Alexis Luong, chef et gérant du restaurant Onaka à Nice, nous plonge dans son univers culinaire où la simplicité se marie à l’excellence. À travers un entretien intimiste, il nous dévoile son parcours, ses inspirations et ses aspirations. Retour sur le cheminement d’un chef qui, malgré une carrière en pleine ascension, reste profondément attaché à l’authenticité et au partage. Portrait
La lumière tamisée d’Onaka met en valeur l’élégance discrète du lieu. De l’atmosphère feutrée, accentuée par les reflets dorés des murs en bois lambrissés. Assis à une table, Alexis Luong, dans son tablier noir orné d’un discret logo, attend sereinement, observant d’un œil attentif les détails de son restaurant. « Onaka n’est pas simplement un restaurant, c’est une partie de moi, mais aussi de ma famille« , confie-t-il avec émotion. Sa passion : travailler les sushis. Il lui arrive parfois de jouer avec sa main, effleurant la surface de la table, comme pour marquer une pause, un temps de réflexion.
Le parcours d’un passionné
Derrière ce regard concentré, on devine un homme pour qui la cuisine n’est pas qu’un métier, mais une passion profonde. Alexis, né à Paris, commence à parler de son parcours avec un léger sourire, une humilité palpable. « Je n’ai pas toujours rêvé d’être cuisinier« , confie-t-il avec un faible sourire. En effet, l’homme de 34 ans aurait pu finir dans la comptabilité.
Il évoque alors ses premières expériences. C’est surtout la cuisine de son père et sa soupe Phở qui l’a fait baigner dans la cuisine. Son expérience débuta alors en tant que chauffeur-livreur puis sur un étale d’un supermarché et dans de petites cuisines, où l’improvisation régnait. « C’est en expérimentant, en échouant, que j’ai compris que la cuisine allait devenir mon langage« , il accompagne ses paroles d’un geste de la main, comme s’il façonnait un ingrédient invisible dans l’air. La résilience devient ainsi son mot d’ordre.
Une vision culinaire singulière
Loin des tendances éphémères, Alexis prône une cuisine simple mais profondément ancrée dans les émotions. « Ce que je cherche à transmettre, c’est une sensation, un souvenir« , explique-t-il, tout en gardant un regard intense et concentré. En contraste total avec son début de carrière à Castelnau, il a façonné son style parmi les meilleurs. D’abord à Courchevel puis dans la lignée des restaurant Nobu où il rencontrera son mentor, le chef cuisinier japonais, Nobu Matsuhisa. Son approche reste cependant minimaliste mais pleine de profondeur.
La culture japonaise reste un déclic pour lui. Un déclic qui lui a fait prendre conscience que dans son métier, il faudra toujours apprendre les nouveaux codes de la cuisine : « Il n’y a que le travaille acharné qui paye. Il faut constamment s’intéresser à autre chose pour être le plus impactant possible. » L’art du sushi « est très dure à apprendre et il faut le mériter » ! La culture japonaise du sushi reste encore méconnue en France. « Il ne faut pas dénaturé le sushi et ne surtout pas utiliser de sauce sucrée », termine-t-il en pointant son doigt sur la table, toujours avec son sourire.
Onaka, une aventure humaine
Ce n’est pas juste un restaurant pour Alexis. Onaka est l’aboutissement de plusieurs années de travail, de recherches et de rencontres. Ouvert depuis le 27 juillet 2022 au 12 passage Masséna, à Nice, Alexis a voulu créer un lieu où « les gens se sentent chez eux« . « Je veux que Onaka continue à grandir mais toujours avec la même philosophie : simplicité, partage, authenticité. »
Tout dans ce restaurant a été pensé pour favoriser le partage. En effet, de l’agencement des tables à la lumière douce, tout semble inciter à la convivialité. Alexis lance un grand sourire, comme un rituel, lorsqu’il évoque la collaboration avec son équipe, qu’il décrit comme une véritable famille. 90% de ses ingrédients proviennent directement du Japon.
Pour l’avenir proche, Alexis voit l’ouverture d’une table gastronomique de 10 à 12 couverts où il cuisinerait directement devant ses clients.
De la cuisine aux compétitions nationales
La carrière d’Alexis ne se résume pas à la gestion de son restaurant. Il a aussi brillamment défendu sa passion sur les plus grandes scènes. Finaliste au championnat de France de sushi de 2021 (qu’il gagne), Alexis se souvient de cette période comme d’un véritable défi, tant physique qu’émotionnel. « C’était une aventure intense, il n’est arrivé que des péripéties« , en rigole sa femme, Andrea. Alexis, lui, a le regard légèrement pensif.
Entraînements rigoureux, journées interminables à perfectionner ses plats, et la pression constante de représenter son art au plus haut niveau. « Il fallait que chaque assiette soit parfaite, que chaque geste compte. » Ses mains, agiles et précises, mimant des mouvements de découpe, illustrent bien cette quête perpétuelle de précision. Or, l’épreuve finale était semée d’embûches pour Alexis et son équipe. Des coupures de courant à répétition lui auront ainsi empêché de faire cuire son riz convenablement. Malgré ces obstacles, Alexis aura tout de même décrocher la victoire, donnant par la suite plus de visibilité à son restaurant.
Cette performance l’a ensuite propulsé vers la compétition mondiale, où il a défendu les couleurs de la France. « Je n’avais jamais ressenti autant de pression« , avoue-t-il en se remémorant la finale du championnat du monde de sushi de 2023, à Tokyo. Avec pour la première fois de l’histoire de ce championnat, un podium tricolore, Alexis finit sa course troisième, derrière Jérémy et Vincent. Une grande consécration et des moments inoubliables pour eux. « Cette compétition était très dure. Ce qu’il me manquait était sûrement la préparation mentale, constate Alexis. Car en plus de tenir un restaurant, d’avoir une vie de famille et de devoir voyager à l’autre bout du monde, cela demande beaucoup de préparation en amont. » Un timing serré donc pour Alexis mais qui se termine plutôt bien.
Le soutien inébranlable de sa femme
Heureusement pour lui, il peut compter sur l’aide acharnée de sa femme Andrea, avec qui il a eu également un jeune garçon. Entre les longues heures passées en cuisine et les moments de doute avant de grandes échéances, c’est elle qui l’a encouragé à ne jamais lâcher prise. « Elle m’a toujours poussé à aller plus loin, même quand moi je pensais que c’était trop« , affirme-t-il en la regardant. Elle l’accompagnait à chaque étape, tant physiquement que moralement, veillant à ce qu’il reste centré et motivé. « Son opinion est la plus importante à mes yeux même si parfois cela peut piquer« , raconte-t-il avec reconnaissance. Pour Andrea, infirmière de profession, son mari est un « travailleur acharné et généreux dans sa cuisine. Et je préfère le voir comme un cuisinier plutôt que comptable« , s’amuse-t-elle.