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22 novembre 2024

G20: Pourquoi la crise ?

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Nous publions bien volontier cette contribution de Robert Injey (PCF). Elle est clairement ‘out of chorus’ (voix dissidente). Vu le conformisme ambiant…


Pourquoi la crise?

Après la crise financière de 2009 les États sont intervenus financièrement et très massivement pour sauver le système bancaire, s’endettant au passage très lourdement.

Aujourd’hui ceux-là même qui avaient « fauté » par leur imprévoyance face à l’évidence (les agences de notations par exemple) viennent donner des leçons aux États. Les marchés dont la cupidité nous a plongé dans la crise en viennent maintenant à exiger des mesures d’austérité.

Mesures d’austérité qui visent ni plus ni moins à faire payer cette crise aux peuples et à rassurer les « investisseurs », c’est-à-dire leur garantir qu’ils vont pouvoir continuer à se gaver sur le dos du plus grand nombre.

Les causes de la crise sont nombreuses, on peut essayer d’en distinguer quatre plus particulièrement :

  • 1: Une cause endémique au système, à sa la logique profonde c’est la course effrénée au profit .

Des colonisations à la mondialisation, des guerres aux frappes chirurgicales, peut importe « comment » , ce qui compte c’est « combien » cela rapporte.

« La course au profit est destructrice : elle est, explique Marx, indifférente aux valeurs d’usage, c’est-à-dire au sort fait aux personnes et à la nature » [3].

Pour répondre à cet objectif, après une période où dans le prolongement de la seconde guerre mondiale les « possédants » ont du beaucoup lâcher, ils n’ont de cesse depuis les années 70 de reprendre du terrain et d’en gagner de nouveaux[4].

  • 2 : Des Etats qui doivent recourir aux banques pour se financer.

L’obligation faite à l’État en 1974, généralisée et consacrée avec le traité de Maastricht de 1992, de se tourner vers le privé pour ses besoins de financement a des conséquences dramatiques. Auparavant l’État pouvait emprunter directement et sans intérêts auprès de la Banque Centrale. Cette possibilité perçue comme un manque à gagner par les banques a été interdite au profit de l’endettement sur les seuls marchés financiers. Pour Michaël Chetrit, économiste, « la somme actualisée des intérêts de dettes payées aux marchés depuis 1974 représentent pour la France près de 1200 milliards d’euros », à comparer avec les 1641 milliards du total de la dette publique ![5].

Cette situation permet ainsi aux banques de se refinancer auprès de la BCE à moins de 1% et de fixer des taux exorbitants aux États.
Plus de 4% pour la France qui bénéficie pourtant d’un AAA auprès des agences de notation, plus de 6% pour l’Italie, plus de 14% pour la Grèce[6].

Loin de jouer un rôle de financement auprès des Etats, la BCE crée des centaines de milliards de liquidités pour refinancer les banques et les marchés sans contreparties sur l’utilisation de ces fonds.[7]

Un système devenu totalement pernicieux avec la mise en place d’outils spéculatifs qui «à l’œuvre dans la crise de 2007-2008 sont restés quasiment intacts: Paradis fiscaux, opacité des transactions, «produits dérivés» et «ventes à découvert» utilisés sur des marchés orientés à la baisse, avant souvent de racheter plus tard des titres à prix diminués» [8].

Et la motivation des spéculateurs ne s’embarrasse d’aucun état d’âme, « L’Italie est visée par des spéculateurs qui ne cherchent plus à se faire rembourser mais parient sur sa faillite. » (Jacques Attali)

  • 3 : Explosion de l’endettement privé.

Depuis 30 ans, la part des salaires dans la redistribution des richesses n’a cessé de baisser au bénéfice des revenus du Capital qui ont ainsi récupéré plus de 10 points. Résultat «pour maintenir le niveau des débouchés économiques le capitalisme financier a généré un endettement massif de tous les agents économiques»[9] et il a pris le dessus sur l’économie réelle. Selon Jacques de Larosière, ancien directeur du FMI, en 2007 aux USA, 40% des profits étaient réalisés par les seules institutions financières.

L’endettement privé (banques, ménages, entreprises) est devenu gigantesque. Les crises américaines, irlandaises, espagnoles, sont d’abord des crises de dettes privées, le sauvetage des banques, les auront transformées en dettes publiques. « Privatiser les profits et socialiser les dettes » telle est la politique mise en œuvre par les politiques libérales.

  • 4 : Avec les cadeaux aux banques, les cadeaux aux riches.

Après avoir réduit les marges de manœuvres financières des Etats, après avoir généré l’endettement massif des agents économiques, les politiques libérales se sont attachées à réduire au maximum le poids de l’impôt sur les plus riches. De cadeaux fiscaux en réductions de l’impôt sur les bénéfices, cette politique a fait perdre des milliards aux finances publiques. Pour la France les cadeaux fiscaux représentent 110 milliards par an…..

