On pense souvent que la droite et la gauche se vouent une haine viscérale. Leur but étant de plomber l’autre par tous les moyens. Les coups bas et les traîtrises étant monnaie courante. Et pourtant, ce jour là, un élu de gauche est venu donner une conférence de presse accompagné… d’un élu de droite ! Et le débat s’est révélé bon enfant.
D’un côté, Yann Librati, conseiller municipal de la ville de Nice, créateur de la fédération du Mouvement des Jeunes Socialistes dans les Alpes-Maritimes ainsi que du courant Montebourg dans ce même département. De l’autre, Olivier Bettati, adjoint au Maire de Nice et Conseiller Général du 06. L’un est membre du Parti Socialiste, l’autre de l’UMP. Tout semblait les opposer et pourtant… Les deux sont amis et aiment débattre de longues heures sur des questions sujettes à querelle et polémiques.
On pouvait d’ailleurs retrouver cette complicité tout au long du débat. Olivier Bettati mimant Yann Librati dans son dos lorsque ce dernier s’emportait dans des discussions fougueuses. Le jeune socialiste tournant en dérision les arguments de l’adjoint au Maire.
Un point commun essentiel entre les deux, outre leur costume sombres dépourvus de cravate : leur âge. Olivier Bettati a 36 ans. Yann Librati, 32. Cette similitude ne pouvait que les rapprocher. Les deux sont passés par les mêmes galères, les mêmes rejets de la part des « vieux de la vieille ». A leur début en politique, les deux avaient 17 ans. Un bien jeune âge pour le militantisme. Pourtant, Olivier comme Yann éprouvaient la même envie de changer le monde, la même volonté de rendre la vie meilleure. « Je ressentais une réelle colère contre le système. Mais surtout, une colère contre le racisme. C’est pour cela que j’ai voulu m’engager », explique Yann Librati. Olivier Bettati avance plus ou moins les mêmes raisons : « Il fallait essayer de s’organiser pour que les choses aillent mieux. J’avais participé aux manifs contre la réforme Devaquet à l’époque et j’avais remarqué que c’était un vrai bordel organisé. »
Critiques.
Mais leur jeunesse a posé quelques problèmes. <em>"Quand on est jeunes, on ne nous prend pas au sérieux. On ne nous donne rien, on prend",</em> lance le socialiste, amer. L'adhérent UMP est d'accord mais se montre plus pragmatique : <em>"Le vieux pense que le jeune veut lui prendre sa place. Mais il sait, en même temps, que le jeune est important en matière d'image. Et l'image, c'est capital en politique."</em>
Les deux compères convergent aussi en ce qui concerne les conclusions des dernières élections présidentielles. Ce 21 avril 2002, ce n'est pas le Front National qui a connu une hausse considérable de notoriété, <em>"ce sont les autres partis qui se sont affaissés. Et le PS notamment. On a eu honte de dire ce qu'on pensait. Ce qui n'était pas du tout le cas de Jean-Marie Le Pen",</em> note Yann Librati. Et, chose surprenante, les deux conseillers municipaux reconnaissent l'intérêt positif de l'alternance. Bons joueurs.
Et si les deux sont Niçois et parlent beaucoup avec les mains, en bons représentants de la région, le fond diffère souvent considérablement. Un exemple: le CPE. Dès que le sujet est lancé, les arguments fusent. Si on ne les arrête pas, l’échange de vues pourrait durer des heures. Pour Yann Librati « nous sommes dans une période de consumérisme. On prend et on jette! ». Olivier Bettati l’arrête : « D’accord, il y a des gens qui profitent de tout, même du RMI. Les humains sont comme ça. Mais l’image qu’on essaye de donner des patrons m’énerve. Tous ne sont pas des salauds! ». En parlant des patrons justement, le dialogue était tendu lorsqu’il s’agissait de définir le rôle de l’entreprise. Pour l’un, elle doit créer des emplois. Pour l’autre, elle a la tâche d’engendrer de la richesse qui devra ensuite être redistribuée. On devine qui pense quoi…
On rêve de conférence de presse comme celle-ci entre les ténors de la politique française. Sans tabou ni mauvaise foi. Où la langue de bois serait abolie et où chaque parti pourrait tout simplement reconnaître la bonne idée de l'autre. Comme le dit si bien Yann Librati <em>"il faut se battre pour nos utopies, nos rêves. Les rêves d'hier sont les réalités d'aujourd'hui."</em> Alors rêvons d'un monde où les politiciens vivraient en harmonie, en totale sincérité et honnêteté avec eux-mêmes, mais surtout, avec les Français.