Ballet Nice Méditerranée : Eric Vu-An dirige, danse et charme l’Opéra de Nice.

Ancien élève de l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris, repéré par Rudolf Noureev à l’âge de 19 ans, désigné par Maurice Béjart pour être l’élu dans le Sacre du Printemps, sa réputation mondiale de danseur et de chorégraphe le précédait. Nommé en septembre 2009 Directeur artistique du Ballet Nice Méditerranée, rien d’étonnant à ce que les places de l’Opéra de Nice se soient arrachées pendant trois jours pour découvrir le programme particulièrement ambitieux de Eric Vu-An où résonnaient les noms magiques d’Auguste Bournonville, de Vaslav Nijinsky, de Michel Fokine ou de George Balanchine. Cerise sur le gâteau, ou sur le rocher d’où il s’éveille et s’étire paresseusement, l’ancien Directeur du Ballet de l’Opéra d’Avignon et ancien Maître de Ballet associé de Marseille, s’est payé le luxe d’interpréter « L’après-midi d’un faune » dans une chorégraphie traditionnelle qui rend un hommage aussi fidèle qu’émouvant au créateur même de cette œuvre.

Un programme d’une grande cohérence : la pièce introductive « Conservatoire » se veut le souvenir personnel des classes du chorégraphe Auguste Bournonville. Formé en 1824 à l’Académie Royale de Danse de Paris, il prit, au faîte de sa carrière, la tête du prestigieux Ballet Royal du Danemark en 1848. La scène raconte une répétition de danse sous la direction d’un Maître de Ballet interprété -batteries denses et agiles mais élévations un peu courtes- par le jeune et brillant Thomas Gallus lequel a intégré l’Ecole niçoise en décembre 2009.

Pour « Les Sylphides », ballet créé en juin 1909 au Théâtre du Châtelet par Michel Fokine, la somptueuse esthétique d’ensemble de l’ouverture, toute en pointes et en légèreté, cède peu à peu la place aux couples de solistes qui évoluent sur des mélodies plus enlevées de Frédéric Chopin : littéralement enchanteresse, Paola de Castro paraît s’abandonner à l’expression harmonieuse et naturelle de mouvements suggérés par son corps gracile et dont l’infinie souplesse parvient à effacer l’idée même de techniques préalables. Une pure merveille.

« L’après-midi d’un faune » exécuté par Eric Vu-An et Céline Marcinno dans le rôle de la Nymphe principale, a reproduit les attitudes, nouvelles pour 1912, d’une chorégraphie inspirée par « l’aspect frontal des frises antiques imposant de tenir la tête de profil et le corps de face, de se déplacer de manière latérale et rectiligne, les genoux pliés en attaquant le sol du talon à l’inverse de la danse classique qui réclame la pointe ». Une performance impressionnante qui mêle volupté puissamment teintée d’érotisme et rigueur empreinte de géométrie spatiale et temporelle.

Enfin, dans « Allegro Brillante », une œuvre remontée par Nanette Glushak rendant ainsi légalement possible son exécution, les solistes Cinthia Labaronne, nettement plus à l’aise que dans la pièce de Fokine, et Jose Ramirez Del Toro affichent leur indéniable talent artistique: ils mettent leur duo en valeur dans cet opus d’un « romantisme russe démonstratif », pour reprendre l’expression de celle qui le créa au City Center of Music and Drama de New York en mars 1956. De cette œuvre, George Balanchine disait d’ailleurs qu’elle « contenait tout ce que je sais du ballet classique » tandis que ce fut la dernière composition musicale de Tchaïkovski. Une centration de génie et de sensibilité qui concluait une soirée de haute tenue.

Avec la participation des élèves du département Danse du Conservatoire National à Rayonnement Régional de Nice Pierre Cochereau (Direction Jérôme Bénézech) et des élèves de l’Ecole de danse Rosella Hightower (Direction Paola Cantalupo).

Photos: Dominique Jaussein (Eric Vu-An dans « L’après-midi d’un faune »); Francette Levieux (« Conservatoire », « Les Sylphides », « Allegro Brillante »).