Lorsque l’on franchit le pas de la porte du cabinet de Patrick Estrade, pas de doute, nous sommes bien chez un psychothérapeute. Des étagères remplies de livres de psychologie, de sociologie ou encore de philosophie occupent son lieu de travail. Chaque rayon est étiqueté, donnant l’impression d’être dans une bibliothèque. Existe-t-il une relation entre l’Homme et le lieu dans lequel il vit ? Oui, selon Patrick Estrade : « l’ordre et le désordre ont une signification ». « Certains ont un rapport affectueux à la maison, d’autres ont un rapport masochiste ». Patrick Estrade parle alors de « transfert » en projetant sur la maison ce que l’on vit intérieurement. La façon de soigner son lieu de vie reflète la manière dont on soigne son être intérieur. D’où l’ordre qui règne dans cet endroit… Et n’existe-t-il pas de similitudes entre notre lieu de travail et notre lieu de vie ? On pourrait imaginer que le cabinet de Patrick Estrade représente « le ventre de la mère ». Métaphore dont il se sert dans son livre pour parler d’un « lieu sécuritaire ». Quel est le lien entre le ventre de la mère et la maison ? Pour répondre à cette question, il fait référence au « Traumatisme de la naissance » d’Otto Rank, psychologue allemand. « Dans le ventre de la mère, le fœtus se trouve dans un endroit chaud ». Il se sent « nourri » et « protégé ». Et lorsqu’il va naître, l’enfant va être confronté au froid. Le ventre de la mère représente donc la maison, car l’on s’y sent en sécurité. Tandis que l’extérieur constitue « un danger ». Il est également important de souligner que plusieurs masques ornent le mur à l’entrée. Parmi eux, on en distingue quelques-uns faisant partie de la « Commedia dell’arte ». Un courant théâtral italien du XVIe siècle fondé, entre autres, sur l’improvisation. Coïncidence ou pas avec la profession qu’exerce Patrick Estrade ? C’est en tout cas une qualité qu’un psychothérapeute doit avoir, puisqu’il rencontre en permanence de nouvelles personnes ayant chacune une histoire particulière et différente. Il doit alors « improviser » et s’adapter à l’individu qu’il a en face de lui. À plus de 60 ans, il a su construire sa « baraque intérieure », une expression qu’il utilise pour parler du cheminement personnel de l’Homme. Cela lui a permis de rédiger 16 ouvrages pour « Vivre mieux » ou « Vivre sa vie : comprendre, décider, agir » etc. Le dernier en date s’intitule « La maison sur le divan » dans lequel il révèle que la maison met en scène plusieurs aspects de notre personnalité. « En fait, la maison parle de moi et si la maison est sur le divan, je suis donc sur le divan moi-même ». Voici comment il explicite le titre de son ouvrage. Jovial et doté d’un profond humour, il n’hésite pas à se qualifier de « psychagogue » car, selon lui, un psychothérapeute est à la fois, un thérapeute et un pédagogue. Il s’exprime avec ses mains, comme pour mieux faire passer ses messages. Cultivé, il parle avec perfection l’anglais et l’allemand mais ponctue ses phrases par des « voyez-vous ? » ou « n’est-ce pas ? ». « Une personne cultivée se devrait de connaître 3 langues » annonce-t-il.
… Avant la psychologie
C’est aux alentours de 21 ans qu’il part en Allemagne en tant que professeur de français. Ayant également poursuivi des études de langues, il devient ensuite traducteur – interprète pour le compte du gouvernement militaire français de Berlin. Mais le métier de traducteur ne lui correspondait guère à cause de son manque de « créativité ». Il s’est donc formé à l’institut de psychologie analytique de Berlin « dans lequel on pense qu’aucune doctrine ne rend les autres superflues ». Aujourd’hui, Patrick Estrade dit qu’il fait de la « psychologie des profondeurs » traduit en allemand par « Tiefenpsychologie ». Cette doctrine s’inspire de plusieurs courants de pensée : ceux de Freud, de Jung ou encore d’Adler. Puisque le terme est moins courant en français, on emploie plutôt celui de psychologie analytique. Concept à l’origine de Jung dans lequel repose la notion d’investigation de l’inconscient. Patrick Estrade s’est également « abreuvé à la philosophie, la sociologie, la science des religions etc ». Depuis une trentaine d’années, il se passionne pour la vie des autres : « dans le métier de thérapeute, on a sans cesse une nouvelle personne en face de soi et une nouvelle histoire à comprendre ». Et « la croissance de la personnalité se fait à partir de l’inconscient », comme dirait Carl Gustav Jung.