Du 11 au 22 mai 2011, le monde aura les yeux rivés sur le Festival de Cannes, l’une des manifestations culturelles françaises les plus éminentes. En marge de cet événement international est née l’an dernier la Queer Palm, soutenue par l’association Les Ouvreurs à l’origine du Festival gay et lesbien In&Out. Ce prix LGBT consiste à mettre notamment en avant la diversité qui fait la richesse du cinéma. Franck Finance-Madureira, le créateur de la Queer Palm, explique à Nice Premium le rôle de ce prix spécial, décalé et « hors norme ».
Nice Premium : Qu’est-ce que la Queer Palm ?
Franck Finance-Madureira : C’est le prix LGBT (Lesbien, Gay, Bi, Trans) queer et décalé. L’idée est de récompenser parmi tous les films présentés à Cannes, toutes sélections confondues, un film pour son traitement des questions gay, lesbiennes, bi ou trans et plus largement, pour son traitement sur tout ce qui concerne le genre.
NP : Vous avez créé ce prix. Pourquoi ?
FF-M : Je l’ai créé l’année dernière. L’idée est de mettre en avant la diversité, des films parlant de ces thématiques là parce qu’on sait qu’ils peuvent être utiles, dans une certaine mesure, notamment à des jeunes isolés qui s’interrogent sur leur genre, leur sexualité, la façon dont ils ont envisagé leur vie amoureuse. Aujourd’hui, on est plus dans l’aire audiovisuelle que dans l’aire du livre. Je pense que c’est vraiment intéressant d’avoir des films un peu repères qui permettent de se dire qu’on n’est pas seuls, que si ce que l’on vit n’est pas la norme, cela peut quand même être une façon d’être normal.
NP : Pourquoi avoir intitulé ce prix Queer Palm ?
FF-M : Palme, bien sûr on est à Cannes. Il fallait absolument qu’on fasse référence à la Palme, le grand prix du Festival de Cannes. Queer me semblait être le terme le plus intéressant puisqu’il est très ouvert. On n’est pas dans le prix gay ou dans quelque chose qui aurait pu sembler communautaire. L’idée de « queer » ? À la base cela veut dire bizarre ou décalé. Cela était un peu une insulte qu’on donnait aux États-Unis quand on voulait insulter des homosexuels, des travestis ou des transsexuels. On les appelait « queer » et c’est devenu petit à petit un mot qui signifie plutôt décalé, en marge, c’est un point de vue un peu hors de la norme. C’est devenu un terme générique qui me semblait large et assez ouvert pour ne pas faire un prix ghetto ou communautariste.
NP : Quels sont les enjeux de ce prix ?
FF-M : C’est de pouvoir déjà mettre en avant un film qu’on va récompenser. L’année dernière, c’était « Kaboom » de Gregg Araki qui était « accompagné » par les organisateurs de la Queer Palm pendant toute l’année. Lors de sa sortie en salle, on a organisé des avant-premières, des concours, des jeux lors de la sortie du DVD. C’est un film qu’on a vraiment suivi. L’idée était de le mettre en avant, de montrer à la fois à des gens « concernés » que ce film là parle de thématiques qui leur sont chères et en parle plutôt bien. Et pour les gens moins concernés dans leur vie de tous les jours leur dire, si cette année vous avez un film à voir sur ces thématiques là, allez voir celui-là. Nous l’avons apprécié et nous cherchons un effet d’entraînement.
En 2e phase, à partir de l’année prochaine, l’idée est aussi de créer une petite plateforme d’échange entre des créateurs, des auteurs, des réalisateurs et des producteurs en mettant en place ce qu’on appelle le Marché Queer Palm. C’est une sorte de petite plateforme pour échanger à la fois des longs et courts-métrages, des scénarios, des synopsis, de les recueillir auprès des auteurs, des réalisateurs et de les mettre à disposition des distributeurs, des producteurs ou d’organisateurs de Festivals.
NP : Quels films seront projetés cette année ?
FF-M : La Queer Palm est un prix remis à un film parmi toutes les sélections cannoises. Il n’y a pas de sélection propre à cette thématique. Nous n’avons pas notre propre projection. C’est exception faite du 17 mai qui est la journée mondiale contre l’homophobie. On a décidé cette année de choisir un film que l’on va projeter ce jour là. Il s’agit du documentaire « Illegal love », écrit par Julie Gali et qui sera diffusé dans l’espace « Art Affair » de l’hôtel Carlton le 17 mai à 11h et à 23h30. Ce sont des projections ouvertes à tous pour marquer le coup à l’occasion de la journée mondiale contre l’homophobie.
NP : Avez-vous malgré tout le sentiment que les mentalités évoluent concernant l’homosexualité ?
FF-M : En fait, on a l’impression que les mentalités évoluent parce que dans certaines grandes villes comme Paris, Nice ou Lyon, l’homosexualité, la bisexualité, le fait d’être un peu hors norme commencent à être acceptés. Mais il ne faut pas oublier que pour l’instant en France, les personnes LGBT n’ont pas les mêmes droits. Toujours pas les mêmes droits que les personnes hétérosexuelles. Je parle de tout ce qui concerne la construction de la famille, l’adoption, le mariage. En s’ouvrant un peu au monde il y a encore des pays, il ne faut vraiment pas l’oublier, où l’homosexualité est passible de la peine de mort ou d’un emprisonnement à vie. Je pense que l’on ne peut pas oublier cela.