Une petite escapade au TNN pour voir Racine(s), spectacle de cirque contemporain, ce cirque qui met les corps au service de l’émotion plus que de la performance.
Racine(s) est une oeuvre d’une beauté fulgurante où une jeune femme, la circassienne israëlienne Inbal Ben Haim, virevolte sensuellement dans les airs au milieu d’un enchevêtrement de cordages-racines avant de faire douloureusement corps avec la terre des origines. Autour de sa corde lisse qu’elle serre et délaisse tour à tour, elle nous raconte la prodigieuse histoire des humains se lovant dans des racines qu’ils croient leurs et qui pourtant – à l’instar du monstrueux ADN de corde révélé par un spectateur – les emprisonnent aussi. Pour cette raison, les rares moments où Inbal se libère de ses cordes soulève une indicible espoir.
La musique hypnotique de David Amor (qui nous a rappelé le son des didgeridoo aborigènes tant de fois entendus dans l’outback australien) obtenue à l’aide d’improbables instruments ne fait pas qu’accompagner le spectacle, elle anticipe et prolonge les figures d’Inbal. Elle dialogue avec le corps de l’artiste.
Mais bien sûr, il faut rendre hommage au travail de Jean-Jacques Minazio, le dramaturge et metteur en scène, personnage central de cette fulgurante réalisation. Il a su concilier l’exigence philosophique du propos avec la beauté formelle des figures de l’artiste circassienne tout en respectant la liberté du spectateur.
Après deux séances de gala dans un TNN conquis, Racine(s) va voyager. […] Il fait partie de ces (rares) spectacles qui s’installent au plus profond de votre mémoire pour vous rendre meilleur. À tout jamais.
Patrick Mottard