Mais du fait-divers controversé (acte de terrorisme ou bavure de l’armée algérienne dont l’enquête est toujours en cours), le cinéaste ne garde que l’inexorable issue. Ils étaient huit moines français qui vivaient dans les montagnes algériennes de l’Atlas, au milieu et en paix avec les habitants des lieux, bien sûr de religion musulmane.
Au loin, grondait la terreur de la guérilla islamique…qui finit par intervenir dans la vie du monastère.
Le film est avant tout la description d’une vie de dévotion qui privilégie le silence et la contemplation, la communion par le chant et le travail de la terre et l’aide aux démunis. Le récit n’est ni manichéen ni le prosélytisme de l’héroïsme moral d’une communauté d’hommes qui, jusqu’au bout et au sacrifice de ses propres vies, aura défendu son idéal d’amour du genre humain.
Xavier Bourdois n’a pas voulu raconter le conflit et encore moins donner la clé de cette tragédie qui reste mal élucidée.
Il a regardé vivre une communauté d’hommes de foi, témoins impuissants de la dérive sanglante ambiante mais profondément encrés dans leurs engagements envers la population civile.
On partage leur vie quotidienne, réglée comme une horloge, jusqu’aux doutes et aux rituels de vie où s’insinuent une peur très humaine, au fil du temps pour arriver à une situation qui dégénère irréversiblement.
D’une admirable justesse de ton, ce film, interprété par des comédiens magnifiquement inspirés (impeccables Lambert Wilson et Michael Lonsdale) qui expriment dans leurs personnages les doutes, les failles, les sursauts mais particulièrement la peur comme une préparation lucide au martyr…
Grand Prix de Jury du Festival de Cannes, le film ‘Des hommes et des dieux’ prouve que le cinéma peut encore faire des petits miracles: rendre palpitante une histoire simple avec des résonances indicibles.
Comme les images finales du film qui nous montrent la colonne des moines et de leurs geôliers en train de marcher vers le lieu du leur supplice et disparaitre physiquement dans le blanc du brouillard. Tout comme la vision successive des croix des tombes des moines endossées sur le flanc de la colline où se trouvait leur monastère qui nous rappelle, à nous les vivants, leur présence posthume. Quoi de plus symbolique pour nous émouvoir ?
Un film qui restera longtemps dans notre mémoire.