La mobilisation paye : Christian Estrosi ouvre l’internat du Lycée Massena et une auberge de jeunesse aux sans-abri. Mais si l’on ne va pas à leur rencontre les sans-abri n’en sauront rien et il faut organiser des maraudes couvrant l’intégralité de la ville pour les informer et les orienter.
La nature humaine est bien étrange. Personne n’aurait pu imaginer que nous soyons ainsi confinés. Par contre on aurait facilement pu parier qu’en cas de crise majeure, de quelque nature qu’elle soit, les sans-abri et les précaires seraient à nouveau oubliés et laissés pour compte.
Il en va ainsi du dispositif gouvernemental qui n’a pas anticipé la protection des sans-abri. Et, alors que beaucoup de communes ont pallié cet oubli en ouvrant rapidement des gymnases, des dispensaires ou autres bâtiments publics, la Ville de Nice, quelle surprise, a pensé aux drones et au couvre-feu avant de penser aux personnes en précarité.
Rappelons-le encore : les sans-abri ont droit à la même protection face au Covid-19 que l’ensemble de la population et les protéger permet en même temps de réduire le risque de propagation. Solidarité et lutte contre le virus vont de pair.
Suite à la mobilisation citoyenne à Nice, Christian Estrosi a annoncé l’ouverture aux sans-abri de l’auberge de jeunesse de la rue Sacha Guitry et de l’internat du Lycée Masséna et je salue cette avancée.
Mais nous n’avons fait que la moitié du chemin : il faut désormais sortir de la logique de guichet et aller au-devant des sans-abri.
En effet, le maire de Nice a déclaré à la presse qu’il avait proposé des places supplémentaires aux plus fragiles « qui se manifesteraient, ce qui n’est pas le cas pour le moment puisque l’Etat leur propose des chambres d’hôtels ». Or c’est ignorer que la logique de guichet où l’on attend que les bénéficiaires potentiels se manifestent n’est pas adaptée aux politiques d’urgence sociale où il est indispensable d’aller à la rencontre des plus précaires.
De nombreux sans-abri ne sont pas au courant des moyens mis à leur disposition et n’ont à ce jour rencontré aucun travailleur social. Certains sont des exilés qui ne parlent pas le français et ne connaissent pas la ville. D’autres sont des SDF ayant connu de mauvaises expériences en centre d’accueil et ne souhaitant pas y retourner ou pensant simplement qu’ils sont, comme à l’accoutumée, plein à craquer. Mais il y a aussi celles et ceux qui vivent dans des squats, qui dorment dans leur voiture, leur caravane ou dans des camps de fortune. Tous doivent d’être informés des risques du Covid-19 et se voir proposer une prise ne charge.
Il s’avère dès lors indispensable d’organiser des maraudes coordonnées permettant de couvrir l’intégralité de la ville, de rencontrer les sans-abri, de les informer et de les orienter, tout en protégeant autant que faire se peut les travailleurs sociaux eux-mêmes.
Et ce n’est qu’une fois que le plus grand nombre possible de sans-abri sera orienté vers les structures de prises en charge que nous verrons si les chambres d’hôtel du 115, les places disponibles du CCAS et des deux nouveaux sites mis à disposition seront suffisants, ce dont je doute fortement.