Tout étudiant désireux de s’inscrire à l’EDHEC pour y suivre les différents cursus dispensés, doit en premier lieu convaincre un jury du sérieux de son « projet d’entreprise », de ses multiples « talents » et de son « sens de l’excellence ». Un dernier concept qui imprègne cette prestigieuse Ecole supérieure de commerce jusque dans les manifestations artistiques organisées en dehors de son établissement, situé près de l’aéroport de Nice-Côte d’Azur. C’était effectivement le cas mardi 25 novembre 2008 où deux jeunes virtuoses -le mot n’est certainement pas galvaudé- se produisaient sur la scène de l’auditorium Apollon de l’Acropolis dans un programme dédié à Marie-Paule Dallier, la fondatrice de l’Association « Les nouveaux virtuoses ». Soutenue par les membres des « Juniors Entreprises Conseil EDHEC » et par de généreux mécènes du secteur privé, cette association propose un circuit de concerts de musique classique destiné à faire connaître de jeunes musiciens exceptionnels, français et étrangers. A l’EDHEC, la dimension culturelle s’intègre harmonieusement au monde des affaires et à celui de la finance. Un exemple sans doute à méditer en ces périodes de crise du management.
Un programme pourtant difficile attendait le violoncelliste Dimitri Maslennikov et sa partenaire au piano Christie Julien. Né à St Pétersbourg, la ville des artistes au bord de la Baltique, le premier a pu s’entraîner en Russie avec Youri Bashmet et Vladimir Spivakov avant d’obtenir le premier Prix du Conservatoire national de Paris à l’unanimité. Quant à celle qui l’accompagnait au piano, invitée du célèbre pianiste Léon Fleisher au Peabody Conservatory, elle fut rapidement conviée comme membre du jury au concours international Marguerite Long-Jacques Thibaud avant d’en être nommée, l’année passée, membre de son comité artistique. On ne s’embarquait donc pas sans biscuit !
Même si l’archet du violoncelle datant de 1700 a requis quelques mesures pour s’acclimater à la salle, cette dernière n’aura effectivement pas été déçue dès les premières notes de la Sonate op. 119 de Sergueï Prokofiev où le classicisme côtoie des accents nettement plus contemporains : fidèle à son écriture musicale, et peut-être en raison du passage du compositeur de la Russie aux Etats-Unis avant de revenir dans sa patrie natale, de poignants phrasés mélodiques s’interrompent brutalement pour enchaîner sur des parties plus chaotiques avant de revêtir finalement des tonalités plus traditionnelles. D’où une exigence, dans ces changements acrobatiques sans filet, d’un jeu équilibré entre piano et violoncelle. Aucune faille rythmique de la part des deux artistes.
En introduction, Dimitri Maslennikov a d’ailleurs tenu à dire quelques mots sur les malheurs de Prokofiev dans la société soviétique avant de rappeler les liens originels de cette Sonate avec le fameux violoncelliste Mstislav Rostropovitch : ce morceau est issu de la rencontre entre les deux compositeurs russes. Précision doublée d’un clin d’œil sur l’engagement pour les libertés de celui qui allait, un certain soir de novembre 1989, jouer au pied du mur de Berlin. Dans la deuxième partie, la célèbre Sonate en La majeur du compositeur français César Franck – à l’origine pour violon et piano – permettait de renouer avec une inspiration plus romantique, enrichie d’une authentique générosité de jeu et d’interprétation des deux instrumentistes à l’égard du public : si ce n’était l’EDHEC, on oserait à peine affirmer qu’ils étaient complètement « investis » dans leur « performance ».