Le nouveau président de la Région PACA en parle comme si c’était la une manne céleste. En fait, en ces temps de disette budgétaire et de réduction des transferts de l’Etat aux collectivités locales, on cherche l’argent là où il en a.
Christian Estrosi s’est même vanté d’avoir débloqué plus de 200 millions d’euros de financement lors de son premier voyage à Bruxelles. En fait, la réalité est un peu plus complexe mais on lui laisse volontiers le dire, si ça lui fait plaisir.
Comme on devrait savoir, la politique régionale européenne ou politique de cohésion est constituée de plusieurs fonds destinés à atteindre différents objectifs. Cette politique régionale mobilise aujourd’hui un total de 350 milliards d’euros, soit un tiers du budget de l’UE .
Le fonds de cohésion est à destination des Etats Membres les moins riches (RNB inférieur à 90% de la moyenne de l’UE) et finance en priorité des projets liés aux infrastructures de transport et d’énergie.
Le Fonds européen pour le développement régional (FEDER) et le Fonds social européen (FSE) visent en priorité les investissements dans le capital humain, l’innovation et la modernisation administrative, et sont répartis dans les régions européennes à travers trois objectifs:
L’objectif 1 « convergence », concerne les régions les moins développées de l’UE (dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne de l’UE);
L’objectif 2 « Compétitivité et emploi » est destiné aux régions qui ne sont pas couvertes par l’objectif 1 (il s’agit notamment des régions en transition et des régions les plus développées,);
L’objectif 3 « Coopération territoriale » vise à renforcer la coopération entre les territoires pour le développement urbain et économique, et la préservation de l’environnement.
Près des ¾ des fonds de la politique de cohésion sont à destination des régions les plus pauvres et du fonds de cohésion.
Mais la politique régionale n’a pas vocation à être une politique de transferts. Les fonds structurels sont alloués au financement d’infrastructures, notamment de transport, afin de réduire les coûts de transaction. La réduction des disparités régionales en termes d’infrastructures est une des priorités de la Commission européenne.
Or, la politique de cohésion européenne s’inscrit dans cette vision et justifie les transferts en direction des régions les moins développées en s’appuyant sur les modèles de la nouvelle économie géographique.
Ces modèles prévoient au contraire que les régions les plus avancées offrent de meilleurs rendements, notamment du fait de coûts de transaction plus faibles, d’un plus important stock de capital et de meilleures infrastructures publiques.
Les facteurs géographiques seraient donc une importante composante des inégalités interrégionales.
La politique régionale européenne ne considère donc pas la vision traditionnelle de la convergence économique comme suffisante et vise à permettre aux habitants des régions les moins développées de bénéficier des avantages du marché unique.
Quelles priorités pour la politique régionale ?
On peut évoquer quatre axes de réformes pour la politique régionale européenne :
- Mettre l’accent sur les infrastructures de production et d’innovation plutôt que sur la diminution des coûts de transport. La diminution des coûts de transport de marchandises entre régions peut avoir des conséquences néfastes pour la région la moins riche car elle permet aux entreprises de cette région de migrer vers les pôles les plus productifs pour bénéficier des effets de spillovers, tout en conservant l’accès au marché dans la région d’origine. Les investissements devraient être alloués en priorité au développement d’infrastructures pour attirer les entreprises dans les régions périphériques : transports intra-régionaux, centres de formation, de recherche etc ;
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Favoriser la diffusion et l’appropriation des connaissances, des innovations. Des politiques visant à améliorer les systèmes de télécommunication, la formation professionnelle, l’égalité dans l’accès au crédit pour les entreprises (pour favoriser les investissements) ou la modernisation administrative peuvent permettre aux régions les moins riches de mieux capter et de mieux s’approprier les effets de spillovers des régions du coeur.
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Favoriser la mobilité des travailleurs. Pour éviter la croissance des inégalités pesant sur les travailleurs les moins mobiles, la politique régionale pourrait faciliter l’accès au logement (mobilité des droits aux logements HLM en France par exemple) ou les équivalences de droits sociaux (prestations sociales, droits à la formation, cotisations pour la retraite).
Cela permettrait de réduire les inégalités en termes de taux de chômage et de PIB/habitant si les travailleurs suivent les entreprises là où elles créent des emplois.
- Compléter les transferts nationaux. La politique régionale doit permettre de renforcer un critère géographique dans l’allocation des transferts au sein de chaque pays pour ceux qui ne peuvent pas bénéficier des gains du marché unique, les travailleurs les moins mobiles, et la reconversion sectorielle des régions en déclin.
Conclusion
Il est très difficile d’estimer l’impact précis des instruments de la politique européenne de cohésion sur la croissance des régions et sur la réduction des inégalités régionales en Europe.
Bien qu’on assiste à une convergence des niveaux de PIB/habitant au niveau des pays européens, la politique de cohésion pourrait lutter plus efficacement contre la croissance des inégalités entre les régions.