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21 novembre 2024

L’Union Européenne en quatre questions

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12etoilb-2.jpg Fabrice LACHENMAIER, Directeur de l’association Idées Nouvelles Europe et Président du Mouvement européen des Alpes-Maritimes répond aux questions de Nice-Première sur la suite à donner au référendum du 29 mai 2005. Il livre ses espérances pour valoriser à nouveau le débat sur la construction européenne.

Nice-Première : Le 29 mai 2005, les Français ont dit non au TCE, que disiez-vous il y a un an et que dites vous aujourd’hui avec un an de recul?

Fabrice LACHENMAIER : Je préconisais de dire Oui à un texte fondateur d’une nouvelle façon de travailler en Europe. Ce texte a pour objectif de recentrer le projet européen autour du citoyen en accordant par exemple à la Charte des droits fondamentaux un caractère législatif ou en reconnaissant le rôle co-décisionnel du Parlement européen. Bien sûr, « constitutionnaliser » la partie 3 sur les politiques était discutable. Une constitution doit être un outil de travail pour les représentants élus qui décident ensuite, avec leur légitimité populaire, de mettre en place les politiques qui correspondent à la sensibilité majoritaire. La Constitution n’est ni de droite, ni de gauche… Je suis partisan d’un nouveau texte centré sur les avancées indiscutables et issues d’une convention. Il pourrait être voté le même jour par tous les Européens. Concernant les Traités existants qui forment la fameuse partie trois, ils restent en l’état et le Non à la Constitution ne permet pas de les remettre en cause. Le Mouvement européen des Alpes-Maritimes que je préside lance un appel pour un nouveau Traité afin que l’Europe puisse poursuivre son développement avec la présence française et que l’on évite ainsi la situation de blocage institutionnelle vers laquelle on se dirige en poursuivant les élargissements successifs. Depuis un an, la vie du Traité a connu des rebondissements. Quinze pays l’ont ratifié par voie référendaire ou parlementaire. Le processus de ratification est toujours d’actualité et les Chefs d’Etat, avec raison, ne souhaitent pas abandonner le projet d’une Constitution pour l’Europe. Le référendum a été utilisé pour engager un débat de politique intérieure française et les enjeux européens n’ont pas été traités, à mon sens, de manière satisfaisante. Je suis content toutefois de constater, à travers les derniers sondages, que les Français restent extrêmement favorables à la construction européenne. Je continue à penser qu’il faut dire Oui à un traité constitutionnel. Oui à une constitution parce que quoi qu’on en dise l’Europe fonctionne bien. Depuis le premier traité signé à Rome en 1957, nous vivons une période de paix et de prospérité exceptionnelle au regard de plus de 2 000 de guerre et de troubles. Oui à une constitution parce que je suis plus rassuré de savoir que se sont 25 états membres qui veillent sur « ma démocratie » et nom plus un seul. Peut-on imaginez que 25 Etats dérivent tous ensemble et en même temps vers un totalitarisme ? Oui à une Constitution parce que l’Union fait la force et si nous voulons garder la maîtrise de nos choix dans l’avenir, nous ne pouvons le faire que tous ensemble. Que peut la France seule face aux nouveaux « mastodontes » géopolitique et économique qui se mettent en place : la Chine, l’Inde, la Russie.

Nice-Première : Le débat sur l’Europe fut très présent. Les politiques ont su intéresser les citoyens. Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui, le sujet « Européen » soit tabou?

Fabrice LACHENMAIER : Je ne crois pas que l’Europe soit un tabou pour la population en général. En revanche, dès le référendum passé, les politiques ont repris leur discours habituel « je ne peux rien faire, c’est la faute à l’Europe », les médias ont replongé dans les sujets consensuels sous prétexte que « l’Europe ne fait pas vendre ». Seuls les enseignants ont poursuivi un effort de pédagogie avec la journée de l’Europe du 9 mai. Si les hommes politiques ont surfé sur l’actualité européenne, c’était pour mesurer la température de l’électorat en vue d’enjeux nationaux à venir.
C’est vrai, le débat sur l’Europe a toutefois été présent grâce notamment à des initiatives citoyennes : Idées Nouvelles Europe, dont je suis le directeur, a réalisé dans les Alpes-Maritimes, une vaste campagne de communication multisectorielle insistant autant sur l’information que sur la formation aux sujets européens. C’est parce que les citoyens ont réclamé un débat sur l’Europe que la classe politique a été obligée d’aborder cette question sous des angles nouveaux : l’Europe sociale, les délocalisations, la mondialisation, la démocratie participative, l’élargissement…

Nice-Première : Qu’est-ce que le « non » Français a changé?

