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22 novembre 2024

Deux femmes en colère, Juive ou Musulmane, citoyennes et libres

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2femmes.jpg Faut-il être tolérant avec les ennemis de la tolérance ? Les révolutionnaires de 1793 se posaient déjà la question à propos des ennemis de la jeune République.

Ils emboîtaient le pas aux philosophes des Lumières en oubliant que certains d’entre eux, à l’image de Voltaire, se sont parfois trouvé plus enclins à pourfendre «l’infâme » de la religion qu’à critiquer des autocrates qui leur offraient le gîte et le couvert. La religion, c’est précisément ce à quoi s’attaquent – le mot n’est pas trop fort – « Deux femmes en colères ». Deux femmes que tout oppose a priori : l’une, juive séfarade et née en Algérie. L’autre musulmane et d’origine iraquienne. Un combat commun les a pourtant rassemblées : l’enfermement de la femme dans des croyances religieuses qui réduisent leur existence à une liste interminable de prescriptions, d’interdictions et d’obligations. Entre leur « milieu de départ » et celui de leur « arrivée » , pour reprendre les termes d’Alain Touraine (dans un excellent ouvrage sur les femmes que nous évoquerons prochainement), une maturation courageuse se fait jour.

Les religieux, selon elles, ont confisqué le pouvoir révélateur du « Livre » et vampirisent à leur profit les institutions ecclésiales. Parce qu’elles les ont vécues au quotidien et qu’elles en souffrent encore, Olivia Cattan et Kenza Braiga dénoncent pêle-mêle toutes les formes d’injustice, de racisme et d’antisémitisme, avant de concentrer leur tir sur le triste sort réservé aux femmes dans les interprétations radicalisées de l’islam et du judaïsme. Elles se déclarent davantage mues par la spiritualité que par l’ascèse religieuse, autre point qui fait écho aux idées exprimées par Alain Touraine. La femme juive est soumise, selon Olivia, à des « rituels de purification » qu’elle perçoit comme attentatoires à son «intimité ». Dans le judaïsme, la femme qui donne la vie empiète sur le domaine réservé de l’Ineffable et semble déranger la stricte séparation entre l’homme et un Dieu tellement inaccessible qu’il est impossible de le nommer.

Dans l’islam telle qu’elle l’a vécu, nous raconte quant à elle Kenza, toute « manifestation de féminité » est assimilée à « une provocation sexuelle ». Les deux auteures ne font pourtant que nous rappeler un fait déjà énoncé par Freud : depuis la nuit des temps, la femme fait peur parce que sa sexualité perturbe les hommes. Thème au cœur des procès en sorcellerie pendant la période obscurantiste de l’inquisition. Les guérisseuses ou les accoucheuses suscitaient la méfiance par l’utilisation de leurs plantes « consolantes » destinées à calmer les douleurs de l’enfantement. Elles semblaient ainsi s’opposer aux dogmes de l’église qui tenaient ces souffrances pour une juste punition du péché.

Ce combat engagé contre les sorcières masquait également celui destiné à contenir un pouvoir des femmes susceptible de menacer celui des hommes et leur autorité sur la famille : Jean Bodin assimile en 1580 la sorcellerie au «paradigme de la démesure féminine» qui «défie en permanence la souveraineté du père» en lui «opposant une puissance maléfique, sexuelle, destructrice, « athéiste » source de sédition et de débauche». Dans les indications destinées à permettre à l’inquisition de confondre une sorcière, la femme qui pratique l’acte sexuel en dominant physiquement l’homme signe son aveu devant les tribunaux et scelle du même coup son funeste destin sur le bûcher. Ce qui représente – notons le au passage – un fantasme récurrent chez l’homme, reste aujourd’hui encore lié à l’une des grandes peurs masculines inconscientes de la femme, celle qui «dévore et accapare son énergie sexuelle» mais qui est aussi capable du «détournement dévoyé» de sa semence comme en témoignent les réflexions qui accompagnent les nouvelles techniques de procréation in vitro.

Une amie journaliste libanaise résume bien cette peur : envoyée pour interviewer le Guide du Hezbollah à Beyrouth, elle se voit refuser l’entrée du domicile du prélat au motif que sa robe de plage est transparente. A l’assistant du Guide qui lui demande instamment de «couvrir tout ce qui rappelle la sexualité», elle répond simplement : «Le sexe mais je l’ai jusque dans les yeux !». Si elles le ne citent pas, Olivia et Kenza s’en prennent sans doute à ce proverbe oriental probablement ancré dans les profondeurs de la psyché masculine : lorsqu’une femme dort seule, le diable dort avec elle !

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