La mairie de Nice a accueilli, ce mercredi 10 mai, une délégation de la Commission nationale d’indemnisation indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les Harkis. À cette occasion, la ville de Nice a signé un nouveau partenariat avec l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
« Face à la droiture de l’engagement de nos frères harkis pour la France, la République est, à mon sens, aujourd’hui, pas encore quitte et loin de l’être », affirme Christian Estrosi, maire de Nice. Au sein de l’hôtel de ville, il a accueilli la Commission nationale d’indemnisation indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis. Il commence par saluer le choix de son président, Jean-Marie Bockel d’avoir choisi Nice pour cette nouvelle étape vers la réparation, pour ceux « qui ont versé l’impôt du sang ». Ce moment est l’occasion pour la municipalité de confirmer ses liens forts avec ces communautés.
Nice et ses alentours deviennent vite terres d’accueil des harkis, dès 1962, une fois les accords d’Évian signés. Cependant, la fin de la guerre d’Algérie ne marque pas la fin des préjudices subis par ces « Français à part entière ayant combattu » dans les rangs de l’armée française. Une fois l’indépendance déclarée, des centaines de milliers d’harkis ont été abandonnés par le gouvernement français. Une faute qui a été reconnue par Emmanuel Macron, lors de son discours du 21 septembre 2021. Bon nombre d’entre eux ont été massacrés par le Front de libération nationale (FLN). Le nombre de victimes est estimé entre 70.000 à 150.000 personnes. Une partie a pu être rapatrié et installé dans des camps partout en France. Dans les Alpes-Maritimes, ils s’installent notamment dans les camps de Mouans-Sartoux, de Breil-sur-Roya et de L’Escarène.
Lumière sur les femmes et enfants de harkis
Fatima Besnaci-Lancou, historienne, témoigne à travers une vidéo. « Le cœur de mon intervention d’aujourd’hui est de rappeler que toutes les guerres précipitent aussi des femmes et des enfants dans le malheur. » La présidente du Conseil scientifique mémoriel et culturel de Saint-Maurice L’ardoise finit par une revendication. Elle appelle à ce que la prochaine journée nationale d’hommage, le 25 septembre 2023, soit dédiée aux épouses de harkis, « qui ont subi toutes les violences inhérentes à la guerre ».
Dans la salle pleine à craquer du Conseil municipal, ils sont quelques-un à partager le même récit, la même histoire et la même mémoire. Leur mère a accouché d’eux dans un camp. Une violence couplée à celle de conditions d’accueil terribles : froid, insalubrité, absence de soins. En ce sens, le maire de Nice honore tout particulièrement la mémoire des enfants de harkis enterrés sans sépulture dans les camps de transit. Et il tient à partage son estime « pour les femmes de la deuxième génération« .
Le combat pour la réparation
« Aucune réparation ne sera à la hauteur des préjudices subis », affirme Jean-Marie Bockel, président de la Commission. Cette commission est une traduction concrète de la loi du 26 février 2022. En promulguant cette loi, le gouvernement reconnaît au nom de la Nation, les préjudices subis et s’engage à les réparer. Elle a quatre ans pour effectuer sa tâche. 26 000 demandes ont été déposées à ce jour, et en moins d’un an de travail, 7 500 ont été traités. Le public concerné, selon la loi, sont les harkis et leurs familles qui ont séjourné dans des camps de transit et des hameaux de forestage entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975. L’indemnisation moyenne des ayants droits est à ce jour de 8 800 euros.
« Ce ne sont pas des collaborateurs, ce ne sont pas des Algériens qui ont trahi, ce sont des Français d’Algérie, fiers de la France, qui ont voulu demeurer français. » Jean-Michel Nogueroles, avocat en droit international et vice-président de l’association des harkis, Honneur, Histoire prend la parole pour « clarifier certaines contre-vérités ». Après une leçon d’histoire, il en vient à la problématique de la quantification de victimes et de l’intention, qui est pour lui, au coeur des questionnements pour qualifier et déterminer les préjudices. « Il faut qu’on sache ce qui s’est véritablement passé. » Alors, le juriste porte quelques revendications. Il appelle à l’ouverture de toutes les archives. Puis, il sollicite la participation de juristes au travail de la Commission au même titre que les historiens. Finalement, il appelle la Commission à travailler pour exclure ou non la qualification de génocide.
Nice, la confirmation d’un soutien par le respect du devoir de mémoire
Depuis le début de son premier mandat, Christian Estrosi s’est engagé aux côtés des harkis, par des déclarations et des actions. Son soutien passe par la culture chaque année avec l’organisation de la manifestation « Au Soleil des Deux Rives ». Il rappelle également sa prise de position répétée à travers le temps en n’ayant jamais participé aux commémorations du 19 mars. Il dénonce l' »ignominie » du choix de cette date. Une date contestée par les harkis et une partie de la classe politique, car elle fait écho à la fin de la guerre d’Algérie, mais non à la fin des violences. En 2013, il déposait une plaque commémorative à la mémoire des civils, combattants et supplétifs de toutes confessions, morts après le 19 mars 1962 sur le fronton de la Maison municipale des Associations des rapatriés.
La rencontre s’est poursuit par la signature d’une convention de partenariat entre la Ville et l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG). Une manière de confirmer un engagement commun pour favoriser la transmission des mémoires de manière intergénérationnelle. Cette signature est également synonyme de soutien financier aux actions de l’ONACVG. « Le recueil de témoignages de deuxièmes et troisièmes générations sera également favorisé tout en valorisant la démarche mémorielle accomplie par les filles de harkis », partage le premier magistrat.
Enfin, le maire a décerné symboliquement, à trois hommes, dont Abdel Kader Louma, la médaille de la ville. Toutefois, alors que la cérémonie touchait à sa fin, des descendants d’harkis ont tenu à livrer quelques témoignages. Les récits livrés par les descendants de harkis dénoncent globalement leur condition de mal-logement actuelle. Christian Estrosi assure que cette convention permettra une meilleure coordination avec la Maison communale des associations. Un moyen d’accompagner ceux qui le souhaitent dans leur démarche administrative, notamment sur l’accès au logement social.