Fabrice LACHENMAIER : Je constate tout d’abord notre marginalisation au niveau des institutions : la présence française s’est amoindrie aux postes de responsabilité et cette tendance s’est accélérée cette année. Le Non français a également perturbé l’ensemble du calendrier européen de ratification et une large période de réflexion a été proposée. Nous vivons une petit crise institutionnelle, mais il ne faut pas faire de catastrophisme : le refus français ne gêne en rien les travaux de la Commission (qui a la légitimité accordée par les Etats) et du Parlement (qui a la légitimité populaire). L’Europe poursuit sa construction avec les traités en vigueur et selon les règles établies.

Nice-Première : Quel est votre plan B pour relancer le débat?

Fabrice LACHENMAIER : Je n’ai pas de plan B, mais adhère pleinement au plan D de la Commission européenne pour « Débat, Démocratie, Dialogue ». Il s’agit d’alimenter la réflexion sur l’Europe que nous voulons construire. Cette grande consultation prend la forme de débats publics, de publications, de forums internet. Les institutions reconnaissent par ailleurs qu’il convient de renforcer la communication et la transparence sur leurs méthodes de travail et les politiques mises en oeuvre. En France, le rapport du député Herbillon (commandé par le Premier ministre au lendemain du 29 mai) intitulé « la fracture européenne » propose 40 pistes innovantes pour pérenniser le débat sur l’Europe : j’attends avec impatience qu’elles soient prises en considération. Je pense qu’il convient d’attendre que tous les pays se soient prononcés sur la ratification pour proposer un plan B qui puisse faire l’unanimité. Il s’agira probablement d’un nouveau texte de Constitution, plus court et synthétique. En revanche, j’aurais aimé que les tenants du Non puissent nous présenter leur plan B, c’est le moment ou jamais de nous dire quelle Europe ils souhaitent…
Le débat doit se poursuivre en Europe. Il est inconcevable de ne demander aux citoyens leur avis que tous les dix ou quinze ans sur un projet structurel aussi important pour leur vie quotidienne. Il nous faut élaborer un règlement intérieur de la copropriété « Europe » pour envisager ensuite les politiques qui nous permettront solidairement de maintenir notre position dans la compétition mondiale.
Pour alimenter ce débat, il faut une mobilisation citoyenne générale. J’invite au militantisme actif en rejoignant par exemple le Mouvement européen, une association pluraliste née au lendemain de la seconde guerre mondiale qui est à l’origine de la création des Institutions européennes, et à participer aux activités d’Idées Nouvelles Europe (www.ideesnouvelles.com), une association de proximité basée dans les Alpes-Maritimes qui développe des projets éducatifs et culturels notamment en milieu scolaire.
Il faut aussi développer des initiatives qui permettent de poursuivre la discussion avec le grand public. Nous venons de lancer une pétition pour un Service Civil Européen pour les jeunes volontaires qui souhaitent vivre une expérience de solidarité en Europe dont les résultats peuvent être valorisés dans un CV. Cette pétition a déjà recueilli des centaines de signatures (www.mouvement-européeen.org). Je reste donc très optimiste sur l’évolution du débat en France.


Robert Injey, conseiller municipal communiste, parle à son tour du référendum et analyse par le contexte actuel la défiance au sujet de la construction européenne.

Nice-Première : Le 29 mai 2005, les Français ont dit non au TCE, que disiez-vous il y a un an et que dites vous aujourd’hui avec un an de recul?

P1017647_Small_-2-4.jpg Robert Injey : Il y a un an la victoire du NON marquait le retour du Peuple dans le débat politique. Spolié depuis des décennies d’un véritable débat touchant à la construction européenne -et malgré un matraquage de la quasi-totalité des médias et de 80% de la classe politique- , une majorité de notre peuple, en particulier à gauche, a su se mobiliser pour dire NON à un projet de constitution qui voulait graver, dans le marbre, les politiques libérales pour « l’éternité ».
Un an après, les tenants du OUI, qu’ils soient de gauche ou de droite, ne semblent pas avoir compris le message. C’est l’acharnement de la droite, pourtant sanctionnée en 2004 et 2005, à vouloir mettre en œuvre sa politique de régression sociale. C’est le refus de la direction du PS de rompre réellement avec la logique qui a mené la gauche à l’échec en 2002, mais aussi Schröder en Allemagne et Blair en GB.
Cette victoire du NON marque non pas le rejet de l’Europe, mais celui d’une conception de l’Europe où l’Humain est sacrifié au profit des exigences des marchés financiers.
Un rejet du libéralisme que nous retrouvons avec la formidable mobilisation et la victoire pour le retrait du CPE…

Nice-Première : Le débat sur l’Europe fut très présent. Les politiques ont su intéresser les citoyens. Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui, le sujet « Européen » soit tabou?

