À la fin de ses études, le jeune diplômé est censé ne rencontrer aucun problème en terme d’insertion professionnelle. Mais ce n’est malheureusement pas le cas. Aurélie Taglialegne a un Master II en Sciences Politiques. Laetitia Degioanni a une maîtrise en Sciences Politiques et en droit international ainsi qu’un Master II en Administration des Entreprises. Une fois leurs diplômes en poche, elles ne savaient pas vers quel métier se diriger malgré leurs « bagages universitaires » conséquents. Utilisant leur expérience personnelle, elles ont créé l’association FEAP (Formation Emploi Association le Passage) en 2008 pour aider les jeunes diplômés dans leurs démarches professionnelles. Aurélie Taglialegne, la Présidente de l’association, explique à Nice Premium comment cette structure aide les jeunes à s’insérer sur le marché du travail.
Nice Premium : Pourquoi avoir créé cette association ?
Aurélie Taglialegne : Aujourd’hui, les jeunes diplômés ne sont pas considérés comme un public ayant des difficultés en terme d’insertion professionnelle. Je me suis entendue répondre au Pôle emploi qu’avec un Bac+5, on savait quoi faire de son diplôme, comment trouver un emploi, monter un CV et une lettre de motivation. C’était le principe du Pôle emploi à l’époque (anciennement ANPE) et de toutes les personnes qu’on a rencontrées jusqu’à aujourd’hui. On s’est rendu compte que ce n’était pas du tout le cas. Si le jeune diplômé peut avoir une expérience alimentaire en décrochant un job d’été, envoyer un CV, une lettre de motivation, la démarche quand on cherche son premier emploi n’est pas du tout la même. On ne vend pas les mêmes choses, on ne les présente pas de la même manière et ce n’est certainement pas les mêmes démarches qu’on entreprend. Donc c’est vrai que c’est un défaut d’information, de formation aussi qui ont fait qu’on a monté cette association. Notre but ? C’est l’accompagnement et l’aide à l’insertion professionnelle des jeunes diplômés. C’est ce vers quoi on tend depuis le départ.
NP : Concrètement, vous aidez les jeunes diplômés à bâtir un CV, une lettre de motivation ?
AT : Concrètement, c’est une méthodologie qu’on essaie de faire passer. Ce sont bien sûr les grands classiques : faire un CV en fonction de ses compétences, une lettre de motivation. C’est aussi assurer devant l’employeur dans le cadre d’un entretien d’embauche. Ce sont les techniques de recherche d’emploi que l’on peut trouver auprès de beaucoup d’organismes. Mais nous les avons spécialisées pour un public qui a des freins spécifiques c’est-à-dire qui n’a aucune expérience professionnelle valorisable. Il faut la trouver cette expérience là puisqu’on vend des compétences quand on se vend à un employeur. Notre travail est un accompagnement à la professionnalisation de ces diplômes. Dans le parcours personnel, universitaire ou même dans l’enseignement qu’on a eu en général, via les diplômes, les stages professionnels, d’observation, d’entreprise, on a développé des compétences. Quelles sont ces compétences ? Et en fonction de ces compétences, comment les vendre ? On travaille vraiment sur les compétences professionnelles et l’émergence de ces compétences là.
Ensuite on crée les outils. Le CV et la lettre de motivation restent des outils. On optimise les démarches auprès du recruteur et on s’occupe d’un suivi. Bien sûr, toutes ces démarches ont un intérêt à partir du moment où l’étudiant a un projet professionnel. Une fois qu’on a un objectif, les outils, il faut trouver le recruteur. Aujourd’hui, c’est vrai que la plupart des offres d’emploi se trouvent sur un marché caché. Elles ne sont pas accessibles via les petites annonces classiques comme Pôle emploi 06, Nice Matin et pas non plus forcément sur les sites spécialisés comme Cadre emploi, Paca Job ou Monster. Ce sont des niveaux d’emploi auxquels on accède par recommandation. Pourquoi ? Par exemple une entreprise édite une offre d’emploi, elle va recevoir entre 100 et 150 CV par rapport à cette annonce là. Pourquoi un CV plus qu’un autre ? Pourquoi une personne plus qu’une autre à formation égale ? En revanche, quand on travaille sur les bases du réseau, on accède à une démarche de recommandation. On arrive en premier sur les offres d’emploi qui se libèrent. On travaille vraiment sur qu’est-ce qu’un réseau ? Comment le développer ? Un réseau ne s’acquiert pas seulement au démarrage de sa carrière professionnelle mais tout au long de sa vie. On sait qu’aujourd’hui à un moment ou à un autre, on est confronté au chômage. À 30 ans, éventuellement à 40, aussi vers 50 ans tout se repositionne en terme de parcours professionnel. Le réseau qu’on travaille dès qu’on sort de l’université, même dans l’université, est quelque chose qui s’amplifie, se développe, vous accompagne tout au long de votre vie. Il est supposé vous amener des solutions.
