Après un détour en littérature blanche avec Les intrépides, Hervé Commère revient, en 2025, au noir du polar avec Dernier cri, paru chez Fleuve Éditions. Un roman sombre et social qui va ramener son héros dans sa ville natale, Elbeuf, pour une plongée au cœur des agences d’intérim et des travailleurs pauvres.
Étienne Rozier, ancien flic devenu par opportunisme lobbyiste, passe une nuit à Rotterdam avec une journaliste, Anna Dufossé. Pendant un court instant où Anna se retrouve seule, elle est assassinée. Rozier est le coupable parfait : il vient de passer secrètement toute une nuit avec la victime et ses empreintes sont partout dans la chambre d’hôtel. Alors pour échapper à l’humiliation d’une arrestation et de la découverte de son adultère, Rozier s’enfuit. Se réfugiant dans une ZAD, il décide de faire la lumière sur le meurtre d’Anna et ainsi prouver son innocence. Il va remonter le fil de sa dernière enquête sur les travailleurs pauvres des agences d’intérim, à Elbeuf, sa ville natale honnie et fuie il y a bien longtemps.
Un héros, ancien flic devenu lobbyiste
Après avoir galéré en tant que policier pendant de nombreuses années, Étienne Rozier a changé de cap il y a 5 ans. Acceptant un poste dans une agence de lobbying qui lui a permis de s’élever d’un coup dans l’échelle sociale. Au cabinet Barns, ses missions sont simples : convaincre n’importe qui de n’importe quoi. Et cela quelque soit le prix et la méthode. Les techniques de Rozier sont variées, de l’emmerdement minimum – couper votre connexion Internet – à des menaces beaucoup plus concrètes – chantage, empoissonnement au GHB, filature etc., tout ça avec un salaire qui a triplé, Rozier n’a plus beaucoup de morale, beaucoup de contacts et carte de blanche pour atteindre son objectif.
Voici en quelques lignes, le portrait du « héros » du nouveau polar d’Hervé Commère. Mais l’auteur ne va pas nous laisser avec un personnage si peu empathique pour tout le reste de son roman.
Non, Hervé Commère va pousser son héros dans le vide et lui montrer qu’il peut tout perdre en un claquement de doigts ! Autant pour se dédouaner que pour comprendre ce qui est arrivé à Anna, Étienne va amorcer un virage à 180 degrés et encore une fois, changer de vie.
Son enquête va donc le conduire à Elbeuf, ancienne ville drapière où la fin de l’industrie textile a peu à peu transformé la ville en un territoire déprimant. Pour se fondre dans le décor, Rozier va intégrer une agence d’intérim qui va l’envoyer dans une société d’entretien de bureaux et d’entreprises, Demain.
Au cœur des travailleurs précaires
Renouant avec le polar, Hervé Commère propose avec Dernier cri une plongée dans une petite ville française délaissée par les entreprises où les habitants essayent de survivre comme ils peuvent, en acceptant tous les boulots, surtout ceux que le reste de la population ne veut pas faire. Les descriptions justes d’Elbeuf entraînent les lecteurs dans cette localité normande, trop loin de Paris pour faire partie de sa banlieue et profiter de son rayonnement. L’auteur, normand d’origine, offre un éclairage saisissant de cette petite commune qui ressemble à tant de villes françaises.
Le héros de l’intrigue d’Hervé Commère est un protagoniste que le lecteur suivra malgré ses actes et ses choix, et sa fuite sera peut-être comme une quête de rédemption. Pour contrebalancer le cynisme d’Etienne Rozier, Hervé Commère propose une nouvelle fois, une galerie de personnages forts et attachants, notamment les nouveaux contacts qu’il va se faire en arrivant à Elbeuf, Niki, Stéphanie, Christian. Et sa vie à Elbeuf va permettre aux lecteurs de découvrir son enfance et adolescence, des souvenirs que Rozier aurait préféré oublier.
Après une première partie très rythmée, Hervé Commère pose son récit et déroule plus patiemment le fil de son intrigue dans une seconde partie consacrée à des thématiques plus sociales. Parfaitement documenté, Dernier cri montre l’envers d’un décor que la société refuse souvent de voir et accorde une seconde chance à son héros.
