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22 novembre 2024

Philharmonie de Nice : 100 musiciens pour 60 bougies !

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orch.nice.jpgDans le travail du chef d’Orchestre, on oppose souvent, peut-être à tort, l’avant et l’après Toscanini : liberté d’interprétation contre lecture scrupuleuse de la partition. La formation orchestrale niçoise n’aura, semble-t-il, pas échappé à cette dualité puisque son histoire fait intervenir, nous dit Marco Guidarini dans une interview, « période de rigueur, méthode nouvelle » et « pratique où le plaisir du spectacle, la jouissance de la virtuosité instrumentale l’emporte sur toute autre considération ». S’il se produit depuis 1983 dans tout le département des Alpes-Maritimes grâce à la signature d’une convention signée avec le Conseil Général, le Philharmonique s’est également illustré par sa participation aux grands festivals lyriques d’été : Chorégies d’Orange, Festival de Macerata et d’Aix-en-Provence. Sous l’impulsion de Marco Guidarini, un ensemble « Apostrophe du Philharmonique de Nice » a même vu le jour pour assurer le développement de la musique contemporaine ainsi que la création. Logique pour un Directeur musical qui place Mahler et Bartok au centre du travail de cette formation. Et qui témoigne volontiers de son souci « d’aller plus loin dans le domaine musical » évoquant des « audaces dans le répertoire ».

guadarini2.jpgPour cette soirée exceptionnelle, trois chefs d’œuvre d’orchestration, trois compositeurs issus d’une période historiquement rapprochée, avaient été sélectionnés: « Scènes alsaciennes » de Jules Massenet (1842-1912), « Concerto en sol pour piano » de Maurice Ravel (1875-1937) et la « Symphonie fantastique » d’Hector Berlioz (1803-1869).

Comme la symphonie fantastique de Berlioz, les « Scènes alsaciennes » ou « Souvenirs » de Massenet s’appliquent à mettre en notes des représentations ou des images, à illustrer un synopsis. Après tout, le premier compositeur favorisa l’entrée du second à l’Ecole française de Rome. Dans « Dimanche matin », premier mouvement de la « Suite » de Massenet, la légèreté de la flûte accompagne l’aube naissante, avant d’être débordée par la nostalgie envahissante des violons. Nostalgie pour une région tombée aux mains des Prussiens après la guerre de 1870, période d’écriture de ces « Scènes alsaciennes » jouées pour la première fois en 1882. Si le deuxième tableau « Au cabaret » rompt par son côté rustique dû à l’imposante présence des cuivres, notamment celle du cor anglais, et aux cadences à même de rappeler les folklores paysans entendus par Massenet au cours de ses pérégrinations, c’est plus particulièrement dans le troisième mouvement « Sous les tilleuls », que vont briller l’orchestre et son chef. Dans un duo d’une extrême subtilité, la clarinette (Dominique Demersseman) engage un dialogue d’une rare intensité dramatique avec le violoncelle (Zela Terry) sous la baguette d’un Chef attentif à contenir la puissance larmoyante des cordes. Signe qui ne trompe pas, le public d’où s’étaient échappées quelques velléités isolées d’applaudissement à la fin du deuxième mouvement s’abstient à l’issue du troisième, comme tétanisé par la beauté de l’instant. Le chef lui-même esquisse aux deux interprètes un sourire de ravissement en portant brièvement la main sur son cœur.

Place au « Concerto en sol » pour piano, la dernière œuvre importante de Maurice Ravel avant sa maladie cérébrale qui devait l’emporter en 1937. En trois mouvements, le compositeur nous donne aussi un aperçu de son époque, tournant entre un classicisme progressivement délaissé et une modernité musicale, pas encore complètement assumée. D’où une multitude d’influences dont celle, assez inattendue, du Jazz. On croit parfois entendre du Gershwin : rien d’étonnant puisque le compositeur américain questionnant un jour Ravel sur la condition nécessaire pour réussir une œuvre se vit simplement répondre de la part du maître « Rester soi-même » avant de l’envoyer chez le Professeur le plus influent de l’époque Nadia Boulanger. Dans le deuxième mouvement, le soliste Alain Planes offre à la salle toute l’étendue de son doigté pianistique en exécutant un thème dont les respirations rythmiques presque incertaines créent le sentiment d’une improvisation. Extraordinaire interprétation puisque Ravel lui-même en dépit de cette apparence trompeuse de simplicité, reconnaîtra des « difficultés » dans l’écriture de ces mesures. Conquis, le public exigera par ses rappels un bis, accordé par Alain Planes avec « La vallée des cloches » du même compositeur.

Plus classique, la « Symphonie fantastique » d’Hector Berlioz demeure pour son époque d’une audace musicale inouïe. « Un de ses charivaris » écrira même un critique. Inspiré conjointement d’un poème de Goethe et probablement d’une bonne dose d’opium (toujours à consommer avec beaucoup de thé, ainsi que le recommandent les Iraniens de la Caspienne…), ce poème symphonique accompagne une série de cinq tableaux oniriques où chaque détail dramatique trouve son équivalent en langage musical. De l’histoire de ce jeune artiste qui, sous l’emprise de la drogue, enchaîne les visions d’une femme aimée, d’un bal, d’un meurtre et d’un jugement qui le conduit jusqu’aux enfers, le compositeur a su exploiter toutes les capacités interprétatives offertes par les instruments. Ainsi « l’idée fixe »du rêveur, thème central progressivement introduit dans le premier mouvement est-il littéralement copié, trituré, parodié même dans le dernier. Dans le mouvement précédent, le cor anglais, et plus généralement les cuivres confirment la raide intangibilité de la justice rendue. Dans cette spirale crescendo, le final magistralement interprété donne le sentiment que le thème, tel un esprit maléfique, parcourt un à un des ensembles instrumentaux « possédés ». Le « Dies irae » tente bien de ponctuer le thème de son glas morbide, mais se laisse lui aussi finalement emporter par l’emballement de la « Ronde du Sabbat ».

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Un travail remarquable de la part de l’Orchestre et de son Chef, résultats qui ne sont certainement pas sans liens avec les multiples répétitions destinées à l’enregistrement d’un CD paru récemment chez « Talent » et intitulé « Paysages ». L’auditeur y retrouvera avec plaisir les « scènes alsaciennes » de Jules Massenet, aux côtés des « Impressions d’Italie » de Gustave Charpentier et d’une « Suite algérienne » du compositeur Camille Saint-Saëns.

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