Nice Premium: Luc Ferry, vous allez sortir un livre « combat de l’illettrisme », en septembre prochain en collaboration avec l’amiral Béraud où vous avez effectué un travail sur les chiffres de l’illettrisme. Quelles sont vos conclusions ?
Luc Ferry: Les résultats sont préoccupants et ils se dégradent à une vitesse accélérée. 80% des enfants qui n’apprennent pas à lire en classe préparatoire n’apprennent jamais à lire. La maîtrise de la langue écrite et orale ainsi que la civilité sont en crise dans les écoles. C’est un phénomène global qui touche, malheureusement, les pays occidentaux. Tant qu’on n’aura pas cerné les causes, on n’aura pas de remèdes efficaces.
NP: Que pensez-vous des méthodes éducatives employées ces dernières années ?
LF: Depuis plus d’une quarantaine d’années, notre enseignement est basé sur des méthodes hyperactives. Il valorise la spontanéité et la créativité de nos enfants. L’idée est sympathique mais fausse. L’éducation est un héritage culturel. Si on laisse nos enfants créer et être spontanés, cela donne les fautes de grammaire et d’orthographe.
NP: Quelles sont, selon vous, les défaillances du système scolaire ?
LF: Déjà, les exercices à trou sont un fléau. Ce sont des exercices nullissimes qui facilitent le travail des enseignants. Quant à la pédagogie du soutien scolaire de Xavier Darcos, cela n’a jamais marché. Les enfants sont encore plus découragés. Par contre, si l’enfant est délocalisé, cela peut être beaucoup plus efficace.
NP: D’après vous, quels sont les remèdes à employer ?
LF: Il faut revenir aux dictées intelligentes, c’est-à-dire avec un thème grammatical précis. Il faut aussi leur faire étudier quelques règles fondamentales de grammaire et non pas leur faire faire de l’analyse à 7 ans. Ils ont besoin de pratiquer la langue ( lecture et écriture) au moins 2 heures et demie par jour. Le remède principal serait de dédoubler les classes préparatoires afin de prendre les difficultés des élèves en main le jour même. De plus, il faudrait donner des cours du soir aux parents pour qu’ils soient capables d’aider leurs enfants.
NP: Quel est votre plus beau souvenir de CP ?
LF: (Il sourit) J’étais un très mauvais élève et je garde plus de mauvais souvenirs que de bons. Ce que j’ai beaucoup apprécié, c’est quand la maîtresse nous lisait avant la fin de la journée des contes comme celui du Chat Perché de Marcel Aymé. On était tous tétanisés et émerveillés. Je crois à ces moments de lecture qui passionnent les enfants.