Les prochaines élections européennes mettent déjà en exergue le paradoxe qui montre que, précisément lorsqu’une plus grande légitimité politique est nécessaire pour terminer l’union économique et monétaire, les citoyens se détachent du projet, qui suscite de plus en plus de méfiance.
Si l’Union parvient à réconcilier démocratie et efficacité, son avenir sera brillant. Cette cassure ne se fermera toutefois pas “en améliorant la communication” mais plutôt “en écoutant mieux” les citoyens, sans oublier d’assumer ses responsabilités vis-à-vis d’eux.
Cette option est fondamentale. Confrontés à la crise au quotidien, en essayant d’éviter les multiples obstacles qui encombrent encore le chemin, nous avons oublié de regarder en arrière et de réfléchir à ce qui nous est arrivé ces cinq dernières années.
L’Union européenne a été construite à coup de crises. La crise non seulement nous unit mais permet une intégration bien plus étroite de l’Union. Le point crucial est le manque de flexibilité de l’UE à l’heure d’absorber le choc engendré par la crise financière. L’UE est, avant tout, une “union de règles”.
Toutefois, comme nous en avons été témoins, ces règles étaient inexistantes, incomplètes ou franchement erronées, empêchant ainsi les États membres ou ses institutions d’adopter les mesures qui auraient permis à l’UE de sortir de la crise.
Les États-Unis, qui comme nous le savons sont à l’origine de la crise financière, ont adopté dès octobre 2008 l’initiative intitulée TARP (Troubled Asset Relief Program, plan de sauvetage des actifs à risque), destinée à recapitaliser les banques, à la suite de quoi le président Barack Obama a lancé un vaste plan de sauvetage économique. La situation n’aurait pas pu être plus différente de ce côté de l’Atlantique.
Six ans après la faillite de Lehman Brothers, les Européens discutent encore de leur propre programme TARP (l’union bancaire) et ils le font avec des délais et des mécanismes si complexes et prolongés que l’on finit par douter de leur utilité pour résoudre la crise actuelle: les Etats-Unis sont en train de sortir de la crise pendant que l’Europe y reste embourbée.
Par conséquent, l’UE, qui avait consacré presque 10 ans à rédiger le Traité de Lisbonne, est confrontée au fait que la crise a parfois pris une dimension existentielle pour beaucoup de citoyens et déterminé un contexte de fracture politique et institutionnelle.
Face à cette crise, l’UE a lancé des innovations institutionnelles et politiques et elle a fini par prendre les décisions nécessaires pour sauver l’euro et asseoir les fondements d’un avenir stable. L’Union sort peu à peu de la crise, c’est vrai, mais lentement et en dépit des divisions.
En fait, lorsqu’une structure est flexible, elle absorbe les chocs, mais quand elle est rigide, elle se brise ou se fissure. La fracture la plus évidente et la plus urgente est celle qui sépare les élites des citoyens. Ces fissures et tensions centrifuges sont celles que l’Union doit réparer et ce sont celles dont dépend sa véritable survie.
L’intégration européenne s’est politisée de façon irréversible dans les États membres, mais pas à Bruxelles. Ainsi, il faut renforcer la politique et non la technocratie, de façon à ce que les citoyens retrouvent la capacité de participer à la politique,
L’union de règles n’est pas un problème, mais l’UE a surtout besoin d’une union de politiques autour grandes orientations et de valeurs communes.
Alors pourquoi ne le fait-on pas ? Et si la seule et bonne question était : Qui a peur de la politique ?