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21 novembre 2024

Le Diable s’habille en Prada, de David Frankel

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diable.jpgLe Diable s’habille en Prada, -le film, le roman mais avant tout la vie de l’auteur Lauren Weisberger- n’est pas destiné, en priorité, aux passionnés de haute couture. Il évoque le pouvoir de fascination exercé par certaines personnes. Il rappelle l’allégorie d’Icare, qui se brûle en s’élevant trop près du soleil. Le soleil en question n’est autre que Miranda Priestley, rédactrice de mode, incarnée avec magnificence par Meryl Streep (« Petites confidences (à ma psy) » ; « un crime dans la tête »). Bien que fiction, l’intrigue s’inspire largement de la réalité : Lauren Weisberger a été l’assistante personnelle d’Anna Wintour, éditrice de Vogue, à la réputation tyrannique.

Véritable icône de la mode, elle règne sur ce monde d’un glamour vénéneux. Ce démon en talons aiguilles dirige le magazine Runway. Ses exactions poussent à s’interroger : cet être cruel et sans scrupules est-il vraiment humain ? Meryl Streep développe ce personnage adepte du harcèlement moral, principalement sur ses deux assistantes. Emily (Emily Blunt : « My summer of love ») la plus ancienne, dont l’existence est entièrement consacrée à la mode, se dévoue corps et âme à son bourreau. La seconde, Andrea (Anne Hathaway : « Le secret de Brokeback Mountain »), n’a aucune obédience envers la mode. Mais pour s’assurer une carrière dans le journalisme, elle accepte de vendre son âme et d’enterrer ses principes. Son travail consiste à appréhender et à réaliser, dans les plus brefs délais, les caprices, parfois des plus incongrus, de leur diabolique patronne (dénicher un opus inédit de J.K. Rowling, remuer ciel et terre pour un repas dont elle ne voudra finalement pas, par exemple). Ces esclaves filiformes ne recevront aucune reconnaissance en retour. Mais elles écoperont en revanche de reproches glaciaux en cas de retard d’exécution des tâches et d’un renvoi pur et simple au premier échec. Ces deux existences mises au service 24h sur 24 de leur patronne, perdent peu à peu tout amour propre et vie privée. Cette épreuve va dégrader le corps de l’une et faire mourir l’esprit critique de l’autre.

Meryl Steep © Twentieth Century Fox France
Meryl Steep © Twentieth Century Fox France

La mode, comme toute œuvre d’art, attire ou répugne, mais ne laisse personne indifférent. La haute couture se nourrit avant tout de passions, alimentées d’un goût irraisonné pour l’alliance des couleurs, des textures et des formes. Tel un scientifique, le styliste reconnaît du premier coup d’œil, le modèle, la marque et la composition. Que l’on le veuille où non, ces artistes déjantés sont à l’origine des vêtements portés par le grand public. Si on admet que la beauté d’une création demeure purement subjective, est-elle un prétexte pour accorder à l’artiste une valeur supérieure au commun des mortels ? Qui peut dire que l’imagination de Miranda Priestley disparaîtrait si on l’a privait de souffres douleurs ?

L’héroïne, Andrea, constamment sous tension, se perd dans la schizophrénie. Mais le film a malheureusement renié la crise ultime, cerise sur le gâteau, pourtant axe important de l’œuvre, qui va lui permettre de revenir à la réalité. Le roman lui impose un choix qui va se révéler décisif : se rendre au chevet d’une amie dans le besoin et retrouver son ancienne existence ou rester auprès de Miranda, sacrifiant définitivement toute vie privée. Un passage fort qui aurait offert au film une meilleure compréhension de la personnalité de d’Andrea.

A l’instar de Bridget Jones, l’œuvre de Lauren Weisberger a été saluée par la critique. Le film, qui tend à prendre le même chemin, choisit de rester fidèle au roman, poussant la fidélité jusqu’à reprendre les dialogues clés. L’apport du film tient à l’interprétation des acteurs, en particulier Meryl Streep qui crève l’écran. Comme dans l’oeuvre d’origine, l’amour du vêtement et des accessoires de luxe est illustré par un défilé vertigineux de grandes marques. Les situations, provoquées par le décalage de ce monde décadent, se révèlent d’une cruelle hilarité. La tyrannie de l’apparence, l’enfer du corps parfait, l’idolâtrie de la chose chère et la mauvaise foi gagnent en profondeur dans ce savoureux pastiche.

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