Le plan prévoyait l’interdiction totale du tabac dans les lieux publics et notamment dans les bars, restaurants et établissements de nuit. Face aux lobbies et à la crainte de nouvelles manifestations, Dominique De Villepin a décidé… de ne rien décider. En attendant, qu’en pensent les Niçois ? Sont-ils prêts à bannir la cigarette des établissements publics ?
Sur le thème de l’interdiction du tabac dans les lieux publics, les avis divergent clairement. Côté particulier, on constate un certain défaitisme chez les fumeurs. Emmanuelle, par exemple, a 25 ans. Elle ne sait pas quoi penser de cette loi. Elle ne s’est même jamais posée la question puisque, de toute façon, la loi passera et elle s’y soumettra. Adil aussi respectera la loi, même s’il avoue être « un peu contre ». En tout cas, le sujet soulève les passions. Lorsque l’on interroge les patrons, ce sont parfois les clients qui ont les mots les plus durs. Jason est anglais mais il vit à Nice. C’est un habitué d’un bar-tabac du Vieux Nice. Il est à 100% contre l’interdiction de la cigarette dans les lieux publics et le fait savoir. Pour lui, cette loi est liberticide. « Si j’ai envie de me tuer, qu’on me laisse faire. Personne ne me dicte ma vie ! Il y a des choses beaucoup plus importante que cette loi anti-tabac. Moi, j’ai failli me faire renverser plusieurs fois par des gens qui téléphonaient en conduisant. » Et il n’hésite pas à déclarer : « Je ne donne pas 50 ans à la France avant qu’une guerre n’éclate. » Ca a le mérite d’être dit. Tony, son compagnon de bar, est de son avis. Il pense que la parade serait de faire des restaurants réservés aux fumeurs ou d’ouvrir des établissements privés. Que ceux qui veulent venir viennent et en acceptent les conséquences.
Serge, le gérant du bar-tabac, soutient ses clients. « Le gouvernement ne respecte pas ceux qui travaillent. Il décide pour tout le monde que c’est comme ça et pas autrement. En ce moment, on veut que tout le monde soit non-fumeur car ça fait bien. Et nous, comment on fait pour travailler ? Déjà que dans mes publicités pour les cigarettes, y’a des numéros pour se faire aider pour arrêter de fumer. C’est comme si, dans une boucherie, vous voyiez une pub pour devenir végétarien ! » En définitive, Serge veut que les patrons aient la possibilité de choisir ce qu’ils feront de leur établissement.
Attablé tranquillement en terrasse d’un café, la cigarette à la bouche, Hervé affirme que ce plan anti-tabac ne passera pas. « C’est impossible ! Personne n’irait plus en boîte. Les Français veulent fumer. Ca passera peut-être dans 50 ans mais pas maintenant. » Il a d’ailleurs un exemple éloquent ; un ami à lui a ouvert une discothèque pour non-fumeurs à Montpellier… La boîte a coulé ; pas de clientèle. Alors, pour l’instant, Hervé prône le respect mutuel. « Moi je ne bois pas et je ne supporte pas l’alcool. Quand je sens l’haleine de quelqu’un qui a bu, ça me donne envie de vomir. Et pourtant je ne leur demande pas de dégager ». Lui, n’accepterait pas le fait de devoir fumer dehors en plein hiver. Les non-fumeurs devront alors accepter de respirer la fumée toxique d’Hervé.
Mais tous ne sont pas de cet avis. Bernard, un ami d’Hervé, pense que l’interdiction totale de la cigarette dans les lieux publics est une bonne chose. « C’est sûr que les buralistes vont en pâtir mais je ne pense pas que les bars et restaurants vont perdre de la clientèle. Il y a toujours des gens qui râlent mais ça ne durera qu’un temps ».
Un autre partisan du pour : Jacques. Il boit tranquillement son café dans la rue piétonne. « Je suis à fond pour cette loi ! Déjà, je ne fréquente que les bars non-fumeurs ou ceux qui ont une terrasse. Ce projet est surtout important pour les jeunes car, quand on a 16 ans, on ne prête pas attention à ceux qui nous disent qu’on aura un cancer dans 20 ans. » Par contre, il se dit très déçu du comportement du gouvernement. « Ils ont repoussé le problème par peur des résultats aux élections. Mais regardez la loi sur l’abolition de la peine de mort en 1981. Cette peine existerait toujours aujourd’hui si le gouvernement avait écouté les Français de l’époque ! »
Côté pour, on a aussi un bon nombre de gérants de bars contrairement à ce que l’on aurait pu penser. Patrick est propriétaire du Café de Lyon, avenue Jean Médecin. Il le dit lui-même, il risque d’être mal vu par ses confrères mais il est pour cette loi. « Les autres sont contre car ils pensent qu’ils vont perdre de la clientèle. C’est vrai qu’un grand nombre de mes clients sont fumeurs mais je pense que, grâce à cette loi, beaucoup retrouveraient les bars. Des familles ou des gens incommodés par la fumée nous évitent actuellement. » Un autre Patrick est exactement du même avis. Lui est serveur au Mirador dans la rue piétonne. Le bar a déjà interdit le tabac à l’intérieur. « Les gens viennent exprès pour ça. Alors on ne craint pas du tout la perte de clientèle ».
Sur la Promenade, Denis travaille au Mississippi. L’établissement a séparé les fumeurs des non-fumeurs, mais certains se plaignent parfois encore de la fumée. Alors Denis est pour la loi anti-tabac. « Aujourd’hui je suis non-fumeur. Mais je sais que j’aurais accepté la loi même au temps où j’étais fumeur. Je ne pense pas que cela fera baisser la clientèle. Les gens qui aiment l’établissement continueront à y venir. Et même si je pense que cette loi ne tardera pas à passer, je constate qu’une fois de plus le gouvernement a baissé la culotte face aux pressions! »
Et pour « rassurer » les bars-tabac qui se font du mouron avec cette loi, tout le monde est d’accord pour affirmer que ce qui fait baisser le nombre de fumeurs, c’est surtout le prix du paquet de cigarette !