Une situation que résume avec force le milliardaire Warren Buffet : « Alors que les classes pauvres et les classes moyennes se battent pour nous en Afghanistan, alors que la plupart des Américains luttent pour boucler leurs fins de mois, nous, les mégariches, continuons de bénéficier d’exemptions fiscales extraordinaires ».[10]

  • Quelles sont les conséquences ?

Pris en tenailles entre des marchés financiers voraces et des moyens d’agir volontairement réduits les États et les peuples sont exsangues. Cela entraine automatiquement :

  • 1 : Les États voient leur endettement public explosé. Pour la France il est passé de 14% du PIB en 1974 à 81% aujourd’hui.

Cette situation n’est pas due aux acquis sociaux qui coutent trop chers ou bien encore au poids de la masse salariale. Non, c’est la résultante d’une politique soumise aux exigences de rentabilité, de profit d’une minorité et à la soumission d’une grande partie de la classe politique, à droite bien sûr mais aussi à gauche.

De ce point de vue les déclarations des candidats à la primaire socialiste sont inquiétantes: ils ne s’émancipent pas des marchés financiers[11].

  • 2 : Le cercle vicieux de l’austérité et des récessions.

Non seulement les Etats et les Banques Centrales ont du injecter des milliards de liquidités pour soutenir les banques et les marchés financiers, mais cette crise financière s’est répercutée sur « l’économie réelle » entraînant récession, chômage, pertes de recettes publiques et dépenses supplémentaires. Par exemple pour la France, 1% de croissance en moins c’est près de 10 milliards de recettes publiques en moins. Autrement dit, soit le déficit s’aggrave mécaniquement de 10 milliards, soit patronat, gouvernement et instances européennes coupent dans les dépenses publiques et dans la protection sociale utile, renforçant le marasme économique et l’impasse financière !

En 2009-2010, les déficits publics et de la Sécurité Sociale ont été accélérés par ce manque de recettes, et les « politiques de relance », pourtant couteuses ont largement été inefficaces car aspirées pour l’essentiel par le soutien aux marchés financiers. Il faut sortir de ce cercle vicieux.

  • 3 : La compression du pouvoir d’achat de l’immense majorité des salariés et de leur famille, influe directement sur l’activité économique réelle qui est en panne, et que l’Etat exsangue est incapable de compenser par une politique économique adaptée.

Loin de tirer les leçons des crises à répétions et de l’impasse dans laquelle nous pousse la cupidité des marchés financiers, nos leaders politiques ne font que suivre les recommandations de ceux –là même qui ont échoué.

Des recommandations qui malgré les erreurs et les échecs, qui se cumulent plan après plan, vont toujours dans le même sens : privatiser, démanteler….. Il en est ainsi de la BCE qui, début août 2011, adresse une lettre au gouvernement Italien pour exiger « d’adopter au plus vite » des mesures pour « Moins de rigidité sur les contrats à durée indéterminée, interventions sur l’emploi public, contrats de travail stimulant la productivité » et la privatisation « des sociétés municipales gérant déchets, transports ou distribution d’électricité ».

Le cynisme n’a plus de limite quand le dirigeant d’une agence de notation déclare : en France la réforme des retraites en 2010 était « une mesure intelligente » « un exemple de politique budgétaire bien conçue ».[12]

  • Est-il possible de faire autrement ?

A entendre et à lire, l’immense majorité de la classe politique et des experts répètent à l’infini le même discours « rassurer les marchés financiers, réduire les déficits, faire des efforts »….

En décrypté cela donne « ne vous inquiétez pas, les dettes publiques seront honorées au centime d’euro près, le problème de la crise ce ne sont pas les marchés financiers mais les incertitudes que fait planer le poids de la dette publique; pour résoudre la crise il faut réduire la dette publique et par la même engager de nouveaux efforts et cela passe par privatiser, précariser le marché du travail, réduire les budgets sociaux ».

Le problème de ce raisonnement est double : D’une part sa mise en œuvre ne ferait qu’accroitre les inégalités et accélérer la récession. Christine Lagarde elle-même l’illustre à sa manière quand, dans une déclaration du FMI le 16 août, elle demande aux gouvernements de ne pas pénaliser la croissance mondiale en instaurant des politiques de rigueur trop lourdes. Le prix Nobel, Joseph Stiglitz est encore plus clair : «Renforcer l’austérité n’aura pour résultat que de ralentir la croissance de l’Europe et d’accroitre ses problèmes budgétaires » [13]

D’autre part ce raisonnement part d’un postulat erroné: «la crise c’est l’endettement public». Au lieu d’agir sur une des causes de la crise on essaye d’agir que sur un de ses multiples effets. Loin de résoudre quoique ce soit on laisse les raisons profondes de la crise perdurer.

Loin d’un alignement sur les diktats des marchés financiers des propositions alternatives existes. Elles n’ont pas droit de cité dans les grands médias, mais pourtant elles existent.

  • Ainsi trois propositions fortes[14] pour rompre avec la spirale de la crise financière:

  • 1 : Pour un moratoire sur la dette publique et un audit citoyen sur celle-ci.

