L’intervention de Tahar Ben Jelloun tombe bien. A l’heure où Israël et la Palestine se déchirent, l’écrivain français le plus traduit à l’étranger vient prôner la paix entre les peuples, la tolérance et la fin du racisme. Devant un public nombreux et âgé qui avait mis sa tenue du dimanche, le prix Goncourt 1987 constate que les communautés n’ont pas appris à vivre ensemble. Citant Albert Camus, Spinoza ou Beaumarchais, Tahar est persuadé que le monde et les hommes peuvent changer à condition de s’occuper de l’enfance.
« Les enfants sont vulnérables. Partout dans le monde et surtout dans les écoles où je me rends, aucun d’entre eux ne comprend pourquoi il y a tant de violence. Expliquons-leur les erreurs des uns et des autres et apprenons-leur la vie en communauté. Il y a de multiples ethnies mais seule la race humaine compte », prêche l’auteur de 64 ans, qui explique que nous n’avons pas le choix. Selon lui, la paix et la tolérance raciale ne viendront que dans la reconnaissance mutuelle et le dialogue. En France, un mariage sur cinq se compose de conjoints aux origines ethniques ou religieuses différentes. « 20%, c’est important ! C’est par là qu’on lutte contre le racisme. Vivre ensemble l’empêche de s’exprimer ».
Parler aux immigrés et aux Français
Pour résoudre les problèmes liés à l’immigration, Tahar Ben Jelloun propose que l’Etat s’occupe des immigrés et trouve une nouvelle pédagogie pour apprendre à vivre ensemble. La nécessité d’écarter le conflit, l’inégalité et le malheur dans notre société est un constat qui s’impose clairement. « On doit expliquer aux immigrants leurs droits et leurs devoirs ainsi que les règles du pays », souligne l’auteur parisien d’adoption, avant de poursuivre : « de même qu’il faut parler aux Français, leur expliquer la présence des immigrés. Ils ne sont pas des perturbateurs ou des agents d’insécurité nationale ».
Mais ce débat ne date pas d’hier. Il est bien plus ancien. En ouvrant ses portes à ses anciennes colonies, la France s’est piégée toute seule en négligeant une population entière qui vit aujourd’hui dans la pauvreté et victime des maux les plus profonds : intolérance, non-respect, racisme. « Aucun homme politique n’a été plus malin que l’autre. Ils ne se sont pas rendu compte que les immigrés font des enfants comme tout le monde. Ils les ont délaissés. Maintenant, ils brûlent des voitures. La France a oublié de donner un avenir à ces jeunes. Elle a trente ans de négligence à rattraper ».
Les qualités des minorités
Tahar Ben Jelloun insiste sur l’intégration des minorités. Abandonnées, celles-ci souffrent de la pauvreté et des inégalités « qui créent la haine, la peur et engendrent automatiquement la violence. Or on ne peut pas dire que le peuple en tant que tel est d’une nature violente ». Pour cet homme engagé, il est impératif de comprendre que les peuples issus de l’immigration restent avant tout des Hommes. « Il faut voir les qualités des minorités, les valoriser. Les minorités sont le secret de la santé d’une civilisation. Si l’on souhaite avancer, il faut apprendre à se supporter ». Voilà une phrase qui mérite réflexion.