Contrairement aux apparences, ce n’est pas « le plus vieux métier du monde ». Il faut avant tout « se renseigner », étape primordiale destinée à s’informer des lieux et les personnes.
L’ethnologue Catherine Deschamps n’échappe pas à cette nécessité. Son enquête sur le terrain de la prostitution débute en fait par cette interrogation sous-jacente : comment saisir le paradoxe de notre ignorance complète d’un monde humain, présent et agissant là sous nos yeux, dans nos villes ou nos quartiers, voire en bas de chez nous ? S’agirait-il plutôt d’une sorte d’aveuglement, un refus de voir dès lors qu’il aborde le domaine de la sexualité ? Avant de nous livrer les résultats de son enquête, elle doit elle aussi « arpenter », « rencontrer », se faire « reconnaître » et « admettre », autant de codes et de rites pour entendre et comprendre la réalité des parcours de ces femmes et ces hommes qui livrent un instant de leur corps contre un « salaire ».
Etrange découverte d’une similitude entre flux financiers et humains, ouverture des réseaux et des pays qui consacre une sorte d’absolu de la mondialisation. Mais son travail n’omet pas non plus de sonder l’intériorité de celles et de ceux qui « se vendent » tout comme il apporte aussi quelques lumières nouvelles sur ceux qui « achètent ». Au croisement du rapport commercial et de la jouissance, tant physique que psychique, la prostitution, nous rappelle Catherine Deschamps en guise d’ultime réflexion, est aussi une terrible détresse.
Catherine Deschamps, Le sexe et l’argent des trottoirs, Hachette littérature, Coll. Les docs, 234 p., 20,50 Euros.
Jean-Luc Vannier
Psychanalyste
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