Normandie, 1819. A peine sortie du couvent où elle a fait ses études, Jeanne Le Perthuis des Vauds, jeune femme trop protégée et encore pleine des rêves de l’enfance, se marie avec Julien de Lamare. Très vite, il se révèle pingre, brutal et volage. Les illusions de Jeanne commencent alors peu à peu à s’envoler.
« La vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit » : des générations de lecteurs ont découvert dès le lycée le livre de Maupassant, sa dernière réplique et la série de malheurs qui frappent l’héroïne, aristocrate provinciale du XIXe siècle.
La chronique sociale quasi-documentaire laisse place à une adaptation du premier livre éponyme de Maupassant, situé en 1819. Une histoire censé se dérouler sur 30 ans.
Stéphane Brizé,l’adapte selon un parti pris net : à grands coups d’ellipses, il occulte les événements saillants de l’histoire, qui va de l’adolescence à la vieillesse. Il ne garde que des moments de moindre intensité, avant ou après les drames.
L’occasion pour le réalisateur français de laisser pénétrer dans son cinéma un souffle lyrique lui permettant de s’adonner à toutes sortes de propositions sophistiquées.
Une Vie s’en tient à un minimum de dialogues et accorde une importance majeure au son. Celui du vent qui bousculent les feuilles, de la mer, du feu qui crépite. Le naturalisme devient magique, irréel. Une Vie s’entend et se regarde.
Cette approche lacunaire construit autour de ses évitements. Ici, la soustraction prive le récit de son relief, voire de son sens. Le choix du presque rien conduit à une succession de scènes dans une étrange atonie, entre salon et jardin, hiver et été. Jeanne (Judith Chemla) apparaît comme éteinte avant même les trahisons, les deuils et les dettes.
Ce qui donne dans les moments les plus inspirés, une dimension absolument vertigineuse au récit. On se retrouve aspiré dans un tourbillon d’émotions contraires, de révélations fracassantes, comme si la vie était un rouleau compresseur en marche impossible à arrêter, exposant sentencieusement son programme chargé de fatalité.
Stéphane Brizé compte, manifestement, sur l’expressivité des lumières, sur les sons et les intonations pour apporter un peu de frémissement.
Reste Judith Chemla, divine dans son rôle. Stéphane Brizé trouve une femme dans la même veine, capable de s’exprimer en étant privé de réplique. Rares sont les acteurs capables d’être à ce point vecteurs d’émotions en restant ancré dans un jeu naturel et minimaliste. La plus belle réussite du film étant d’arriver à capter sur son visage, sans un mot, la puissance des événements.