Dans l’objectif de perpétuer l’esprit expérimental de Cocteau, le musée qui lui est dédié à Menton invite des artistes contemporains à prendre possession, physiquement et poétiquement, de l’espace d’exposition temporaire pour y installer leurs ateliers. Après Jean Sabrier qui a inauguré l’espace d’exposition temporaire du musée en novembre 2011, c’est au tour de Bernard Moninot de proposer quatre installations et plusieurs séries de dessins dans une scénographie spécialement conçue pour le bâtiment.
Le style Cocteau, c’est quoi ? Pour son insatiable soif de liberté, son refus des limites et sa recherche perpétuelle de nouvelles formes de création, Jean Cocteau a souvent été qualifié de « génial touche à tout ». Auteur de poésies, de dessins, d’estampes, de peintures, de céramiques, de tapisseries, de théâtre, ou encore de « films libres », il peut à juste titre être considéré comme l’un des premiers artistes multimédias du XXème siècle.
Dans cette optique, le Musée Cocteau de Menton ouvre régulièrement ses portes à de nombreux artistes afin de montrer la naissance d’une idée, d’une forme, l’expérimentation d’un geste, et de mettre en lumière une pratique d’atelier, dans la pure tradition de l’artiste.
Bernard Moninot, qui pratique le dessin et la gravure depuis 1970, peut être considéré comme un véritable héritier de Cocteau. Grâce à l’exposition « Dessins dans l’espace », c’est dans l’univers onirique de l’artiste qu’il nous invite à plonger.
Car cette exposition est née d’un songe : en 2009, au cours d’un rêve, Bernard Moninot visite l’atelier d’un artiste inconnu dont l’œuvre majeure est une « sculpture de silence ».
Cet atelier est entièrement vide. A son réveil, il décide de donner une forme à cette idée poétique et de réaliser cette œuvre impossible. Pendant plusieurs années, il trace méthodiquement sur des carnets à dessin des combinaisons de formes évoquant le son et le silence. Ces dessins réalisés sur papier sont ensuite transposés dans l’espace, en trois dimensions, sous la forme de trois installations qui sont autant d’états successifs de ce travail prospectif.
« Studiolo », est un dessin par ombres portées sur un mur produit par l’effet d’une lumière traversant le plan d’un dessin fait de câbles d’acier, de cordes à piano et de plexiglass. Un moyen ingénieux de faire apparaître des phénomènes invisibles par des instruments d’observation et de mesure.
« Objets de silence » constitue une première tentative de représentation visuelle du silence. Des sonogrammes (l’image d’un signal dans une représentation fréquence-intensité) du mot « silence », sont mis en relief avec de la corde à piano et enfermés dans des vases en verre. Ces objets sont présentés dans une chambre de soie translucide.
La troisième installation, « Silent-Listen » est un dessin dans l’espace, constitué d’objets tels que des cymbales, des bandes magnétiques, des diapasons et de représentations des sonogrammes, dont les ombres portées envahissent les murs environnants.
Enfin, « Antichambre » est une œuvre suspendue qui tourne sur elle-même telle un satellite lancé dans l’espace qui n’a d’autre fonction que l’apparition, l’allongement, la déformation et la disparition des ombres et des reflets qu’il génère.
Trois œuvres de silence présentées dans une scénographie conçue par l’artiste à l’aide d’écrans translucides tendus le long des baies vitrées, créant de grands tableaux d’ombres portées. Elles se déploient dans les trois dimensions de la chambre, de l’atelier ou du musée, témoignant aussi de la fascination de l’artiste pour l’astronomie.
Ces trois installations sont accompagnées de plusieurs séries de dessins bidimensionnels de grand format interrogeant notre perception de l’espace, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, et les phénomènes d’illusion optique propres à certains matériaux, tels que la soie et le verre.