On l’a vu précédemment depuis l’obligation faite aux États de se refinancer auprès des marchés financiers, ceux-ci se gavent littéralement de la dette. 1200 milliards d’euros de service de la dette, en total actualisé, versés par la France depuis 1974, cette année cela va représenter 45 milliards d’euros !

Un audit pour déterminer la part illégitime de la dette, due par exemple au sauvetage des banques et des fonds spéculatifs et de décider le non remboursement de cette part illégitime.

L’occasion aussi d’examiner les nécessaires restructurations de dettes à engager, pour dégonfler la sphère financière au profit de l’économie réelle

  • 2 : Pour un financement de l’économie et des États émancipé des marchés.

Pour ne pas replonger dans les dérives actuelles il faut remettre en cause le recours aux marchés comme mode privilégié de financement des Etats.

Il faut revenir à un financement direct des Etats par la Banque Centrale. Cela passe nécessairement par une refonte des statuts et des missions de la BCE. Sortir les Etats des griffes des marchés financiers, c’est sortir du chantage permanent que ceux-ci exercent. C’est retrouver la maitrise d’une véritable politique économique.

  • 3 : Pour un crédit sélectif à l’économie.

En lien étroit avec un nouveau rôle de la Banque Centrale, la constitution d’un pôle public bancaire privilégiant un financement utile et efficace de l’économie vers les ménages et les entreprises

L’objectif est de permettre un crédit à très faible taux d’intérêt pour les projets porteurs d’emplois, de salaires, de qualifications, et au contraire à taux dissuasifs pour les opérations spéculatives.

Ce dispositif autour de 3 mesures fortes renforcera les réformes fiscales, la lutte contre les inégalités, le développement de l’emploi et de droits nouveaux des salariés dans la gestion.

De la même manière cela pose avec force l’émergence d’outils monétaires nouveaux, pouvant se substituer progressivement au dollar dans les transactions internationales[15].

  • « Et maintenant ? »

  • Deux perspectives s’ouvrent devant nous.

Soit, ceux-là même qui ont échoué à « maitriser la crise », ou bien encore à « refonder le capitalisme », qui se sont montrés incapable de « sanctionner les patrons voyous », de « brider les pratiques spéculatives », ni de créer la moindre relance, continuent dans la même logique. Même sous l’égide d’une « gouvernance européenne » une telle politique de soumission aux marchés échouera mettant en péril les conditions de vie des peuples

Soit nous nous engageons dans la construction d’un changement politique radical. Cela commence par briser la spéculation, s’émanciper des marchés, sortir de l’impasse de l’austérité.

Pour les forces de gauche cela commence par refuser au parlement la règle d’or, les résultats du sommet européen de juillet qui sont nocifs pour la France (ils majorent de 15 milliards la dette de la France) et pour les peuples grec, italien, espagnol,….plongés dans des cercles vicieux sans fin d’austérité et de récession.

L’enjeu pour chacun d’entre nous c’est de ne pas nous laisser imposer des choix dont nous ne voulons pas. La mobilisation, l’intervention de chacun sera déterminante c’est l’ambition que se donne le Front de Gauche…


[1] Ce texte n’a pas la prétention d’être exhaustif. Il doit beaucoup aux éditos et articles de Jean Paul Duparc dans le Patriote des mois de juillet et août 2011, aux articles de l’Huma et de différents articles de presse.

[2] « Apporter la civilisation, s’ouvrir au monde, droit d’ingérence, guerre propre… » les va-t-en guerre du système ne reculent devant rien pour justifier leur main-mise.

[3] Jacques Bidet, congrès Marx international V, octobre 2007.

[4] Dans le monde daté du 17 août un texte de Sylvain Cypel fait état de la publication du nouveau livre de Jeff Madrick « Une ère de cupidité : le triomphe de la finance et le déclin de l’Amérique, de 1970 à nos jours ». l’auteur y décrit 40 ans de confrontations où le tenants de la finance se sont imposés.

[5] Libération du 22 juillet, cité dans le Patriote du 28 juillet.

[6] Pour tout connaitre ou presque de la dette de l’Etat en France : https://www.aft.gouv.fr/aft_fr_23/dette_etat_24/dette_20_questions_69/index.html

[7] Dernier exemple en date le rachat par la BCE pour 22 milliards d’euros d’obligations publiques auprès des ….marchés financiers!

[8] JP Duparc « Le Patriote du 28 juillet

[9] Edito « Le Patriote du 11 aout juillet

[10] Tribune dans le « New York Times » du lundi 15 août.

[11] Il y a F. Hollande qui propose un amendement à la Règle d’Or. Il y a les récentes tribunes (Le Monde et le JDD) de Martine Aubry où il n’y a rien sur la BCE. Enfin la proposition du PS d’Euro-obligation est une fuite en avant dans la logique des marchés financiers.

[12] Pour rappel, les agences de notation attribuaient une bonne note à la banque Lehman Brothers quelques jours seulement avant sa faillite.

[13] Le Monde daté du 17 août 2011

[14] Cf J.P Duparc dans le Patriote du 18 août 2011

[15] Il ne s’agit ici que de pointer quelques pistes.

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