Ce mardi 13 juin, le Palais des Rois Sardes a accueilli l’une des conférences des IA Dates. La bombe Chat GPT, placée entre les mains des utilisateurs depuis le 30 novembre 2022, a suscité fascination et inquiétude. Que faut-il retenir de cette conférence ?
Marco Landi, président du comité d’experts du smart deal et de l’Institut EuropIA, a inauguré la séance en insistant sur la nécessité d’établir un projet d’intelligence artificielle (IA) à l’échelle européenne. « Il nous faut un grand projet européen » clame-t-il avant de céder la place à Laurence Devillers, professeure en informatique appliquée aux sciences sociales à l’Université Paris-Sorbonne. L’invitée a su capter l’auditoire par une présentation précise et brève de l’intelligence artificielle. Elle rappelle notamment que l’IA d’aujourd’hui est le fruit « d’une lente succession d’améliorations ». Pour elle, il est une nécessité en matière d’IA de suivre ce triptyque : éthique, lois, normes. L’un de ses objectifs est d’accompagner les utilisateurs actuels et ceux de demain. C’est pourquoi elle intervient, avec sa Fondation Blaise Pascal, auprès des plus jeunes par le biais de capsules éducatives.
Lors de la table ronde, se sont exprimés : Jérôme Béranger, CEO de GOODALGO, chercheur à l’Université Paul-Sabatier Toulouse III, expert Ethique & IA pour l’Institut EuropIA, conférencier et essayiste, Alexandre Ozararat, directeur du bureau de Nice de Grant Thornton France, en charge de l’innovation, expert-comptable et commissaire aux comptes et Isabelle Galy, Directrice de la Maison de l’Intelligence Artificielle. L’ensemble des invités a ainsi discuté des différents enjeux et risques mis en cause par ChatGPT. Insistant sur le rapport à l’homme, ils ont aussi questionné les notions de connaissance et de vérité bousculées par ChatGPT.
Qu’est-ce que ChatGPT ?
Élaboré par l’entreprise OpenAI, le logiciel ChatGPT a été introduit sur le marché le 30 novembre 2022. ChatGPT est un assistant virtuel qui utilise une IA générative pour dialoguer en langage naturel. Il s’appuie sur l’hypothèse distributionnelle selon laquelle des mots qui se trouvent dans des contextes d’apparitions similaires tendent à avoir un sens similaire. Ainsi, l’illusion d’une véritable conversation est troublante.
Entre fascination et inquiétude
Si l’intelligence artificielle fascine autant qu’elle inquiète, c’est parce qu’elle brouille véritablement nos repères. En témoigne, par ailleurs, le public hétéroclite réuni lors de cette conférence. Des étudiants aux personnes âgées, l’intérêt était entièrement partagé. Dans sa présentation, Laurence Devilliers détaille les principaux risques liés à l’IA. Elle insiste particulièrement sur le fait que l’on ne doit pas être tenté de comparer l’intelligence artificielle à l’intelligence humaine. Prenant l’exemple d’une pomme, elle illustre son propos : l’IA sera capable d’évoquer l’acidité de la pomme, le taux de sucre etc. Toutefois, elle n’en connaîtra jamais vraiment le goût. La « connaissance » de l’IA est purement le produit de calculs qui lui offre un pouvoir génératif. En aucun cas l’IA n’est capable d’une intelligence réflexive.
Une certaine tendance à l’anthropomorphisme concernant l’IA conduit à trois dangers majeurs. Le premier étant ce que Laurence Devilliers nomme le « transfert ». Le « transfert » intervient lorsque l’homme est tenté de considérer l’IA comme son égal. S’ensuit ainsi le risque de « l’affect » qui induit la possibilité de développer des sentiments pour les intelligences artificielles. Enfin, il est envisageable d’appréhender un certain péril pour nos propres « qualités morales », l’ultime danger.
« L’éthique est une façon de penser et non un outil ! »
Laurence Devilliers
Vers une crise linguistique et culturelle ?
La sur-représentation de l’anglais dans le domaine des IA inquiète particulièrement nos invités. Il existe, en effet, un risque linguistique à utiliser un logiciel unilingue. Laurence Devilliers tire ainsi la sonnette d’alarme concernant la pérennité de la langue française. Qui, toutefois, souligne-t-elle n’est pas la plus menacée. Elle pense par exemple au norvégien qui tend véritablement à disparaître face à l’anglais. Incontestablement, l’utilisation de ChatGPT et de l’intelligence artificielle en général nécessite une législation et une normalisation idoines. Les enjeux sont multidimensionnels : géopolitiques, linguistiques, économiques, sociétaux… L’impératif d’une prise de conscience est indéniable.
Les IADates : un cycle de conférences guidé par le smart deal
Depuis 2018, le Conseil Départemental a déployé sur l’ensemble de son territoire un plan de transition numérique, le smart deal. Conscient de l’impact actuel et à venir de l’intelligence artificielle, le Département des Alpes Maritimes souhaite accompagner ses concitoyens dans la compréhension de ce nouveau monde. L’objectif est double : apporter un meilleur service aux usagers et répondre aux enjeux du territoire pour améliorer la qualité de vie des habitants. S’inscrivant dans la droite ligne du Green deal européen, le projet est vivement soutenu par le Président du Département Charles Ange Ginésy. Selon ses propres mots, il est une « nécessité de s’approprier la révolution numérique dans laquelle nous sommes ». Ainsi, il considère que ne pas se mettre au pas de cette révolution, c’est accepter de la « subir » dans un avenir proche.
Charles Ange Ginésy invite donc le département et l’Union européenne à développer la recherche et l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le but est de ne pas se soumettre aux modèles américains et chinois qui sont aujourd’hui les leaders en la matière. Incontestablement, il est question de la souveraineté numérique du pays. « Nous sommes dans une bataille numérique ! » a asséné Marco Landi, président du comité d’experts du smart deal et de l’Institut EuropIA.
