Le jeune camerounaise, doctorante en neurosciences-neurophysologie à Nice, nous a livré ses considérations après avoir reçu ce prix qui la consacre comme une des meilleures chercheuses de sa génération.
Non, on ne peut vraiment pas dire que Carine a la grosse tête, bien au contraire elle affiche une modestie qui rime avec sérénité. C’est avec beaucoup de plaisir que nous avons rencontré Carine après qu’elle ait reçu, avec neuf autres jeunes filles, le prix L’Oréal-Unesco qui récompense chaque année les meilleures scientifiques des universités et centres de recherche.
La surprise, très agréable au passage, fut d’avoir en face de nous une jeune fille parfaitement à l’aise dans sa peau, fière et heureuse de cette récompense, mais qui n’a pas du tout basculé dans cette sorte de « starisation » qui fait que chacun se prend pour une vedette pour avoir tout simplement réalisé quelque chose de différent.
Carine, au contraire, est la représentation de quelqu’un qui sait qu’un épisode, fut-il prestigieux, n’efface pas les difficultés futures et que le chemin de la réalisation personnelle et professionnelle est encore loin.
Carine Nguemeni : Bien sûr, quand je suis venue en France du Cameroun je ne pouvais pas imaginer que j’en serai arrivée là. Mais je savais que je devais m’engager à fond pour réussir, pour moi et pour ma famille qui m’a soutenue dans mon choix de laisser mon Pays pour venir perfectionner ma préparation universitaire en France.
Je suis ici depuis 4 ans, d’abord à Reims où j’ai pris ma licence et puis à Nice où je pense avoir mon doctorat en 2011.
Après il me faudra choisir entre rester dans la recherche universitaire ou aller travailler dans un laboratoire de société pharmaceutique.
J’avoue que je n’ai pas encore pris ma décision, ce seront peut-être les circonstances qui orienteront mon choix.
Nice Premium : vous ne pensez pas retourner au Cameroun pour entreprendre là-bas votre carrière professionnelle ?
CN : Je suis camerounaise et un jour je retournerai dans mon pays où ma famille réside. Mes parents vivent là-bas et ainsi que certains de mes frères et sœurs. D’autres sont venus comme moi compléter leurs études en France. Mais je le ferai quand je serai plus structurée pour pouvoir faire face aux difficultés qui sont importantes et donc, seulement après avoir acquis la capacité d’apporter une valeur ajoutée à mon activité.
Vous savez au Cameroun rien n’est facile si vous n’êtes pas dans le cercle du pouvoir ce qui n ‘est pas la cas de ma famille. Par conséquence il faut être armé, professionnellement et intellectuellement, pour pouvoir se situer dans un contexte pas toujours simple et facile à cause du manque d’infrastructures. Je le répète, je suis camerounaise et je veux apporter mon soutien au développement du Pays mais je le ferai au bon moment.
NP : votre intégration en France s’est faite sans problème ?
C.N : Je suis consciente de vivre dans un univers privilégié, celui scientifique où les compétences et le mérite prévalent sur toute autre considération. Je n’ai jamais eu le sentiment que ma provenance pouvait être un handicap mais je sais que ce n’est pas toujours comme ça pour tout le monde.
Juste une seule fois on m’a refusé la location d’un appartement parce que je suis africaine. Ma réaction a été de signifier à mon interlocuteur que je ne comprenais pas quel pouvait être le problème. Au contraire c’était lui qui en avait un et même grave : sa mentalité si arriérée !
Attachante et équilibrée
Carine est une jeune fille très attachante qui affiche un équilibre psychologique étonnant pour son âge. On comprend mieux pourquoi le Jury de l’Académie des Sciences, qui a évalué son dossier parmi ceux de tant de candidates, a trouvé les éléments pour la retenir. Il devait être simplement impeccable !
Elle vit sa jeunesse avec une maturité qui lui permettra certainement de se souvenir, quand viendra le temps des bilans, de sa jeunesse comme d’une belle période de sa vie.
C.N : Je suis reconnaissante à mes parents. Ils nous ont laissé partir, moi et mes autres frères et sœurs qui l’ont fait. Au Cameroun, dans notre société traditionnelle la vie de famille est très importante. De plus il y a le côté économique qu’il ne faut pas oublier ou considérer comme marginal.
Je suis consciente d’être une privilégiée et je sais que j’ai un devoir de réussite pour moi, pour ma famille et aussi pour mon Pays.
NP : Que dire en conclusion ?
C.N : Comme disait si bien Andy Warhol : « Si la beauté n’est pas en chacun de nous, alors elle n’est nulle part.
…All the best, Carine.