Frédéric Ganneval, directeur de ArteNice, nous apporte, fidèle à ses habitudes, son avis éclairé sur l’analyse et les prévisions électorales.
Depuis 2002, nous scrutons et décortiquons les sondages politiques à chaque élection afin de transmettre aux média une analyse sérieuse sur ce que les statistiques qui y sont présentées disent réellement et aussi pour nous protéger des critiques post élection qui éclaboussent toute une profession alors que certains font de graves erreurs.
Nous nous sommes donc intéressé au sondage publié par Ipsos pour France Télévision & Radio France paru le 22 novembre 2015 et là, nous sommes tombés de notre chaise.
C’est certainement le sondage le plus toxique sur lequel nous avons travaillé.
En effet, Ipsos nous dit qu’ils ont estimé un « indice » de participation en demandant aux 830 personnes interrogées de noter de 0 à 10 leur niveau d’engagement. En clair, si les personnes interrogées sont sûr d’aller voter elles ont noté 10 sur cette échelle, si elles étaient certaines de ne pas aller voter, en indiquant la note de 0.
Ipsos est arrivé à une note moyenne de 49%. Note qui ne veut rien dire mais admettons que cet indice nous informe sur un éventuel taux de participation. C’est un peu tiré par les cheveux, mais pourquoi pas.
Jusque-là pas de quoi faire un scandale.
En revanche, les graphiques présentés ensuite dans tout le rapport ont été calculés sur la base des personnes « certaines » d’aller voter !!
Sauf qu’à aucun moment dans le rapport nous n’avons l’information qui permettrait de calculer la fiabilité des résultats énoncés en s’appuyant sur le nombre de répondants et pour cause.
Sur une échelle de 0 à 10, avec une moyenne à 49% (en fait 4,9 de moyenne), il aurait fallu que l’ensemble des personnes ayant répondu avoir l’intention d’aller voter aient déclaré à 100% être certaines de le faire pour que la base de sondage soit de 490 individus sur les 830 et que 100% des personnes qui n’ont pas l’intention d’aller voter aient répondu à 100% « 0 », c’est-à-dire certaines de ne pas y aller.
Hors c’est purement impossible dans la mesure où, nous le savons d’expérience, sur ce type d’échelle, nous sommes satisfaits lorsque 5% des personnes notent 10 sur 10 .
Ce qui veut dire en clair, que ce sondage dont on nous dit qu’il a été réalisé sur 830 personnes, n’a en fait été analysé, que sur environ 40 personnes !!!!!
Et donc avec une marge d’erreur maximale non pas de 3.47 points mais de 15.81 points !!!
En clair :
Premier tour :
C’est-à-dire que le seul écart significatif est entre le FN et EELV.
Second tour :
Si nous tenons compte des 11% de personnes certaines d’aller voter qui n’ont pas exprimé d’intention de vote pour le second tour, le nombre de personnes qui se sont réellement exprimées sont approximativement entre 32 à 36 (nous retiendrons 36 pour favoriser l’institut), et en tenant compte du fait d’alliances qui pour l’heure ne sont pas établies pour le 2nd tour, nous pouvons conclure :
La liste Christophe Castaner : 25% annoncé, chiffre réellement obtenu par Ipsos : entre 10.57 % et 39.43% c’est-à-dire en clair qu’entre 4 et 14 personnes ont répondu vouloir voter pour cette liste
La liste Christian Estrosi : 34% annoncé, chiffre réellement obtenu par Ipsos : entre 18.21 % et 49.79% c’est-à-dire en clair qu’entre 7 et 18 personnes ont répondu vouloir voter pour cette liste
La liste Front national conduite par Marion Maréchal-Le Pen : 41% annoncé, chiffre réellement obtenu par Ipsos : entre 24.61 % et 57.39% c’est-à-dire en clair qu’entre 9 et 21 personnes ont répondu vouloir voter pour cette liste
Aucun écart statistique entre les 3 candidats.
Frédéric Ganneval est formel: « A vous d’en tirer la lecture que vous souhaitez mais on ne peut pas faire dire n’importe quoi à des chiffres et présager d’une élection sur la base d’aussi peu d’électeurs.
C’est contre toute déontologie et le respect des électeurs. Le sondage Ipsos vient de battre un nouveau record : faire parler si peu d’électeurs (une quarantaine) et pourtant en tirer des conclusions pour une population de 4.965 millions d’habitants et 3.497 millions d’électeurs inscrits ! ».
par Frédéric Ganneval