Les conséquences terribles d’un orage historique dans les Alpes-Maritimes ont suscité l’effroi parmi la population maralpine et nationale, et des interrogations – à priori légitimes – sur le rôle des spécialistes météo et l’efficacité du système de vigilance.
Dimanche, de nombreux maires ont réagi aux intempéries dramatiques, certains pointant du doigt le travail de Météo France. Christian Estrosi a été le plus véhément : « Je me pose beaucoup de questions sur la manière dont travaille Météo France », a-t-il lâché sur Europe 1.
C’est aussi l’avis d’Eric Ciotti. Au micro de France 3, le président (Les Républicains) du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes affirme que si une alerte rouge avait été déclenchée, « il y aurait eu moins de circulation, moins de personnes à l’extérieur, pas de grandes manifestations publiques ».
Mais,selon le maire (LR) de Cannes, sollicité par Europe 1, un tel dispositif n’aurait pas changé grand-chose: « On aurait pu être en alerte noire, rouge, écarlate, de la couleur que vous voulez : lorsque vous n’avez plus d’électricité, plus de communication dans cette concentration d’eau, que voulez-vous faire ? » Et de renchérir : « Vous êtes présent mais vous ne pouvez pas échapper à des morts dans une agglomération de 500 000 habitants. C’est triste mais je ne vais pas accabler Météo France ».
Finalement, doit -on toujours polémiquer sur tout ?
Pour mieux comprendre la problématique, nous donnons la parole à Romain Cardelli, ancien prévisionniste météo :
L’épisode orageux du 3 octobre a été prévu par Météo France et l’ensemble des analystes. Celui-ci a cependant été exceptionnel de par son intensité mais surtout sa stagnation sur le sud-ouest du département au-dessus des communes de Mandelieu, Cannes, Biot et Antibes. C’est un paramètre qui reste extrêmement compliqué à anticiper.
Depuis les années 40, les chercheurs – très majoritairement aux Etats-Unis – ont identifié et décrit de nombreux types de systèmes orageux, classés entre autres selon leur sévérité, leur durée de vie, leur mode de propagation ou l’intensité des précipitations. Parmi eux, les multicellules (comme celle du 3 octobre) et les supercellules sont notamment connues pour la sévérité des phénomènes
météorologiques associés et leur longue durée de vie, faisant de ces orages un enjeu majeur pour l’application de la prévision numérique à la protection des biens et des personnes.
Comprendre les mécanismes de leur déclenchement, de leur évolution et de leur déplacement nécessite de bien connaître les conditions environnementales initiales précédant la convection ; or c’est encore aujourd’hui toute la difficulté des météorologues, confrontés à des erreurs récurrentes de la part des modèles en service.
Alors oui, la compréhension de tous les mécanismes autour des cellules orageuses reste très incomplète à ce jour. Mais les modèles sont en constante évolution: chaque année, les prévisions sont améliorées par des résolutions de plus en plus fines, notre compréhension accrue des phénomènes synoptiques (à grande échelle) et locaux, ou la découverte de nouveaux paramètres.
Il ne fait pas de doute que les possibilités d’amélioration sont immenses. Un épisode comme celui-ci, aussi dramatique soit-il, fera date et permettra d’améliorer notre compréhension au niveau local : rôle de la topographie locale, mécanisme de déplacement d’un orage, etc. Mais avec l’artificialisation du littoral azuréen, c’est aussi et surtout le rôle de l’urbanisation et la géographie humaine du territoire qui doit attirer notre attention. Un même phénomène dans une zone peu peuplée ou
densément peuplée n’aura jamais les mêmes conséquences : cette dimension n’est pas encore suffisamment intégrée, et c’est là que rentrent en jeu les décideurs politiques et les services techniques.
La science météorologique avance, elle avancera plus vite encore si la Recherche est soutenue. De notre côté, tâchons que la prévention des risques, la mise en place d’aménagements de protection et une artificialisation raisonnée de nos territoires soient une priorité.