Hubert Boivin, président Départemental des Cafetiers Restaurateurs et Métiers de la Nuit des Alpes Maritimes, nous a reçu dans ses bureaux Niçois. Au menu de cette discussion : la baisse de la TVA, les problèmes d’hygiène et la mise en place du Certificat de Qualification professionnelle (CQP).
Nice Première :Dans un des reportages de Nice-Premiere, une tatoueuse, au sujet de ces confrères ne respectant pas les règles d’hygiène, eut une réflexion intéressante : « une sélection naturelle s’effectue, les confrères sans scrupules plient rapidement boutique car la clientèle les fuit ». Il n’y a pas cette sélection naturelle dans la restauration. Ne sont-ce pas simplement un problème de société et d’évolution des mœurs ?
HB : Tatoueur est un métier à haut risque. L’hygiène est très importante. Nous dans la restauration, nous allons sortir le label « Tourisme » ou « Qualité », cela va se décider au Congrès de Pau. Ce label déterminera les restaurants que l’on pourrait conseiller aux touristes. .
« ce sont les restaurateurs et les patrons de discothèques qui trinquent«
N-P : Il réside une différence entre les « snacks » où on ne fait que « s’alimenter » et les restaurants que l’on peut qualifier de « gastronomique » où on souhaite prendre du plaisir à déguster. Ne serait-il pas plus simple de créer deux catégories de restaurants avec des législations distinctes et des contrôles d’hygiène dissociés ? Pourquoi cela n’est pas le cas ? Quelles sont les raisons invoquées ?
HB : On y pense à cette distinction en deux catégories. Il existe les restaurants que j’appelle « snack » où l’on mange peu et rapidement. Je ne veux pas qu’on mette le mot restaurant devant. Pour moi restaurant c’est restaurateur. Etre restaurateur c’est recevoir une clientèle. Elle prend le temps de manger, de déguster, de se détendre. En parlant de restaurant pour l’ensemble de ces établissements, une confusion s’installe. Quand on voit écrit « 2,5 tonnes de produits avariés saisis dans les restaurants », on pense chez les restaurateurs.
Après vérification, c’est deux tonnes saisies chez un grossiste, 250 kilos dans un self-service asiatique. Au final, c’est donc 250 kilos sur cinquante restaurants. C’est trop mais très loin des 2,5 tonnes. Les restaurateurs portent le chapeau. Les touristes pensent restaurateurs en voyant des titres dans les journaux comme celui-ci. Quand on évoque l’hygiène dans les restaurants, on pense immédiatement restaurateur, pareil pour l’alcool, le tabac, le bruit, le coût de la vie. Les restaurateurs portent le chapeau pour tout. Pour le tabac, la loi Evin doit s’appliquer. L’alcool s’achète dans des épiceries et ce n’est pas en discothèque que les jeunes boivent le plus car c’est trop cher. Pourtant ce sont les restaurateurs et les patrons de discothèques qui trinquent. Dans le vieux-nice, on accuse toujours les métiers de la nuit quand il y a du bruit. Nous pouvons faire du bruit dans la rue sans pourtant sortir d’un pub.
N-P : La baisse de la TVA a été un combat. Vous y êtes parvenus. Existera-t-il des consignes ou des recommandations aux restaurateurs pour répartir les bienfaits de cette baisse ? Faut-il privilégier l’emploi ? L’hygiène et l’entretien des locaux ? Revaloriser les salaires ?
HB : Il y a quatre points importants :
-Création d’emplois : nous pouvons créer 40 000 emplois.
-Hausse des salaires de 13 ou 14% dès janvier. Les salaires ont déjà augmenté de 11.5% en janvier 2005 avec une sixième semaine de congés payés, deux jours au choix de liberté. Le métier se maintiendra avec l’augmentation des rémunérations.
-Investissement pour la conformité des cuisines. Beaucoup de restaurateurs n’ont pas les moyens de mettre en conformité leurs cuisines.
-Offrir à la clientèle des menus améliorés avec un apéritif gratuit ou fromage et dessert au lieu de fromage ou dessert. Il aura la possibilité de mettre une meilleure qualité de poisson, une escalope de dinde au lieu d’une escalope de veau. Il y a une volonté dans chaque région de promouvoir les produits locaux mais aussi d’apporter quelque chose en plus.
N-P : L’obésité progresse en France notamment chez les jeunes. Les causes sont connues et se résument en un mot : la malbouffe. Des campagnes de sensibilisation se multiplient peut-être au détriment des restaurateurs. Quelle est votre position là-dessus ?
