Le titre évoque volontairement le langage sportif d’une affiche de match. Mais, en réalité de quel match on parle ? De celui qui devrait obliger à choisir entre un lieu du culte et un service social ? Il faut refuser de manière claire et nette cette méthode qui veut, de manière artificielle, confondre deux problèmes pour obliger à un arbitrage dans lequel il y aura nécessairement un perdant, donc un mécontent.
C’est la tactique habituelle de ceux qui veulent opposer les uns aux autres au lieu de les fédérer autour d’objectifs communs, le premier desquels est le bien vivre en paix et en harmonie pour autant que possible.
La délibération 5.7 qui est présentée au conseil Municipal de ce jour, demande donc à la Préfecture un DUP afin d’empêcher l’association En- Nour (400 membres et sympathisants) de compléter les travaux en cours, et autorisés tacitement par la Mairie, pour la réalisation d’un centre de culte et social pour la communauté musulmane qui est estimée à Nice de plus de 40 000 personnes.
L’opposition socialiste et verte a rappelé, hier matin, au cours d’une conférence de presse son attachement au respect d’une république laïque telle qu’elle est définie depuis 1905 qui » garantit à chacun l’exercice de sa liberté de conscience, liberté de croire et de non croire et de pratiquer tel ou tel culte dans le strict respect de l’ordre public et d e la loi » et signalé le retard pris par Nice sur ce point par rapport aux grandes villes de France.
En fait, s’opposer par le biais de la délibération de la construction d’une crèche à la réalisation d’un lieu cultuel est une erreur conceptuelle. En réalité, il faut trouver moyen et solution pour que les deux objectifs soient réalisés. Surtout lorsque c’est largement possible !
Le commentaire de Maire-Luz Hernandez-Nicaise (EE-LV) à ce propos est lapidaire:
« Cette crèche est censée anticiper les besoins d’un futur « éco-quartier ». Or, rappelons que par définition, un éco-quartier intègre la totalité des services dont ses habitants ont besoin : santé, enseignement, commerces et bien sûr, équipements de la petite enfance. C’est à Nice Meridia qu’une crèche neuve doit être programmée !!! ».
Patrick Allemand à son tour a voulu stigmatiser le comportement de Christian Estrosi: » Par son refus obstiné de laisser la communauté musulmane de se doter d’une mosquée on favorise l’islam des caves et des garages et on favorise le basculement dans l’islam des intégristes alors que notre devoir de responsables publics est de tout faire pour combattre et endiguer l’intégrisme ».
De plus l’initiative de l’association El-Nour se déroule dans le cadre d’un financement privé, comme l’affirme son président Mahmoud Benzemia (Professeur de collège à Cagnes-sur-Mer) et le secrétaire général Maître Ouassini Mebarek, tous les deux de nationalité française, qui refusent toute allégation de financement occulte d’origine saoudienne (ce qui d’ailleurs ne serait pas un indice d’illégalité) ou anonyme ( ce qui serait de ressort de Tractfin et non pas de la municipalité niçoise) *
D’après eux, si le propriétaire du site (acheté en 2002 et dont l’association jouit d’un bail renouvelé ) est effectivement un généreux saoudien, le financement des travaux en cours est dû exclusivement aux dons de la communauté musulmane.
Alors pourquoi en est-on arrivé là ?
Christian Estrosi, qui refuse à son tour toute accusation d’électoralisme, sait qu’une fois obtenu cette déclaration d’intérêt public, il devra attendre encore bien des années avant de pouvoir exercer le droit d’expropriation. Les enfants qui devraient bénéficier de cette fameuse crèche seront déjà au collège !
Dans le cas contraire, la seule issue possible serait un arrêté d’interdiction d’ouverture pour raison publique due à l’excès de circulation et problème de stationnement. Mais, à l’Allianz Riviera les jours de match, me direz-vous ?
Alors, comment se sortir de ce face à face qui ne sert à rien, sauf peut-être à exciter les esprits qu’il faudra ensuite reconduire à raison avant tout dérapage. Si Mahomet ne va pas à la montagne, la montagne va à Mahomet dit le dicton. D’une actualité frappante !
Le président de l’association En-Nour, M. Benzemia (qui n’est probablement pas un dangereux salafiste mais simplement un bon croyant d’une religion qui n’est pas la notre mais simplement la sienne) a demandé un entretien au maire de Nice (On reconnait là cette capacité d’intuition, de comprendre quand le coup peut être celui gagnant, qui est une des qualités les plus marquantes de Christian Estrosi ) qui l’a tout de suite accepté.
Le résultat ? Au delà d’une certaine exagération dans la présentation de cette suspension d’hostilité (en langage diplomate, on l’appellerait » arrêter l’horloge » ), le conflit a été désamorcé.
En fait, si pour le Maire de Nice « De nos échanges constructifs, les intéressés ont compris l’intérêt stratégique que représente pour la Ville de Nice et ses habitants, ce site au cœur de l’Eco-Vallée et de Nice Méridia.
Nous avons convenu que les travaux seraient suspendus dans l’attente de l’aboutissement de nos négociations, afin de permettre la création d’une crèche réclamée par les familles et les habitants du quartier.
La délibération qui sera présentée au Conseil Municipal de demain, relative à la Déclaration d’Utilité Publique, tiendra compte de ces négociations et d’une éventuelle acquisition amiable.
Pour répondre à la demande des responsables de l’association, nous avons convenu de réunir, à une date rapprochée, le Comité de suivi du culte musulman, auquel Monsieur Benzamia sera naturellement invité. Lors de cette réunion le Comité aura pour mission d’examiner, à partir de l’existant, les besoins dans ce quartier. Mais je réaffirme que je veillerai à ce qu’aucun financement étranger ne puisse être mobilisé dans ce type de projet. »
La réponse du président de Mahmoud Benzemia est plus prudente : « Les Nicois de confession musulmane sont toujours prêts au dialogue Les membres de l’association En-Nour, réunis en assemblée générale extraordinaire, se sont penchés ce jour sur la proposition du maire de ce matin. Dans la perspective de relancer le dialogue entre l’association et la mairie, Christian Estrosi a proposé de surseoir à la DUP. Pour rester ouverts au dialogue, nous avons aussi proposé de surseoir aux travaux en cours. Aussi, nous proposons au Maire d’entamer de nouvelles discussions dans les jours qui viennent, après les fêtes de l’Aïd, pour trouver une solution qui conviennent aux deux parties. Nous tenons à préciser néanmoins que la teneur des propos contenus dans le communique de presse de Christian Estrosi n’engagent que lui ».
Bon, ce n’est pas parfait mais au moins on se parle avec un langage respectueux et apaisé. Et s’il n’est pas possible de s’entendre sans se parler, il est fort probable qu’en se parlant on arrive à s’entendre.
A chacun de faire part de cette volonté de composition sans laquelle il n’y a pas de solution, une volonté qui doit avoir pour but le bien commun. Saint-Augustin, docteur de l’Eglise (catholique) n’écrivait-il pas dans ses » Confessions » : « Nous sommes ce que nous avons vécu, ce qui savons et ce que nous ferons ».
Ceux qui sont en charge de l’intérêt public devraient avoir à cœur ces belles paroles..