Le musée d’Art moderne et contemporain de Nice (MAMAC) accueille la première grande exposition muséale de l’artiste franco-vietnamienne Thu-Van Tran. Son œuvre, imprégnée de sa double-nationalité, est visible dès aujourd’hui et ce jusqu’au 1er octobre.
De l’exploration et de l’investigation de sa double culture franco-vietnamienne, Thu-Van Tran a créé une exposition qui occupe 1 000m2 au deuxième étage du MAMAC. L’exposition intitulée « Nous vivons dans l’éclat » interroge sur l’histoire commune de la France et du Viêt Nam et surtout sur leur rapport colonial passé. L’artiste au parcours international remarquable n’avait jamais eu jusqu’alors une monographie muséale si grande. Le musée a tenu à mettre en lumière son univers artistique singulier et le sens historique qu’il s’en dégage.
Fresques géantes, installations au sol, moulages, photographies, dessins, vidéos, l’artiste explore l’héritage visible et invisible de ses deux pays à travers plusieurs supports. Un héritage encore inscrit dans le langage, les corps, les paysages et les imaginaires. Certaines œuvres ont été réalisées uniquement pour cette exposition, d’autres proviennent de son travail au cours des dix dernières années.
Dans une sorte « d’urgence », l’artiste a réalisé une partie de l’exposition in situ. C’est le cas des peintures murales d’une beauté « menaçante et fascinante » allant du violet jusqu’à à l’or cuivre qui accueillent le visiteur. Le musée s’est alors transformé en véritable atelier d’artiste durant quelques semaines.
L’hévéa mis à l’honneur
Dans ces trois salles distinctes, l’aube, le midi et le crépuscule s’enchaînent et s’articulent autour du travail de l’hévéa, l’arbre à caoutchouc dit « bois qui pleure ». L’utilisation de ce matériau est hautement symbolique. « Qu’il apparaisse sous la forme précieuse de moulages de troncs, dans la trace fantomatique de ses feuilles, dans les gestes de la récolte ou dans la pure matérialité du latex, ce caoutchouc permet de convoquer une histoire : celle de la transformation d’un paysage sous l’influence grandissante d’un autre pays. »
Sur un premier niveau de lecture, le visiteur peut simplement apprécier la beauté des formes, des couleurs et des matériaux utilisés et la poésie qui s’en dégage. En allant plus en profondeur, Thu-Van Tran propose une approche allégorique de l’histoire. Elle apporte son regard sur la guerre du Viêt Nam (1955-1975), et la réinvestit de manière sensible.
Une histoire commune imprégnée du colonialisme
Elle revient notamment sur les conséquences du conflit sur l’environnement. Pendant dix ans, l’armée américaine a déversé 80 millions de litres d’herbicides. Ces épandages massifs ont aujourd’hui encore une conséquence sur la biodiversité et la santé humaine. Cette toxicité se dégage de plusieurs de ses installations tout au long de l’exposition : Rainbow Herbicides, Trail Dust, Les couleurs du gris.
L’artiste aborde « dans son ampleur la complexité et les ambiguïtés du passé. Elle révèle les traces du passé colonial français notamment en exposant des moulages réalisés à partir de sculptures à la gloire de l’empire colonial français. Avec Blue Saigon, elle expose une bâche en plastique représentant des paysages occidentaux effacés par le temps, qui servait à recouvrir des travaux dans les rues de Saigon. Ainsi, elle dénonce l’occupation française avec onirisme.