HB : Les jeunes mangent n’importe quoi et peu importe comment. Ils mangent sans faim. C’est cela la «malbouffe ». Aller au restaurant c’est différent, c’est manger lentement, s’asseoir, déguster, apprécier. L’an prochain des campagnes publicitaires vont être mises en place pour montrer la restauration. Jusqu’à présent nous ne voyons que des publicités sur les fast-foods, nous allons mettre l’accent sur la convivialité, la détente, le bonheur d’être à table, avec ses enfants…
N-P : Concernant le travail clandestin dit« au noir », quelles seraient vos solutions pour endiguer cette pratique qui dessert chacun ?
HB : Sanctionner l’employé et l’employeur. Il faut souligner également que l’employé réclame de ne pas être déclaré. Le restaurateur, dans l’urgence, accède à cette requête. L’ANPE lui en envoie deux ou trois qui ne conviennent pas mais qu’il aurait déclaré.
Il y a également un problème avec les stagiaires. Dernièrement, on a découvert un restaurant qui travaillait avec onze stagiaires Hindous qui bossait 15 heures par jour et les payait avec un lance-pierre. On a obtenu que tous les restaurants fonctionnant ainsi paient ces stagiaires au SMIC. J’ai proposé au préfet qu’on limite les stagiaires à deux par entreprise. Le stagiaire apprendra le métier, travaillera sept heures par jours avec deux jours de repos.
Quelle image donne-t-on de la France avec ce système de stage ? Que dira l’Hindou en rentrant dans son pays ? Il dira qu’il a été exploité en travaillant quinze heures par jour pour 200 € comme rémunération pour la saison…
Je suis donc pour le contrôle et la sanction. Ainsi, l’employé et l’employeur réfléchiront à deux fois avant de décider de ne pas déclarer.
N-P : N’importe quelle personne peut ouvrir un restaurant en France, quelle est votre position sur ce sujet quand on sait que beaucoup d’autres professions sont réglementées (coiffure, pâtisserie, boulangerie…) ?
Hubert Boivin : Aujourd’hui, on ne peut pas être restaurateur sans avoir pris connaissance de la profession. Un nouveau restaurateur, et Paris le déterminera, devra faire un stage pour apprendre les bases du métier, pour connaître ce que c’est que la cuisine, l’hygiène, les conformités, la réglementation, les achats, la gestion, la chaîne du froid, les vins et alcools. Ce stage devra être effectué par les « non professionnels ». Si un chef cuisinier veut ouvrir un restaurant, il n’aura pas à suivre ce stage à l’exception peut-être de la gestion d’entreprise. Mais il n’apprendra rien en « cuisine », ce serait de la rigolade s’il devait passer un examen. L’objectif c’est qu’un patron puisse mettre le tablier.
Un cordonnier, un coiffeur, un plombier doivent avoir un brevet mais pas un restaurateur alors que c’est un métier dangereux.
Ce CQP (Certificat de qualification professionnelle) sera demandé par les banques pour obtenir un prêt pour ouvrir un restaurant. Il verra le jour certainement en 2006. Nous allons en discuter le 19 septembre au bureau national de la restauration dont je suis membre puis au Congrès de Pau en décembre.
N-P : Les problèmes d’hygiène dans les restaurants, c’est-à-dire les défauts de propreté (carrelage et vitres sales par exemple) ne sont-ils pas dus à une clientèle peu regardante sur ces critères ?
HB : Quand on va dans le Vieux-Nice on regarde moins les carreaux que sur la Promenade des Anglais. C’est une question de cadre. Dans le Vieux-Nice, il est ancien, très stylé, Niçois, on y fait moins attention. Personnellement, je contrôle la propreté en allant aux toilettes. Un restaurant propre les nettoie quatre ou cinq fois par jour.Quand on se balade sur le cours Saleya, on remarque que les gens ont une boisson à la main, avec un sandwich. Ils n’achètent pas cela dans un restaurant. C’est une nouvelle façon de s’alimenter
N-P : La « grande » gastronomie est souvent un privilège. Comment la faire accéder au plus grand nombre ?
HB : Il faut pouvoir adapter des formules au plus grand nombre. Il faut que pour le même prix que la restauration rapide, on puisse s’asseoir. Avec des campagnes de pub, on peut relancer cette grande cuisine. Les médias doivent en parler. Les enfants attirent les parents et grands parents dans les fast-foods, justement grâce aux campagnes publicitaires. Nous devons faire pareil pour faire revenir les familles dans les restaurants.
N-P : La cuisine niçoise est l’une des cuisines les plus connues en France comme dans le Monde. Que pensez-vous du label « Cuisine Nissarte » cher à Mme Graglia de la Capelina d’Or ?
HB : C’est quelque chose de beau. La cuisine Niçoise est reconnue grâce à ce label. Elle est typique.
N-P : Et pour finir, quel est votre plat favori ?
HB : La daube cuite au moins six heures.