Après le temps des polémiques, vient le temps des choses sérieuses. Le processus de privatisation de la plateforme aéroportuaire azuréenne est rentré dans la phase opérationnelle avec la mise au point du cahier des charges qui sera la base pour la mise en vente des actions de la société gestionnaire (Aéroports Côte d’Azur).
L’Etat qui est vendeur de la participation majoritaire (60%) via l’Agence des Participations souhaite associer les autres actionnaires (CCI 25%, Métropole NCA 5%, CD06 5% et Région PACA 5%) à cette opération dont la valeur globale est estimée à plus ou moins 1,5 milliards d’euros.
Premier choix stratégique : êtes-vous vendeurs ou non ?
Christian Estrosi, double casquette en tant que président de la Région et de la Métropole Nice Côte d’Azur, et Bernard Kleynhoff , double casquette lui aussi, en qualité de Président de la CCI Nice Côte d’Azur et président de la commission régionale de l’économie, ont dit clairement « non » au cours d’un point-presse.
Leur intention est simple: avec 35% des parts de la société, ils constitueront une minorité de blocage pour les grands choix stratégiques (augmentation du capital, destination des dividendes, nominations etc). Le Département, lui, ne se prononce pas sur ce point, préférant évoquer les conditions de vente.
Les aéroports de la Côte d’Azur constituent la deuxième plateforme aéroportuaire nationale (12 millions de passagers et 125 destinations).
Cet atout est d’une importance capitale pour la mobilité internationale d’un territoire enclavé par deux noeuds, ferroviaire et routier, largement insuffisants et pénalisants , soit du point de vue du tourisme que des affaires.
Les conditions de cette vente, qu’il convient de préciser regarde les services de terre, oh combien importants, n’a rien à voir avec le trafic aérien qui, lui, dépend de la Direction Générale de l’Aviation Civile et du régulateur européen. En clair, ce n’est pas le concessionnaire de l’aéroport de Nice qui va décider quelles compagnies et quels vols pourront atterrir et décoller sur ces pistes. Même si l’organisation technique, la logistique et le coût de ces opérations rentrent lourdement en jeu.
Que demandent les collectivités locales ?
La première condition est que la société des Aéroports de Paris (ADP) ne soit pas admise comme candidate. La crainte est que, dans le cadre d’une stratégie internationale qui est en train de s’affirmer pour des raisons économiques, Nice devienne une antenne du hub parisien pour les vols internationaux, voire être déclassé à base d’armement pour les vols low cost.
La deuxième est le choix d’un concessionnaire avec expertise internationale, là aussi pour éviter l’atterrissage de fond financier fortement capitalisés qui pourront y mettre le prix mais pour gérer après l’aéroport tel un certificat actionnaire.
Troisième point: la possibilité pour des investisseurs locaux de faire part du consortium majoritaire de manière à représenter les intérêts et instances du tissu économique local. Il parait que deux-trois entreprises seraient prêtes à signer le chèque à plusieurs zéro.
Quatrième option: prévoir dans le dispositif qu’une partie substantielle des bénéfices monétaire de la vente soient reversés dans le financement de projets territoriaux. Une belle idée, utile pour renflouer les caisses anémiées des collectivités locales, mais qui va à l’encontre de la raison à origine de cette opération: vendre les bijoux de famille pour soulager le déficit de l’Etat.
Ultime demande: que le président du Conseil de Surveillance (aujourd’hui en la personne de Bernard Kleynhoff ) soit d’expression locale comme gage d’appartenance de l’aéroport au territoire. Il y a-t-il quelque appétit à satisfaire ? quelques copains à faire bénéficier ?
Le 25 février, une réunion se tiendra entre le ministre Macron et son équipe et les interlocuteurs azuréens.
Le négociation va commencer et chacun tirera la couverture à soi. Christian Estrosi a déjà endossé la cape et pris l’épée tel D’Artagnan.
Les prétendants de la mariée , les noms ne sont pas dévoilées mais pour certains la discrétion n’est pas de mise, restent derrière le rideau avant de se manifester officiellement.
Nul doute qu’ils agissent dans l’ombre pour obtenir les meilleures conditions, le film n’est pas nouveau !
Le morceau est-il si appétissant pour leur faire accepter des conditions si restrictives du point de vue capitalistique ?
Entre propriétaires légaux ( l’Etat), d’autres qui se considèrent propriétaires de fait (les collectivités locales) , et d’autres encore qui le deviendront et qui auront leurs intérêts futurs à préserver, il faudra surtout prêter attention aux propriétaires moraux que sont les 12 millions de passagers sans lesquels cette société « Aéroport de Nice » n’existerait pas ou , en tout cas, n’intéresserait personne !