La lecture du communiqué syndical concernant l’état des lieux de la négociation en cours avec les propriétaires pour la restructuration du groupe Nice-Matin fait bien comprendre que la situation est au bord du gouffre.
Face à la rémission des salariés pourtant prêts à trouver une solution pour éviter un plan social qui s’apparente à une véritable boucherie, ce ne sont que des « non » de la part des représentants de la propriété. L’arrogance se confond avec la force en menaçant avec le chantage de la faillite.
En réalité, le but recherché est évident : Embellir la société avec un beau maquillage des comptes (En technique bancaire, on appelle cela Window Dressing) pour pouvoir la présenter à des investisseurs qui , comme son nom l’indique, ne mettent pas d’argent dans une affaire avec la certitude de le perdre. Normalement, c’est même plutôt le contraire.
La vérité, et de fait le problème, vient du fait que la propriété veut que la facture de cette cure de beauté soit payée par les salariés. On appelle cela, la privatisation des profits et la publication des pertes. Une belle formule malheureusement trop souvent appliquée ces temps derniers ! Mais, laissons de côté la morale, c’est presque donner de la confiture aux cochons.
On comprend les salariés qui vivent, depuis pas mal de temps maintenant, avec ce sentiment d’incertitude permanente. Mais, c’est quand l’avenir est sombre que peut jaillir la lumière, que le désespoir peut se transformer en courage et que la nécessité fait naître de nouvelles idées innovantes. La logique veut que pour savoir où aller, il faudrait toujours savoir d’où on vient.
Si un journal est un outil d’information indispensable au bon fonctionnement de la démocratie, si cette démocratie risque d’être privée de son droit à l’information, alors pourquoi ne pas réagir en citoyen responsable et imaginer une aventure collective à engagement durable ?
Pourquoi ne pas sauter l’obstacle au lieu d’essayer vainement de le contourner, les actuels salariés en première place, et proposer à cette propriété pour laquelle le journal n’est qu’un produit et des chiffres, une solution de rechange ? Comment direz-vous ? Rien n’est pourtant impossible…
Pourquoi pas, par exemple, en constituant une SCIC qui est une société cooperative* dans laquelle peuvent devenir partenaires des salariés, des clients, des bénéficiaires, des financiers mais aussi des collectivités locales qui pourraient financer au grand jour au lieu de le faire, comme elles le font déjà, au travers de l’abondante contribution sous forme de publicités ?
Tous ces coopérateurs composent l’assemblée générale. Ils participent aux décisions d’orientation de la société, notamment l’élection des dirigeants, l’approbation des comptes et l’affectation du résultat..
Ce multi-sociétariat n’empêcherait nullement de gérer le groupe avec autant d’efficacité économique (Pourquoi pas même avec une réorganisation s’il le faut, mais avec le but de relancer le groupe et non pas pour simplement lui couper les coûts comme les têtes.) avec un management indépendant et dans le but de l’intérêt général.
Simple ? Non, au contraire très compliqué parce que le premier obstacle sera la propriété actuelle : On peut même parier que cette activité qui, aujourd’hui ne tiendrait plus la route, un trou financier à leurs dires, deviendrait subitement un élément de valeur ? « Per aspera ad astra » (disaient les latins), rien n’est facile si on veut sortir de l’impasse et l’alternative sera d’y laisser le moins de plumes possibles !
Mais, peut-être cette modeste proposition (Que d’autres personnes bien plus compétentes pourront affiner et rendre compatible avec la situation en jeu) mérite d’être considérée, si on veut éviter la déroute qui s’annonce à l’horizon face à une propriété sans la moindre morale.
D’ailleurs les faits, au passé comme au présent, sont là et valent plus que mille paroles. Déjà en 1904, le fameux économiste et père de la sociologie moderne Max Weber appelait à la Sozialokonomische Wirstenschaft (L’économie sociale ).
Ces initiatives socio-économiques, quelles que soient les appellations, sont parties prenantes d’une nouvelle économie politique qui reconnaît l’importance du social dans l’économique, qui rend visible et légitime des initiatives de la société civile et qui, plus récemment, reflète la demande des citoyens pour une économie plus responsable.
Dans cette visée, l’économie sociale est de plus en plus reconnue, non seulement pour elle-même, mais aussi pour son potentiel de transformation de la société et de l’économie, notamment par sa capacité de matérialiser le changement et une nouvelle forme de propriété.
A ce qui doutent , on aimerait rappeler que, dans le film les Révoltés du Bounty, le placide botaniste répondant au (méchant) capitaine qui s’étonnait de le voir passer dans les files des mutins en lui demandant » Vous aussi ? » Réponse : « Avec une personne comme vous, on n’a pas le choix. ».
D’accord, ce n’était que le scénario d’un film mais …