Nice Premium : Guillaume, peut-on vous appeler monsieur météo Nice ?
Guillaume Séchet : Ce serait un peu prétentieux de ma part, d’autant que je ne suis pas de la région (même si mes parents s’y sont installés pour leur retraite !). Toutefois, avec les techniques actuelles, il n’est pas nécessaire de se trouver sur le lieu même pour pouvoir réaliser une prévision météo. Grâce à internet, aux webcams, aux stations météo, à un outil de travail élaboré et à une bonne connaissance de la géographie, nous pouvons suivre très précisément la situation météo en temps réel sur la région. De plus, je suis prévisionniste pour l’ensemble de la France depuis plus de 12 ans et je sais à quel point le climat de la Côte d’Azur n’est pas forcément facile à prévoir (voir www.meteo-nice.org…
La proximité de la Méditerranée (mer chaude et assez imprévisible) et de la montagne ainsi que sa situation abritée font que la région connaît sans doute la plus grande variété de climats en France (avec la Corse). De nombreux phénomènes météo tels que les nuages bas, les orages ou le vent ne peuvent être prévus avec précision que quelques jours ou même seulement quelques heures à l’avance, d’où la nécessité d’être précis et l’utilité d’un bulletin très souvent réactualisé comme celui que nous NP : proposons.
NP : Présentez-nous vos activités ?
GS : Je suis météorologiste… (qui l’aurait cru ?). Mon parcours n’est pas très commun. Tout en étant prévisionniste, j’ai présenté la météo pendant 12 ans à La Chaîne Météo. En parallèle, depuis 4 ans, je suis également le webmaster de meteo-paris.com. Au départ, il s’agissait de mettre en ligne ma station météo (la seule station parisienne diffusée en permanence sur internet). Et puis j’ai proposé mes prévisions météo. Etant très passionné, le site a rapidement pris de l’importance à tel point qu’il est devenu le 1er site météo pour l’Ile-de-France en seulement l’espace de 2 ans. J’ai ensuite crée le même concept pour la station de sports d’hiver de Chamrousse et là encore, le succès fut très rapide. J’ai donc décidé d’ouvrir 9 autres sites pour les plus grandes agglomérations françaises (hormis Toulouse et Strasbourg). Ils sont en ligne depuis la fin du mois de juillet et là encore, ça démarre très fort… Il faut dire que nous proposons un service gratuit d’une qualité inégalée sur internet dans la mesure où il s’agit pratiquement d’un suivi de la situation en temps réel. Nous n’hésitons pas à réactualiser les infos autant de fois que nécessaire. Je suis le principal webmaster mais d’autres collègues travaillent avec moi et nous avons des correspondants locaux qui n’hésitent pas à nous signaler la présence ou l’arrivée de tel ou tel phénomène. 11 villes bénéficient actuellement de ce service unique : Paris (meteo-paris.com), Chamrousse (meteo-chamrousse.com), Nice (meteo-nice .org), Marseille (www.meteo-marseille.com), Lyon (www.meteo-lyon.net), Grenoble (meteo-grenoble.com), Metz (www.meteo-metz.com), Lille (meteo-lille.net), Rouen (meteo-rouen.com), Nantes (meteo-nantes.net) et Bordeaux (meteo-bordeaux.com).
NP : Comment se déroule pratiquement une prévision météo
?
GS : Pour prévoir le temps, un météorologiste utilise des modèles météo qui simulent l’atmosphère. En diagnostiquant l’atmosphère (état passé et présent) et à l’aide d’équations mathématiques sur la mécanique des fluides, l’ordinateur sort des cartes de situations météo prévues. Le rôle du prévisionniste météo est d’interpréter et de traduire ces cartes de façon à savoir quel temps il fera. Pour meteo-nice.net, nous analysons plusieurs modèles météo, nous les comparons et nous rédigeons des bulletins au moins une fois par jour. Lorsque la situation le nécessite, il nous arrive de réactualiser les prévisions 5 à 10 fois dans la même journée (notamment lors du passage d’une zone de mauvais temps).