Robert Injey : Le sujet « Européen » est tabou car face aux questions posées (la construction d’une autre Europe que celle des marchés financiers…), une partie de la classe politique préfère esquiver les questions sociales et jouer de la surenchère sur les thématiques telle que l’insécurité ou l’immigration. Incapable de répondre à l’attente sociale l’UMP joue sur les peurs et les divisions et il est inquiétant que des personnalités de gauche rentrent dans cette logique.

Nice-Première : Qu’est-ce que le « non » Français a changé?

Robert Injey : Pour la première fois depuis plus de vingt ans il y a eu une majorité à gauche pour refuser de s’inscrire dans la logique des politiques que nous subissons. Les dogmes libéraux, que la gauche au pouvoir n’a jamais voulu remettre en cause, ont été rejetés. Et dans les débats qui ont animé la campagne référendaire (plus de 150 réunions publiques pour les Alpes-Maritimes), des femmes et des hommes se sont retrouvés non seulement pour rejeter le projet constitutionnel mais aussi pour travailler à une autre alternative politique. Travail qui a été concrétisé par l’adoption d’une charte anti-libérale à la mi-mai.

Nice-Première : Quel est votre plan B pour relancer le débat?

Robert Injey : Pour relancer le débat, il faut aborder la question de quelle alternative à gauche pour rompre avec le libéralisme. Aujourd’hui le programme de l’UMP et du PS, au-delà des nombreuses différences, s’intègrent l’un et l’autre totalement dans la construction libérale de l’Europe. Comme si rien ne s’était passé le 29 mai 2005.
Pour les communistes il ne s’agit pas de trouver un plan B pour sauver quelque chose qui a été rejeté. L’ambition est tout autre, nous voulons prolonger la dynamique du NON de gauche pour créer les conditions en 2007 d’une véritable alternative aux politiques libérales.
Cela passe par : l’élaboration d’un contenu et la charte antilibérale est une première base, une démarche pour rassembler toute la gauche et enfin des candidatures communes à l’élection présidentielle et aux législatives pour incarner ce rassemblement anti-libéral. Concernant l’élection présidentielle pour incarner ce rassemblement les communistes mettent en débat la proposition de la candidature de Marie George Buffet.


Jean-Christophe Picard, porte-parole départemental du Parti Radical de Gauche, répond aux quatre mêmes questions.

Nice-Première : Le 29 mai 2005, les Français ont dit non au TCE, que disiez-vous il y a un an et que dites vous aujourd’hui avec un an de recul ?

picard-2-2.jpg Jean-Christophe Picard : Bâtisseurs de l’Europe avec Maurice Faure – qui signa, en 1957, le Traité de Rome – les radicaux de gauche ont naturellement fait activement campagne pour le Oui… Nous avons pris acte avec une profonde tristesse du résultat. Avec le recul, nous sommes fiers de ne pas avoir cédé à la facilité et d’avoir tenté de donner à ce débat la hauteur qu’il méritait.

Nice-Première : Le débat sur l’europe fut très présent. Les politiques ont su intéresser les citoyens. Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui, le sujet « Européen » soit tabou?

Jean-Christophe Picard : A l’approche des élections présidentielle et législatives, et dans la perspective de gouverner ensemble, les partis politiques cherchent plutôt à se rapprocher qu’à se diviser ; ils évitent donc les sujets qui fâchent… Je ne trouve pas cela anormal car ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord sur la question européenne que nous sommes en désaccord sur tout.

Nice-Première : Qu’est-ce que le « non » Français a changé ?

Jean-Christophe Picard : L’image de la France comme « moteur de l’Europe » a été pour le moins écornée… Et puis, notre crédibilité en a pris un coup : il est difficile d’expliquer aux autres pays que les français ont refusé un texte rédigé par une commission présidée par… un français !

Sinon, il est à craindre que la construction européenne continue sans nous…

Nice-Première : Quel est votre plan B pour relancer le débat ?

Jean-Christophe Picard : Je crois qu’il faut, aujourd’hui, se battre pour créer, à terme, une assemblée constituante européenne, composée de députés élus spécialement pour rédiger un vrai projet de constitution ; celui-ci devra, ensuite, être soumis, le même jour et dans tous les pays membres, à l’ensemble des citoyens européens. Je suis très heureux – voire un peu fier – que cette idée que j’ai défendue en interne ait été reprise par mon parti et figure désormais dans notre programme.

En outre, pour faire avancer l’idéal européen, je pense qu’il est nécessaire de créer les outils adéquats, c’est-à-dire des grands partis européens capables de peser sur les opinons publiques des vingt-cinq pays membres. C’est un travail de longue haleine…

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