Le 14 mars dernier, le Premier ministre Édouard Philippe annonçait la fermeture de tous les lieux « non-indispensables à la vie du pays » et ceux accueillant du public, pour lutter contre l’épidémie du virus Covid-19. Samedi soir, la France prenait un dernier verre en terrasse, avant de s’enfermer chez soi pour une durée indéterminée.
Les terrasses, ce symbole français par excellence, au même titre que le coq et la baguette. Ces lieux de vie où le bruit des voix joyeuses se mélange à celui des verres qui s’entrechoquent, c’est un peu notre mélodie du bonheur à nous. C’est là que sous la chaleur des poêles et des plaids passant de genoux en genoux, que les amis, les collègues, les amoureux se retrouvent pour refaire le monde. Des conversations de surface enflammées, vite effacées par le serveur qui remet sa tournée. Nos terrasses n’ont jamais été aussi chaleureuses que depuis qu’on les a attaquées à Paris un soir d’automne, on a décidé que la vie ne s’y éteindrait plus jamais, qu’il y aurait toujours de la lumière. Sauf, qu’on n’avait pas prévu qu’il serait aussi urgent de refaire le monde, enfin, on imaginait que cela nous pendait au nez, mais on s’amusait d’avancer à l’aveugle. Oui, jusqu’à ce que la lumière s’éteigne pour de vrai. Samedi 14 mars, à minuit, les commerçants de notre bonheur ont empilé les chaises, rentré les tables et remontés les stores avant de baisser le rideau pour de bon. Samedi soir, la France a pris son dernier verre en terrasse avant de se réfugier aux fenêtres.
Deux jours plus tard, le président de la République Emmanuel Macron, annonçait un confinement obligatoire à l’image de l’Italie et l’Espagne, déjà barricadés. Pour la première fois de son histoire, l’immense majorité des Français est priée de rester chez elle, pendant que dehors, on lutte contre un ennemi invisible et plus armé que nous. « Nous sommes en guerre », avait décrété sérieusement le chef de l’État. Au front, le personnel soignant, les secours, les forces de l’ordre, les chauffeurs, les caissiers, les agriculteurs… Tant d’âmes qui mènent le combat pour nous. Nous, petits soldats dont la seule et simple consigne reçue est de rester chez nous pour protéger nos héros du quotidien. Alors nous décidons d’ouvrir les fenêtres pour hurler notre reconnaissance, nous envahissons nos propres balcons pour leur apporter notre soutien. Nous remplaçons le bruit rassurant des terrasses par des applaudissements bruyants dont l’écho se répercute sur les murs de béton. Des blocs gris d’ordinaires froids, réchauffés par des millions de cœurs en concerto. Les confinés ont su éclairer les rues en allumant leurs propres lumières, rétablissant le son en chantant nos hymnes à l’unisson. Le balcon est devenu le nouveau lieu de retrouvailles, de communication et d’espoir où nous nous massons chaque jour, attirés par les rayons du soleil, chaque soir, par les néons des voisins.
Nous vivons depuis 15 jours près des fenêtres, parfois avec nos proches, parfois seuls avec nos incertitudes et nos questionnements. Prenons le temps de considérer ce que c’est d’être vivant. Interrogeons notre cœur plus que jamais et recentrons-nous sur ce qui compte vraiment, car en sortant de nos cages dorées, le combat n’aura fait que commencer.