C’est une première, derrière le président du parti François Bayrou,une partie du groupe UDF, a voté la censure avec la gauche (PS, PCR, Verts et radicaux de gauche). Elle a été rejetée. Ce vote mérite quelques explications fournies par Rudy Salles très concerné par cette actualité puisqu’il est député UDF et qu’il a voté cette motion de censure.
Nice Première : Pourquoi voter une motion de censure à l’encontre du gouvernement?
Rudy Salles : Mon vote répond à une seule question: le gouvernement peut-il continuer ainsi encore pendant un an? La réponse est non et tout le monde pense la même chose. Le Président de la République devait tirer des conséquences de la crise politique qui se noue au plus haut niveau de l’exécutif depuis plusieurs semaines: démisionner, remanier le gouvernement, dissoudre l’Assemblée (il l’a fait en 1997 alors que cela ne se justifiait nullement), ou demander au Premier Ministre d’engager la responsabilité de son gouernement devant l’Assemblée Nationale en posant la question de confiance. Il n’a retenu aucune de ces possibilités. Dans ces conditions, pour permettre aux députés d’exprimer leur désaccord sur cet immobilisme et surtout de dénoncer les dysfonctionnements de nos institutions, il ne reste que la motion de censure. Le groupe UDF ne disposant que de 30 députés, il ne peut pas déposer sa propre motion. Ceci nous oblige à voter celle qui a été déposée par le groupe socialiste.
NP : Le groupe UDF de l’Assemblée Nationale s’était opposé au budget proposé par le gouvernement. Vous considérez-vous dans l’opposition?
RS : Nous n’avons nullement l’intention de rejoindre la gauche dans ses combats. Elle est largement co-responsable des dérives que connait la 5ème République depuis 25 ans. Sur ce point les septennats de François Mitterrand n’ont rien à envier aux mandats de Jacques Chirac. Nous n’avions pas voté la confiance au gouvernement il y a un an, pressentant déjà ce qui allait se passer. De même nous avons voté contre le budget 2006 car l’engagement que nous avions pris devant nos électeurs étaient de maitriser la dépense publique, non d’aggraver la dette abyssale de la France. Alors nous prenons simplement l’occasion de saisir cette motion de censure pour dire « halte au feu, ça suffit! » Pour le reste, je ne passe pas à gauche, la preuve, je vote le projet de loi relatif à l’immigration.
NP : Certains de vos collègues UDF ne voteront pas cette motion de censure. N’est-ce pas une motion de censure à l’encontre de François Bayrou?
RS : Non, mes collègues font exactement le même constat que François Bayrou et déplorent l’Etat dans lequel se trouvent nos institutions. Ils estiment qu’il faudrait utiliser d’autres moyens pour aboutir à nos fins. Il n’y a donc qu’une divergence sur les moyens, non sur la finalité.
NP : « Ce n’est pas en plantant un poignard dans le dos qu’on retrouve les chemins de la morale politique ». Cette phrase émane de Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée National. Est-ce que l’UDF ne s’égare pas en « votant une motion de censure fondée sur des rumeurs et des bavardages » (termes employés par Monsieur Debré)?
RS : Les poignards sont à rechercher du côté de Villepin et de Sarkozy, ce ne sont pas nos méthodes. Au contraire, je pense qu’à un moment ou à un autre (c’est déjà le cas pour certains), les responsables UMP nous remercieront d’avoir eu le courage de dire NON au déclin de la France. Ce devrait être d’ailleurs une attitude Gaullienne si je ne m’abuse… Quant à la morale politique, il vaut mieux ne pas ouvrir ce débat, il y aurait trop à dire en ce moment.
NP : D’après vous quelle conséquence aura cette motion de censure et qu’en espérez-vous?
RS : Cette motion de censure n’aura pas d’effet immédiat. L’UMP étant majoritaire et le vote n’étant pas secret, le gouvernement est assuré qu’elle ne sera pas votée. Cette motion relève du symbole. Nous aurons pris date pour dire que nous réprouvons les méthodes qui conduisent la France dans cette impasse et que nous souhaitons que les choses changent profondément dans l’avenir. Cette situation est mauvaise pour notre pays et pour la politique. Si nous ne réagissions pas comme nous le faisons, alors ce serait, une fois de plus, du pain béni pour le Front National qui prospère sur la décomposition de la République.