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22 novembre 2024

La migraine, une maladie « prise de tête »

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Nice Premium : Pouvez-vous expliquer ce que sont les migraines et les céphalées ?

Michel Lantéri-Minet : Il faut commencer par les céphalées puisque c’est un terme générique qui signifie une douleur du segment céphalique, c’est-à-dire de la tête. On distingue deux grands types de céphalées : des céphalées dites secondaires parce qu’elles sont symptomatiques d’autre chose, d’une autre maladie. Et des céphalées dites primaires, qui sont des maladies en elles-mêmes. Au sein des céphalées primaires, la principale est la migraine. La migraine se caractérise par des signes et des mécanismes particuliers.

NP : Quels sont les symptômes de la migraine ?

ML-M : La migraine se caractérise dans sa forme non compliquée par des crises. Les patients n’ont pas mal tout le temps mais que pendant les crises. Classiquement, elles durent entre 4 et 72 heures. Lors de la crise le patient est souvent sujet à un mal de tête unilatéral. Ce mal de tête a souvent une tonalité pulsatile. Le patient a l’impression d’avoir le cœur qui bat dans la tête. L’intensité, le plus souvent, est assez sévère. Elle est augmentée par l’effort physique, par exemple monter ou descendre les escaliers un peu rapidement.

L’autre élément caractéristique de la migraine, c’est qu’en plus de la céphalée il y a d’autres signes. Deux des grands signes sont les signes digestifs avec des nausées voire des vomissements. Il y a une hyperesthésie sensorielle. Le patient est sensible à toutes les stimulations extérieures, notamment les stimulations visuelles, ce qui entraîne la photophobie et les stimulations auditives, ce qui correspond à la phonophobie. Mais cette hypersensibilité peut être beaucoup plus diffuse, notamment au niveau des odeurs, avec quelque chose très caractéristique de la migraine, qu’on appelle l’osmophobie. Les odeurs sont vécues de manière très désagréable au moment de la crise. Cela est pour la forme non compliquée. Il faut savoir qu’il y a une forme compliquée. C’est la migraine chronique dans laquelle les patients ont mal au moins 15 jours par mois. Chez ces patients là on n’a plus vraiment les crises. On a plutôt l’impression d’une douleur de céphalée quasi continue.

NP : Combien de personnes sont concernées par les migraines ?

ML-M : Globalement, si on prend les chiffres français, on peut estimer qu’il y a au moins 12% de la population générale adulte qui souffrent de migraine épisodique. Et on a 3% de la population générale adulte qui souffrent de migraine chronique. Chez l’enfant, on manque un peu de données en France. Mais on estime à travers d’autres études en Europe qu’il y a dans la population infantile au moins 5% des enfants qui sont migraineux. La différence entre enfants et adultes, sur le plan épidémiologique, c’est que chez l’enfant autant de petits garçons que de petites filles sont migraineux. Par contre, dès qu’on a passé la puberté, il y a une nette prédominance féminine avec 3 femmes pour un homme.

NP : Quelles sont les causes de ces maladies ?

ML-M : La maladie migraineuse se caractérise et se définit par une répétition des crises. Ce qui provoque la répétition de crises est une prédisposition génétique. Les migraineux ont, pour des raisons génétiques, un cerveau un peu trop sensible qui s’active anormalement, notamment sous l’effet des facteurs déclenchants. À ce moment là, le cerveau envoie des mauvaises informations à la vascularisation cérébrale, notamment aux artères des méninges. Ces artères sont le siège de 2 phénomènes : une inflammation et une dilatation. Ce qui fait mal, c’est cette inflammation et cette dilatation des vaisseaux des méninges. Les mécanismes de la crise sont un peu vasculaires mais l’origine de la maladie est neurologique avec une prédisposition génétique.

NP : Existe-t-il des signes précurseurs de la maladie ?

ML-M : Non, il n’y a pas de signes précurseurs si ce n’est que les enfants migraineux, souvent issus de famille de migraineux, ont souvent dans la petite enfance des équivalents migraineux. Ce sont des signes qui ne sont pas encore des maux de tête mais qui ont la même valeur. Parmi les grands équivalents migraineux, on a les troubles digestifs récurrents. Les migraineux sont souvent des sujets qui enfants, ont eu des problèmes digestifs récurrents avec des vomissements et durant la petite enfance des douleurs abdominales récurrentes. Un autre équivalent migraineux est le mal des transports. Les enfants qui ont le mal des transports vont souvent devenir des migraineux. Mais cela se limite à ça. Quand la migraine doit arriver, elle apparaît à différents âges de la vie selon les sujets, des crises apparaissent.

NP : Certaines personnes sont-elles plus touchées que d’autres par ces maladies ?

