. Il est consensuel par sa nature et il sait bien qu’il a manqué d’autorité dans certaines circonstances. Il a remis son mandat parce il a compris qu’il fallait éteindre le feu et n’oublions pas qu’en France on ne parlait que de ça. Il fallait que quelqu’un se sacrifie pour donner le temps nécessaire à la réflexion. Jean-Pierre Escalettes a été digne dans son comportement, tout le monde ne peut pas en dire autant. J’ai vu que certains « rénovateurs » (qui sont à la FFF depuis très longtemps et ont toujours cautionné toutes les décisions prises…) se sont subitement manifestés, on les a vu sur toutes les chaines de télé et lu sur tous les journaux. Vous savez très bien que certains crises sont des formidables opportunités pour ceux qui savent en profiter !!!

N-P : Mais que va-t-il se passer dans le futur immédiat ?

E.B : le président de la Ligue Amateur, Fernand Duchaussoy, assumera la présidence par intérim et après il faudra organiser les élections nationales. Mais avant tout il faudra réfléchir à quelle ’FFF’ nous voulons et surtout comment la diriger. Il faut partir de la réalité des choses : nous avons 2 100 000 licenciés dits amateurs et 1000 professionnels. La FFF, il ne faudrait pas l’oublier, a un rôle de service public qui lui est délégué par l’Etat. Opposer les amateurs aux professionnels ne veut rien dire sur le plan intellectuel et il ne peut qu’être nuisible sur le plan opérationnel. Il ne peut y avoir un football amateur, qui va de l’école de football, l’apprentissage, jusqu’à l’activité non rémunérée si il n’y a pas un football professionnel qui est à la fois une activité sportive et secteur économique et vice-versa. Je cite toujours l’exemple du train : il y a la locomotive et les wagons, autrement ce n’est pas un train mais autre chose. Le football amateur est la base de la pyramide tandis que le secteur pro en est la pointe mais l’un sans l’autre ne peuvent exister. Il faut donc trouver un équilibre pour que chacun joue son rôle dans l’intérêt général.

N-P : Quelle gouvernance envisagez-vous ?

E.B : Il n’y a pas de formules optimales et encore moins de solution miracle. Mon idée est qu’une commission d’études se penche sur le problème et d’ici quelques semaines nous présente des propositions qui seront objet de débat et de discussion. Ce qui est certain est que beaucoup de changements sont à prévoir et il faudra faire preuve de modernité pour accepter de nouvelles méthodes de fonctionnement. Il faudra le faire parce qu’il est de notre devoir de dirigeants d’être les plus efficaces possibles dans les responsabilités qui sont les nôtres. Mais je n’accepte pas que l’on nous dise que seules les personnes qui ont fait du football leur profession ont les compétences pour le diriger.

N’oublions pas que les bénévoles sont indispensables parce que sans eux il n’y aurait pas d’organisation possible, ni dans les clubs ni dans les instances fédérales. En homme de loi je voudrais vous rappeler que l’étymologie du mot bénévole vient du latin « bene volens » qui signifie « bien vouloir ». Il faut donc partir de la signification positive du mot pour en tirer la conséquence qui s’impose : acceptons cette gratuité et remercions ceux qui nous l’offrent.
Conclusion et morale : Oui, le football français a besoin de changer de peau. Comment le faire ? Voilà la question qui se pose et à laquelle personne ne peut donner une réponse valable à 100%.
L’organisation des relations sociales n’étant pas une science exacte, aucune formule miracle ne pourra apporter la solution. Les sciences sociales et les relations entre les personnes sont un chemin difficile à parcourir. Un chemin éternellement renouvelé et pourtant toujours sans fin.

Eric Borghini est de ceux qui font partie de la famille du football par amour du jeu, par passion pour son ambiance, peut-être par ambition mais certainement par esprit de service. En l’écoutant on ne peut que constater sa notion d’expérience, ses leçons de pragmatisme. Mais on apprécie surtout cette « rhétorique de l’amour » qui porte les hommes à se reconnaitre dans ce qu’ils font par choix « personnel et libre », qui motive leur courage et leur force de volonté pour aller au delà de fragilité de la condition humaine (comme disait le philosophe allemand Jurgen Habermas). Peut-on dire autant des professionnels qui sont parfois la version moderne des marchands du temple ?

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