NP : Comment avez-vous vécu météorologiquement cet été azuréen ?
GS : Comme nous avons 11 sites météo répartis à travers la France, nous pouvons comparer objectivement le temps qu’il fait partout au même moment et dans la durée. Et là, ce fut évident… Même si la Côte d’Azur n’a pas connu un été très chaud, les conditions météo ont été de très loin bien plus agréables que partout ailleurs en France. C’était même souvent caricatural. Alors que Lille, Metz, Rouen ou Paris en étaient à leur 10eme journée de grisaille, Nice profitait d’un soleil éclatant… Tout le monde sait que les régions Méditerranéennes et particulièrement la Côte d’Azur, connaissent un climat à part mais ceci est particulièrement évident lorsque les étés sont frais et pluvieux au niveau national. Les Pyrénées, le massif central et surtout les Alpes protègent alors très efficacement la côte des perturbations venues de l’Atlantique. Lorsque le vent de nord-ouest se met à souffler, il passe par-dessus les montagnes et assèche l’air qui devient très limpide. Ce sont alors les journées les plus agréables et elles ont été nombreuses au cours de cet été. La caractéristique de l’été 2007 est la constance du soleil et d’une chaleur agréable (pas excessive). Bref, pour beaucoup, l’été 2007 a été un bon cru sur la Côte d’Azur alors que le mauvais temps faisait la une des journaux nationaux…
NP : Quelles sont vos prévisions pour les mois à venir ?
GS : Très difficile à dire… Depuis quelques mois, les scénarios sont si divergents qu’il est impossible de savoir quelle sera la tendance pour l’automne et l’hiver (même au niveau européen). Et comme il est déjà difficile de prévoir le temps à courte échéance pour la Côte d’Azur… vous imaginez pour l’hiver… Je vous invite à consulter régulièrement ce lien (https://www.meteo-paris.com/france/previsions-saisonnieres.php) car sur nos sites, les prévisions saisonnières sont réactualisées aussi souvent que possibles. Nous aurons certainement davantage d’éléments dans le courant de l’automne.
NP : Plus généralement, comme jugez-vous le comportement climatique mondial ?
GS : Assez inquiétant, même s’il faut faire la part des choses. Nous connaissons effectivement une hausse des températures depuis la fin du 19ème siècle mais surtout depuis 1988 où cette tendance s’accélère. En France, nous avons également connu 4 évènements météo majeurs en seulement 7 ans (les tempêtes de Noël 1999, la canicule d’août 2003, la canicule de juillet 2006 et la douceur historique de l’automne-hiver 2006/2007). Ces évènements sont majeurs car leur durée de retour atteint plusieurs siècles. En revanche, nous attribuons trop d’évènements au réchauffement climatique car très peu de gens connaissent le climat du passé (même récent) et les médias en rajoutent de plus en plus. Je me suis spécialisé dans ce domaine et je suis l’auteur de 2 ouvrages (bientôt 4). Dans « Quel temps ! », chronique sur les évènements météo en France depuis 1900, on est surpris de voir à quel point le climat peut être violent (même pour un pays tempéré comme la France et pas seulement au cours de ces dernières années). Cette banque de données unique sur les évènements climatiques (fruit d’une recherche personnelle) est disponible gratuitement sur meteo-nice.org (climatologie/chronique depuis 1850).
NP : Enfin, doit-on craindre des grands changements dans les années qui viennent ?
GS : Très probablement… mais là encore : attention car l’homme aime se faire peur. Tout ceci ne se fera pas du jour au lendemain, même le réchauffement que nous connaissons depuis vingt ans et qui va à priori se poursuivre est très rapide. Comme c’est pratiquement du jamais vu et que nous n’avons pas suffisamment de recul sur la question, nous ne savons pas précisément comment la machine climatique et la nature vont réagir. On le découvre plus ou moins au fur et à mesure.