NP : Combien de jeunes diplômés avez-vous accueillis ?
AT : Nos statistiques en terme d’accueil se font sur 3 bases : d’abord on communique via notre site Internet, les blogs. Aujourd’hui, on a une moyenne de 3 demandes d’information par jour via notre site www.feap.fr. Des blogs sont aussi dédiés aux problèmes des jeunes diplômés et des étudiants. Donc, on a 2 à 3 contacts par jour auxquels on répond portant sur des questions globales. Notre accompagnement et également notre centre de formation. Ensuite, il y a le travail que nous réalisons pour l’université. On travaille auprès des étudiants. C’est très important pour nous d’expliquer comment ça se passe à la sortie des études. C’est vrai que notre public ne vient pas forcément de l’université mais aussi des écoles, de tout l’enseignement supérieur. Notre but est de leur faire comprendre, dès le moment où ils ont encore le temps, c’est-à-dire dans le cadre de leurs études qu’il faut préparer la sortie. Ce n’est pas au dernier moment qu’on la prépare. Au dernier moment, on a trouvé le stage qui correspond.
Pour revenir sur nos publics, on travaille dans le cadre des universités, des UEL (Unité d’Enseignement Libre) technique de recherche d’emploi. On travaille avec l’université de Nice Sophia-Antipolis, avec tous les campus, depuis septembre 2009. Sur la totalité, on a dû traiter entre 60 et 80 demandes d’étudiants jusqu’à aujourd’hui. Après, il y a les personnes qui viennent nous voir. Depuis 2008, on a traité une cinquantaine de demandes.
NP : Avez-vous des retours de jeunes diplômés qui ont trouvés un emploi ?
AT : Oui, puisque notre accompagnement n’a pas de fin. On a un suivi, on crée des liens, on s’intéresse. Les jeunes diplômés reviennent vers nous pour nous dire où est-ce qu’ils en sont. Il y a une personne qui a essayé de passer 3 fois son concours pour rentrer à l’IUFM pour devenir enseignant. Il n’a pas réussi. Aujourd’hui, il est chargé de mission. On a eu une jeune fille, complètement perdue en terme de projet professionnel, qui est entrée dans la mission locale à Marseille. Ensuite, on accompagne une personne qui est venue nous voir pour une question de réseau. Elle s’est rendu compte qu’il fallait travailler sur son projet professionnel. Le réseau ne reste qu’un outil au service d’un projet. Donc, on a travaillé sur son projet. Du coup, elle a recommencé ses études dans quelque chose qui lui convenait cette fois-ci et pas quelque chose qui avait été une question d’opportunité. Elle s’est découvert une autre voie et a repris ses études. Son projet professionnel était vraiment de devenir consultant en développement personnel. Elle devait reprendre les études pour avoir plus de compétences à proposer. Entre temps, elle a trouvé un emploi pour y arriver. Elle travaille dans une école et en même temps a un poste qui lui permet de mettre en avant ses compétences mais aussi de travailler sur des projets liés à ce qu’elle a envie de faire.
NP : Toutes les personnes que vous avez suivi ont-elles retrouvées un emploi ?
AT : Il y a des personnes qu’on suit ou qu’on a suivies parce qu’elles cherchent un contrat professionnel. Il y a des personnes qu’on a suivies parce qu’elles cherchaient une formation pour accéder à un stage en entreprise. Ces personnes, à la recherche d’un stage, l’ont pour l’instant toutes trouvé. Ensuite, il y a les personnes à la recherche d’emploi encore aujourd’hui. Mais elles savent dans quoi elles cherchent. C’est un gain de temps. Et nous, on continue à les accompagner.
NP : Même si la personne a trouvé un emploi, continuez-vous à la suivre ?
