Le décret anti-musulmans pris par Donald Trump choque à juste titre l’opinion publique mondiale. Mais nous, Français, sommes tristement habitués à cette logique islamophobe, car c’est celle mise en oeuvre et souhaitée, ici, par les droites françaises : amalgame volontaire entre islam et islamisme, préférence confessionnelle dans l’accueil des réfugiés, laïcité dévoyée et anti-musulmane.
Le décret Trump interdisant l’entrée aux ressortissants de sept pays musulmans (Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen) aux États-Unis en raison du risque terroriste est, comme l’ONU l’a rappelé à juste titre, contraire aux droits humains. C’est une intolérable discrimination confessionnelle.
Mais ce que fait Trump n’est pas nouveau : il fait pour l’ensemble des musulmans issus de certains pays ce que des élus français ont fait pour les réfugiés et ce que certains souhaiteraient faire pour l’ensemble des musulmans.
En effet, la logique défendue par Donald Trump et celle défendue par Eric Ciotti, Christian Estrosi, Laurent Wauquiez ou Marine Le Pen sont strictement les mêmes : « bannir » les musulmans en raison du risque terroriste.
Quand Eric Ciotti condamne les actions de solidarité de Cédric Herrou (citoyen solidaire de la Vallée de la Roya qui aide les réfugiés), c’est en appliquant la même logique que Trump : « Qui peut dire avec certitude que dans les centaines de migrants que M. Herrou se targue d’avoir fait passer ne se dissimule pas un futur terroriste ? » (Nice Matin, 30.12.2016).
Quand plusieurs élus locaux de droite, en 2015 et 2016, sur-médiatisent leur soutien aux Chrétiens d’Orient, choisissent de n’accueillir que des réfugiés chrétiens et refusent donc d’accueillir des réfugiés musulmans, c’est en appliquant déjà la logique que Trump suit aujourd’hui. Après les tentatives d’instauration de la préférence nationale par le FN, les « Républicains » instauraient, en France et dans l’indifférence générale, la préférence confessionnelle .
Le premier, dans le débat public français, à avoir affirmé publiquement que des djihadistes s’infiltraient parmi les migrants pour s’opposer à l’accueil des réfugiés n’est autre que Christian Estrosi, alors maire de Nice. Il entretient volontairement, depuis longtemps, l’amalgame entre islam et islamisme en soutenant que l’islam est incompatible avec la démocratie. Précurseur dans le processus d’extrémisation de la droite française par un processus de choc des identités cultuelles, il déclarait également que la « 3ème guerre mondiale » était engagée entre « l’islamo-fascisme » et la « civilisation judéo-chrétienne ».
Or si l’on suit cette logique jusqu’au bout, qui consiste à voir en tout musulman un terroriste potentiel, c’est l’ensemble des citoyens de confession musulmane qui est visé. Et c’est précisément le glissement sémantique qu’a opéré Marine Le Pen en substituant progressivement la figure du musulman à celle de l’immigré comme bouc émissaire et cible principale dans ses discours et dans les éléments de langage du FN.
Au fondement de la logique de Trump, Le Pen, Ciotti ou Estrosi se trouve donc l’amalgame entre islam et islamisme et l’insupportable soupçon de terrorisme jeté sur tout musulman.
Mais, pire encore, cet amalgame a été institutionnalisé sous le mandat de François Hollande, par le gouvernement de Manuel Valls et par Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur en voulant réformer l’islam de France pour lutter contre le terrorisme. En effet faire de la réforme d’une religion un outils de lutte contre le djihadisme c’est entériner l’amalgame coupable entre les croyants de cette confession et les terroristes .
Mettre au ban les musulmans en les empêchant d’entrer sur le sol américain dit Donald Trump. Bannir les musulmans de nos plages et de nos universités, disent de concert, ici, les défenseurs d’une laïcité dévoyée, dure, discriminante et anti-musulmane. Partout la même logique qui donne raison à ceux qui depuis longtemps parlent d’islamophobie. Partout le même rejet qui pousse les citoyens de confessions musulmane au repli communautaire. Partout cette logique absurde et contre productive qui fait le jeu des djihadistes.
L’actualité nous montre où nous mène cette logique et doit nous servir de leçon pour les échéances électorales à venir. Le « Muslim Ban » de Trump n’est autre que la mise en pratique de la politique souhaitée par les droites françaises, sous leurs différentes formes et différentes appellations.
Rappelons, pour conclure, les mots de Justin Trudeau, premier ministre canadien, après l’attentat terroriste qui a frappé une mosquée à Quebec avant hier : « La diversité est notre force ».
par David Nakache, Association Tous Citoyens