ML-M : Non. Je dirais que d’abord le risque est quand on est issu d’une famille de migraineux parce qu’on a souvent hérité de ces gènes de prédisposition. Sachant que la prédisposition ne se fait pas à coup sûr puisque c’est une prédisposition que l’on appelle polygénique. Donc dans les familles, comme ça dépend de plusieurs gènes, il peut y avoir des sous générations. On peut avoir des petits enfants migraineux, des grands-parents migraineux et les parents qui n’ont rien. Déjà il y a ce facteur de risque quand on est issu d’une famille de migraineux. Le 2e élément est le sexe féminin. Les femmes sont plus exposées à la migraine que les hommes. On peut dire que c’est essentiellement cela les facteurs de risque.

Après, il y a des facteurs déclenchants de crises mais ça ne provoque pas la maladie. Simplement, ça favorise les crises. Ce qui est commun aux facteurs déclenchants des crises, c’est le changement d’état. Cela peut être un changement d’état émotionnel, un stress ou au contraire une grande joie. Cela peut être un changement d’état physique, une grande fatigue au contraire, un relâchement (la migraine du week-end, du premier jour de vacances). Cela peut être une variation du volume de sommeil. Une grasse matinée peut déclencher une migraine mais une baisse de sommeil peut également déclencher une migraine. Cela peut également être l’effet des fluctuations hormonales chez la femme avec notamment la chute en œstrogènes qui précède la période des règles. C’est souvent une période avec des crises migraineuses. Mais cela peut aussi être les facteurs de changements extérieurs comme les variations climatiques, sensorielles, de stimulation (ambiances où il y a trop de bruit, de lumière) peuvent suffire chez le migraineux à déclencher les crises.

NP : Comment peuvent être traitées ces maladies ?

ML-M : Il y a globalement 3 axes dans le traitement. Quand cela est possible, limiter les facteurs déclenchants. On travaille notamment sur cela chez l’enfant qui parfois n’a pas perçu les facteurs déclenchants. Donc ces facteurs de variation, mais c’est rapidement limité. Il y a une 2e partie de traitement : le traitement de crise, valable pour tous les patients. Ce traitement est actuellement dominé par 2 classes pharmacologiques : les anti-inflammatoires, puisqu’il y a une inflammation des vaisseaux et surtout par les vasoconstricteurs (toute substance qui agit de façon à rétrécir les vaisseaux sanguins). Parmi les vasoconstricteurs, les triptants dominent le traitement de crise de la migraine. Après, il y a un 3e axe thérapeutique : le traitement de fond que l’on donne tous les jours même quand les patients n’ont pas de crise pour justement essayer de prévenir les crises. Ce traitement de fond n’est globalement réservé qu’à 25% des migraineux. Ce sont ceux qui ont les maladies les plus sévères parce que les crises sont trop importantes, parce qu’il y a une altération de la qualité de vie, parce qu’il y a un risque d’afflux médicamenteux, par sur utilisation des traitements de crise. Dans ce cas là, on propose au patient, au moins pendant une période de sa vie, un traitement de fond qui vise un peu à diminuer son seuil de déclenchement de crise sans malheureusement pouvoir complètement guérir.

NP : Pendant combien de temps lui proposez-vous ce traitement de fond ?

ML-M : En moyenne, le patient est traité par cure d’une année. Après, on essaie d’arrêter. Généralement, dans 80% ou 85% des cas on peut arrêter le traitement.

NP : Après avoir pris ce traitement, y a-t-il un arrêt définitif des migraines ?

ML-M : Il permet de réduire la fréquence pendant qu’on le prend. Une fois qu’on l’arrête on a souvent un post effet qui peut durer plusieurs années. Mais on ne peut pas affirmer au patient que la migraine ne va pas réapparaître à grande fréquence. Dans ce cas là, on reprend le traitement. On n’a pas les moyens actuellement de guérir de la migraine.

NP : Vous allez intervenir dans le cadre du congrès européen des migraines et des céphalées. De quoi allez-vous parler ?

ML-M : On intervient avec les équipes françaises dans plusieurs domaines. Il y a une conférence public le dimanche où on va essayer de faire un peu la synthèse de l’actualité dans le domaine en sachant qu’on va surtout parler de 2 choses : la migraine chronique, la forme la plus grave de la migraine. Elle touche 3% de la population. On va aussi parler d’une céphalée primaire plus rare, l’algie vasculaire de la face, considérée comme une maladie orpheline importante de connaître. Les crises dans cette maladie sont de plus courte durée que celle de la migraine. Elle ne dure généralement pas plus d’une heure. Par contre, l’intensité est majeure et cela peut conduire à des suicides de la part des patients qui souffrent de cette maladie. C’est très important que l’on parle de cette maladie, cela l’est d’autant plus qu’on a des approches thérapeutiques tout à fait nouvelles dans cette maladie qui consistent à aller mettre des électrodes dans le système nerveux et à stimuler en permanence le système pour essayer de contrôler cette maladie. C’est intéressant pour les patients qui souffrent des formes les plus sévères de cette algie vasculaire de la face. C’est aussi important pour nous parce que l’approche neurochirurgicale fonctionnelle des céphalées primaires est actuellement quelque chose qui fait l’objet de beaucoup d’études. On est pas mal en avance en France, particulièrement à Nice où on est un peu leader dans ce domaine.

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