AT : Oui, on la suit encore un petit moment parce qu’on a créé une relation. Quand on a trouvé un emploi on exulte et l’entreprise dans laquelle on est la plus belle du monde. Mais après, il y a un retour dans la réalité où il faut savoir vivre sa vie en entreprise. Aussi, on est là pour appuyer les personnes, savoir prendre des décisions, savoir gérer leur quotidien, le travail. On est là pour l’insertion professionnelle mais ce sont aussi des questions de vie. Les obligations personnelles impliquent d’autres obligations. On fait un accompagnement, on soutient la personne dans les démarches et on la suit. Il y a aussi un principe : ce n’est pas parce qu’on a trouvé un emploi qu’on va forcément y rester. L’autre objectif est aussi d’enlever les freins qui font qu’on ne conserve pas son emploi. Cela arrive souvent, qu’on soit embauché et qu’on ne reste que 2 mois le temps de la période d’essai, que ce soit un CDD qui ne soit pas renouvelé, etc.
NP : Qu’est-ce que cette association apporte de plus par rapport à Adecco ou à Pôle emploi ?
AT : Déjà, on n’est pas une agence d’Intérim. Ensuite, on n’est pas un service public mais une association qui répond à des besoins spécifiques, ceux des jeunes diplômés. C’est peut-être la différence avec Adecco et Pôle emploi qui traitent l’ensemble des publics. On répond à des problèmes spécifiques que nous connaissons. Ensuite, on a une démarche individualisée, personnalisée. Actuellement, il faut savoir que le Pôle emploi reçoit une fois par mois ses bénéficiaires. Les agents conseillers au Pôle emploi traitent presque 100 dossiers. Ils ne peuvent pas consacrer le même temps que nous. Actuellement, on n’a pas un portfolio de 100 à 150 dossiers. On a ce temps de prendre le temps justement. On reçoit une jeune fille depuis le 1er octobre. Elle a accepté d’entrer en contact avec nous. On la reçoit 1h30 par semaine. On travaille sur son projet, ses freins, ses limites à partir de ses bases c’est-à-dire que notre objectif est de savoir ce qu’elle a en tête, quels objectifs professionnels pour pouvoir travailler avec elle sur l’accompagnement. J’estime que si je ne connais pas la personne, son histoire personnelle, ce qu’elle a envie de faire dans sa vie, ses projets, je ne peux pas l’aider.
On prépare le projet, on accompagne la personne dans le cadre du projet et aussi il y a un suivi. Mais, on a mis en place un département pour être davantage dans cette démarche d’accompagnement. On s’est rendu compte suite aux échanges avec nos jeunes diplômés, que beaucoup avaient un CV très pauvre en expériences et en compétences. On s’est dit qu’il fallait trouver une solution à ce problème là. C’est pour cela qu’on a mis en place le centre de formation qui est une des activités de l’association. Ce n’est pas son activité principale mais il contribue avec toutes les activités de l’association à renforcer tout un processus dans lequel on veut que le jeune diplômé rentre. Dans un premier temps, il va rentrer dans le cadre de l’association et avec lui on va travailler sur ce qu’il veut, ce qu’il ne veut pas en terme de métier ou d’avenir professionnel. Une fois que son projet professionnel commence à s’éclaircir, notre but est de lui dire « tu as ces compétences là ». Donc, on rentre dans la question des outils à la recherche d’emploi. Après, il y a toute la partie compétences qu’on voudrait développer parce qu’il a ces compétences et ces aptitudes. Mais, il faut que ce soit officialisé, appliqué. C’est là où le centre de formation intervient.
On rentre dans le cadre d’une formation où on transmet des outils de base. Le jeune diplômé rentre dans une période de stage en entreprise qui valide tout ce qu’on a mis en avant précédemment. Il y a la période de stage avec un vrai échange en terme de travail avec une entreprise et le jeune diplômé. Pendant qu’il est en stage, on fait le suivi auprès de l’entreprise, du stagiaire, pour qu’il se sente soutenu. Aussi, on a mis en place un livret de compétences dans lequel toutes les compétences liées au poste sont listées et validées mois par mois par l’entreprise, le stagiaire et nous-mêmes. Il y a un travail du début à la fin pendant toute la phase du stage où on travaille sur l’échelonnement des compétences. En plus de son CV, de sa manière de savoir vendre ce qu’il a su faire, il a aussi un document officiel qui peut valoriser son expérience dans le cadre du stage.